maladies professionnelles
Question de :
Mme Chantal Guittet
Finistère (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Chantal Guittet attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation du personnel de droit privé de l'entreprise DCNS concernant les conséquences du risque d'exposition à l'amiante. Les bases navales de Brest et de Toulon regroupent des milliers de salariés, avec des statuts très divers : des travailleurs de l'État qui dépendent du ministère de la défense, des salariés du privé qui ont des conventions collectives, des contractuels, des sous-traitants, des personnels militaires. Depuis 2007, ce sont près de 1 338 salariés à Brest - et sans doute autant à Toulon - de tous statuts, de la DCNS, intervenant au sein de ces établissements, qui auraient été en contact ou seraient intervenus sur des matériaux contenant de l'amiante. En 2001, le ministère de la défense reconnaît l'utilisation de l'amiante sur ses sites et met en place par décret un système de réparation en introduisant le dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante à destination des ouvriers d'État de la DCN. Depuis son changement de statut en 2003, DCN, actuelle DCNS, est une société de droit privé. Aujourd'hui coexistent donc, pour les mêmes fonctions, les ouvriers relevant du statut d'ouvrier d'État et les nouveaux personnels de droit privé intégrés depuis à l'entreprise. L'entreprise DCNS n'étant pas nominativement citée dans la liste de droit commun des entreprises ayant utilisé de l'amiante, la CARSAT refuse aux ouvriers de droit privé le bénéfice du dispositif amiante. Cette situation est injuste et discriminatoire au regard des risques considérables pour la santé qu'ils ont pris, eux, de façon égalitaire puisqu'ils assurent le même travail. Un décret de 2012 devait rétablir l'équité de traitement au regard de la durée d'exposition et du statut de ces personnels mais la CARSAT l'interprète restrictivement en considérant que les années publiques ne peuvent s'ajouter à la durée de travail dans le secteur privé. Aussi, elle lui demande quand va-t-il inscrire la société DCNS dans le décret régissant le dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante et enfin protéger ce personnel injustement privé de ce dispositif.
Réponse en séance, et publiée le 13 février 2015
EXPOSITION À L'AMIANTE DES PERSONNELS DE DROIT PRIVÉ DE LA DCNS
M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour exposer sa question, n° 915, relative à l'exposition à l'amiante des personnels de droit privé de la DCNS.
Mme Chantal Guittet. Vous n'êtes pas sans savoir, madame la secrétaire d'État, que les bases navales de Brest et Toulon regroupent des milliers de salariés, aux statuts très divers : travailleurs de l'État, qui dépendent du ministère de la défense, salariés du privé, qui ont des conventions collectives, contractuels, sous-traitants, personnels militaires…. Ce sont près de 1 400 salariés à Brest, et sans doute autant à Toulon, de tous statuts, qui interviennent au sein des établissements de la DCNS et qui auraient été en contact avec des matériaux contenant de l'amiante.
En 2001, le ministère de la défense a reconnu l'utilisation de l'amiante sur ses sites et a mis en place par décret un système de réparation qui introduit un dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante, ouvert aux ouvriers d'État de la DCN. Mais en 2003, la direction des constructions navales est devenue DCNS, société de droit privé. Aujourd'hui coexistent donc, pour les mêmes fonctions, les ouvriers relevant du statut d'ouvrier d'État et les nouveaux personnels de droit privé intégrés depuis à l'entreprise.
L'entreprise DCNS n'étant pas nominativement citée dans la liste de droit commun des entreprises ayant utilisé de l'amiante, la CARSAT, Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, refuse aux ouvriers de droit privé le bénéficie du dispositif de préretraite. Cette situation est injuste et discriminatoire, puisque ces risques considérables pour la santé ont été pris de façon égale, les ouvriers assurant le même travail et la maladie les frappant sans distinction de statut.
Un décret de 2012 devait rétablir une équité de traitement au regard de la durée d'exposition et du statut des personnels, mais la CARSAT l'interprète de manière très restrictive en considérant, malgré le fait que le décret comporte le verbe « ajouter », que les années publiques ne peuvent s'ajouter à la durée de travail dans le secteur privé.
Très mobilisée sur ce sujet, je réitère la demande que j'ai déjà formulée à de nombreuses reprises : quand la société DCNS sera-t-elle inscrite dans le décret régissant le dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante, pour enfin protéger ce personnel injustement privé de ce dispositif ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Madame la députée Chantal Guittet, je vous prie d'excuser l'absence de François Rebsamen, qui est retenu à Matignon pour une réunion autour du Premier ministre.
La DCN était, jusqu'au 31 mai 2003, une direction administrative du ministère de la défense, ses personnels ne pouvant relever, pour cette période, du dispositif de cessation anticipée d'activité institué par l'article 41 de la loi de financement de la Sécurité sociale du 23 décembre 1998 modifié, qui ne concerne que les salariés relevant du secteur privé et du régime général de l'assurance maladie. Cependant, un régime d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, autonome, a été ouvert à certains ouvriers de l'État, fonctionnaires et agents non titulaires relevant du ministère de la défense. Le dispositif spécifique applicable au ministère de la défense permet l'inscription de parties d'établissement et la prise en compte de l'exposition environnementale à l'amiante, contrairement au dispositif applicable au secteur privé. Ainsi, le champ d'application des dispositifs mis en place par le ministère de la défense pour certains de ses agents est différent du régime de droit commun, qui prévoit au contraire que l'exercice des activités de fabrication des matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante au sein de l'établissement doit présenter un caractère significatif.
Depuis 2003, année où ils sont devenus des établissement de droit privé, les établissements DCNS ne remplissent pas les conditions de l'article 41 précité et n'ont effectivement pas vocation à figurer sur la liste de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, et leurs personnels ne peuvent pas être pris en charge par la CARSAT au titre du dispositif de droit commun. Ils ne pourront donc pas cumuler la durée de travail reconnue par le dispositif du ministère de la défense avec celle effectuée sous statut privé, même à activité identique.
Le ministre du travail rappelle que le classement des sites de Brest, Cherbourg, Lorient, Indret, Toulon, Ruelle-sur-Touvre de la DCNS a été sollicité à plusieurs reprises par des syndicats de salariés au titre d'une exposition à l'amiante à compter de l'année 2003. Toutes ces demandes ont fait l'objet de contentieux devant les juridictions administratives, jusqu'au Conseil d’État dans certains cas. Les juridictions ont confirmé l'inéligibilité des DCNS au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Le décret n° 2012-1149 du 12 octobre 2012 auquel vous faites référence concerne l'amélioration de la coordination entre les dispositifs de cessation anticipée d'activité des ministères de la défense et de l'écologie et de l'Établissement national des invalides de la marine. Cette coordination ne peut cependant s'imposer au cadre du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, qui relève des lois de financement de la Sécurité sociale. La différence de traitement résulte donc d'une situation juridique différente, et non d'une appréciation arbitraire de l'administration.
Je sais que le cabinet du ministre du travail est à votre disposition pour continuer à échanger sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet. Les salariés n'ont pas choisi de passer sous statut privé, on les y a obligés. Certains ont travaillé pendant vingt ou vingt-cinq ans sous statut public en contact avec de l'amiante. Ne pas vouloir considérer ces années-là sous le prétexte qu'on leur a dit d'intégrer une société privée, je trouve cela inadmissible. Cette situation est complètement inégalitaire, et j'aimerais bien qu'on puisse faire quelque chose pour ces personnes qui souffrent et dont beaucoup sont en début de maladie.
Auteur : Mme Chantal Guittet
Type de question : Question orale
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2015