Question orale n° 917 :
protection

14e Législature

Question de : M. Gérard Sebaoun
Val-d'Oise (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Gérard Sebaoun attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le blocage du classement en « forêt de protection » (article L. 141-1 et suivants du code forestier) de forêts du département du Val d'Oise et en premier lieu sur celui de la forêt de Montmorency, qui reçoit sur ses 2 000 hectares entre 4 et 5 millions de visiteurs par an, soit le 5e massif le plus fréquenté d'Ile-de-France. Son classement, lancé il y a une dizaine d'années, n'a toujours pas abouti. Quant aux massifs de Carnelle et de L'Isle-Adam, la procédure de classement n'a pas même débuté, en dépit de demandes légitimes. Malgré une très forte pression de l'urbanisme, accompagnée d'une fréquentation en constante augmentation, aucune forêt du département ne bénéficie du statut de « forêt de protection ». Les procédures de classement échouent sur la question de l'exploitation souterraine de gypse. Si les activités des carriers ne sont pas incompatibles en elles-mêmes, elles nécessitent cependant la création en surface de puits d'aération au fur et à mesure de leur avancée, ce que le statut de « forêt de protection » pourrait remettre en cause. Après une décennie de blocage il conviendrait d'adapter le droit forestier pour permettre enfin le classement et la protection de ces forêts indispensables à notre territoire francilien tout en préservant les carrières de gypse indispensables, elles, au dynamisme économique de la région et à la construction de logements. C'est pourquoi il lui propose de créer une procédure de classement spécifique, dérogatoire et temporaire, accordant la même protection à ces forêts tout en prévoyant une exception pour les nécessités des exploitations souterraines. À terme, ce classement dérogatoire aurait vocation à revenir au droit commun du statut de forêt de protection lorsque les activités des carriers s'éteindront. Cette solution spécifique permettrait de mieux protéger ces forêts dans l'intervalle, sans modifier le statut de forêt de protection tel qu'il existe aujourd'hui. Il lui demande donc de bien vouloir expliquer s'il juge opportune cette adaptation du droit forestier et comment elle pourrait être mise en place.

Réponse en séance, et publiée le 13 février 2015

ADAPTATION DU DROIT FORESTIER CONCERNANT LE CLASSEMENT EN "FORÊT DE PROTECTION"
M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour exposer sa question, n°  917, relative à l'adaptation du droit forestier concernant le classement en "forêt de protection".

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le code forestier et sur le régime spécial des forêts de protection. Les forêts situées à la périphérie des grandes agglomérations y sont éligibles. C'est certes un outil juridique très performant, mais il s'avère très contraignant car il crée une servitude nationale d'urbanisme et une restriction de la jouissance du droit de propriété. Il interdit également tout défrichement et toute implantation d'infrastructures et la circulation du public et des véhicules motorisés y est strictement contrôlée. Ce statut est réservé aux massifs, notamment périurbains, à forts enjeux sociaux et environnementaux.

En région Île-de-France, si 20 % de la surface forestière totale est classée en forêt de protection, on observe de très fortes disparités entre les départements, et les bois et les forêts périphériques des agglomérations restent menacés.

Je veux vous alerter sur la situation de la forêt de Montmorency, à l’histoire très ancienne et particulièrement riche. Elle se situe dans le département du Val d'Oise, dont je suis élu, et accueille, sur 2 000 hectares, entre 4 et 5 millions de visiteurs par an. C'est le cinquième massif le plus fréquenté d'Île-de-France mais son classement, lancé il y a dix ans, n'a toujours pas abouti. Il ne s'agit pas d’ailleurs d'un cas isolé puisque dans ce même département, les forêts voisines de Carnelle et de L’Isle-Adam connaissent le même sort.

Notre département, que vous connaissez, se situe en deuxième couronne, à quinze kilomètres de Paris. Il connaît une forte pression urbaine et ne bénéficie toujours pas, à ce jour, de forêts de protection.

Hervé Gaymard, ancien président du conseil d'administration de l'Office national des forêts, avait avancé l'idée de faire des trois forêts de L'Isle-Adam, de Carnelle et surtout de Montmorency, « des forêts pilotes périurbaines ».

Interrogé, le Gouvernement avait objecté une incompatibilité juridique entre le statut de forêt de protection et l’exploitation du gypse en sous-sol. Cette activité, en l’état actuel du droit, n’est pas incompatible avec ce statut mais la nécessité de creuser des puits d’aération en surface remet en cause le classement. Les carriers, que j'ai rencontrés, estiment les réserves à plus de cinquante ans, ce qui en fait les plus importantes d'Europe. Ils se disent incapables, à ce stade, de dresser la carte des futurs puits. Par voie de conséquence, ils craignent de ne pouvoir poursuivre l'extraction du gypse.

Si l'on veut continuer à agir pour le développement durable, il faut poursuivre l'exploitation de cette roche indispensable à la construction tout en sauvegardant la forêt. Il est donc urgent d'adapter le droit forestier.

Afin de résoudre cette équation difficile sans toucher au régime spécial des forêts de protection défini par le code forestier, ne faudrait-il pas envisager un statut intermédiaire, fût-il transitoire, qui permettrait de résoudre ce problème ? Je ne sais pas, d’ailleurs, s’il relèverait du règlement ou de la loi.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, vous interrogez Stéphane Le Foll, qui se trouve ce matin en Corse. Il m'a chargé de vous répondre. Le classement en forêt de protection constitue l'outil juridique le plus solide pour la protection des forêts menacées. Il est obligatoirement prononcé par décret en Conseil d’État, après enquête publique. Le dossier doit préciser les motifs du classement ainsi que la nature des sujétions et interdictions entraînées par ce régime forestier spécial.

Les effets principaux du classement sont d'interdire le défrichement, de contrôler les droits d'usage et de réglementer l'accès du public. Cette procédure, longue et complexe, permet de garantir la prise en compte de l'expression de toutes les parties et de s'assurer, sous le contrôle du Conseil d’État, de l'intérêt du classement de chacune des parcelles.

Afin que le classement en forêt de protection du massif de Montmorency soit compatible avec l'exploitation souterraine du gypse, la localisation des puits d'aération nécessaires à cette exploitation devra être précisément identifiée. Ces zones seront alors exclues du périmètre de protection figurant sur la carte annexée au décret. En l'absence de ces précisions, demandées depuis septembre 2011 aux carriers, le projet de périmètre de protection est incomplet, ce qui empêche le démarrage de la procédure.

Les services du ministère chargés des forêts ne peuvent pas progresser sans ces précisions. Mais Stéphane Le Foll, conscient de ce blocage, qui pourrait perdurer, va tenter de faire évoluer cette situation, même s'il ne peut imposer un accord dans une procédure dont la réussite repose sur le consensus entre les différents acteurs en présence.

En effet, cette procédure assez exceptionnelle, qui ne couvre qu'une infime partie des espaces forestiers nationaux, doit, pour conserver tout son sens, rester strictement encadrée et faire l'objet du consensus le plus large.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais, manifestement, depuis dix ans, ce dossier tourne en rond. Depuis mon élection, il y a deux et demi, je m'en suis saisi, le portant auprès du préfet, des ministères et des carriers, que j’ai vus longuement. Je connais donc bien le point de blocage : si l'on se concentre sur le statut très protecteur, et c'est très important, de forêt de protection, l'évolution de la forêt de Montmorency, avec sa capacité d’accueil du public et la nécessité de résister à la pression urbaine — nous avons déjà échappé à l’extension d’un golf qui aurait amené à défricher une partie de la forêt – fera, et pour très longtemps, du sur-place.

Les habitants et les élus, qui sont très mobilisés sur ce dossier, ne voient rien avancer. Je crois que l'on pourrait, le temps de cette période transitoire, imaginer un statut intermédiaire. Je fais confiance au Gouvernement pour nous dire si c'est concevable. Cinquante ans, puisque c'est à cette échéance que les réserves en gypse de la forêt de Montmorency seront épuisées, soit un demi-siècle d'attente : voilà la peine infligée aux habitants ! Vous leur dites que leur forêt ne sera pas protégée, qu'il existe un risque majeur et qu'ils doivent attendre la fin de l'extraction du gypse. Cela ne peut pas durer ! Il s'agit d'un vrai sujet qui mérite autre chose que de se réfugier, du côté des carriers, derrière les incertitudes relatives à la localisation des puits d'aération dans les cinquante ans à venir, ce qui peut d'ailleurs se comprendre, et du côté du ministre derrière l'état actuel du droit.

Il faut trouver un intermédiaire. La proposition d'Hervé Gaymard peut être reprise. Je souhaite en tout cas que le Gouvernement y travaille.

Données clés

Auteur : M. Gérard Sebaoun

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2015

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