Question orale n° 934 :
médecins

14e Législature

Question de : M. Dominique Le Mèner
Sarthe (5e circonscription) - Les Républicains

M. Dominique Le Mèner attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les fractures qui existent depuis de nombreuses années entre les territoires urbains et ruraux et qui s'illustrent particulièrement à travers la démographie médicale. En effet, nos campagnes risquent de devenir, à très court terme, des déserts médicaux, creusant ainsi davantage le fossé entre celles-ci et les zones urbaines à la démographie médicale dynamique. Dans son département, il manque ainsi 180 médecins généralistes et on ne compte que 7,2 médecins pour 10 000 habitants. L'enjeu est évident pour les années à venir : face à une population vieillissante, le remplacement des médecins approchant de la retraite devient une priorité pour de nombreux territoires ruraux. Il lui demande donc de lui préciser les intentions du Gouvernement sur cette question.

Réponse en séance, et publiée le 13 février 2015

LUTTE CONTRE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE
M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour exposer sa question, n°  934, relative à la lutte contre la désertification médicale.

M. Dominique Le Mèner. Je voulais appeler l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les fractures territoriales qui ne cessent de s'aggraver entre les territoires périurbains ou ruraux et les autres, particulièrement les grandes villes ou les villes du littoral, fractures qu'illustre particulièrement la démographie médicale. En effet, beaucoup de ces territoires périurbains ou ruraux risquent, à très court terme, de devenir des déserts médicaux, ce qui creusera davantage le fossé qui les sépare des zones du littoral, à la démographie médicale dynamique, ou des métropoles universitaires. Ce fossé risque d'ailleurs de se creuser encore très prochainement avec la loi Macron, qui libéralise l'installation : après leurs médecins, les territoires ruraux risquent de voir disparaître leurs professionnels juridiques, au profit des zones urbaines. Une désertification est donc à craindre.

À titre d'exemple, dans le département de la Sarthe, pour une moyenne de 7,2 médecins pour 10 000 habitants, il manque 180 médecins généralistes. Notre voisin le Maine-et-Loire compte pour sa part en moyenne 10,1 médecins pour 10 000 habitants, et la moyenne nationale se situe environ à 10. Cependant, ces moyennes masquent d'inquiétants contrastes. Ainsi, avec 8,9 médecins pour 10 000 habitants, l'agglomération du Mans est un peu mieux lotie que le reste du département, et d'autres secteurs subissent une vraie désertification : par exemple, La Ferté-Bernard-Bonnétable ne compte que 4,5 médecins pour 10 000 habitants, et la commune de Saint-Cosme-en-Vairais vient de voir partir son dernier généraliste.

Cette désertification s'aggrave, les contrastes sont évidents et le défi qui nous est lancé pour les prochaines années l'est tout autant, car, face à une population vieillissante, le remplacement des médecins approchant de la retraite devient une priorité pour de nombreux territoires, notamment ruraux ou périurbains. Ainsi, dans le secteur de Saint-Calais, où il existe un hôpital de proximité, il y a environ 7 médecins pour 10 000 habitants, mais parmi eux, 4 sont âgés de plus de 62 ans et approchent donc de la retraite. Au-delà de ce maillage du territoire, on n'est plus capable d'installer de nouveaux médecins et l'égal accès aux soins n'est plus possible.

Le conseil général de la Sarthe tente depuis plusieurs années d'apporter des réponses concrètes et pragmatiques à ces défis. Il crée des bourses d'études pour les futurs médecins, finance des maisons médicales et offre des aides à l'accompagnement et à l'installation. Cela porte ses fruits, mais n'est bien évidemment pas suffisant. Il est donc nécessaire que cette question soit traitée au niveau national.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous me fassiez part des intentions de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur cette question cruciale pour l'avenir de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député, en région Pays de la Loire comme dans les autres régions, les acteurs locaux sont mobilisés autour du pacte territoire santé. Dans la Sarthe, qui présente une situation particulièrement défavorable en matière d'offre de soins de proximité, cette mobilisation des acteurs locaux et régionaux – élus, professionnels de santé, conseil général, assurance maladie et agence régionale de santé – commence à produire ses effets, comme le montrent des résultats encourageants.

Grâce aux contrats d'engagement de service public, de nouveaux médecins s'installent dans le département : un signataire de CESP s'est installé à Mayet, quatre futurs médecins généralistes ayant signé un CESP prévoient de s'installer en Sarthe entre la fin de l'année 2015 et la fin de l'année 2017, et un étudiant et un interne ayant signé un CESP envisagent de le faire en tant qu'ophtalmologistes à l'issue de leur formation.

Le succès du dispositif de praticien territorial de médecine générale, autre levier pour encourager l'installation des jeunes médecins en zone fragile, se confirme aussi dans le département : quatre contrats de PTMG ont été signés dans les villes de Conlie, Courdemanche, Brûlon et Vibraye, et un nouveau médecin prévoit d'en signer un en fin d'année à Beaumont-sur-Sarthe. Les structures d'exercice coordonné, qui, faut-il le rappeler, répondent aux aspirations d'un grand nombre de professionnels, sont aussi en plein développement, avec dix maisons de santé en fonctionnement dans le département de la Sarthe au début de l'année 2015 alors qu'il n'y en avait qu'une à la fin de l'année 2012.

Parmi les autres mesures prises dans le département figure la mise en place d'un dispositif d'accompagnement personnalisé à l'installation en zone fragile ou sous vigilance. Cela concerne médecins généralistes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens ou encore infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes. Évoquons encore le déploiement de cinq médecins correspondants du SAMU dans l'ouest du département, pour assurer une couverture de la population à plus de trente minutes d'un accès à des soins urgents. D'autres actions sont également menées pour encourager la réalisation de stages ambulatoires des futurs professionnels de santé. Je n'entrerai pas dans le détail de tout ce qui est entrepris dans le département de la Sarthe, mais les exemples que je viens d'évoquer illustrent bien la dynamique amorcée.

Nous devons poursuivre nos efforts et rester mobilisés.

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner.

M. Dominique Le Mèner. Le problème, madame la secrétaire d’État, c'est que ce sont là des mesures palliatives, si j'ose dire, puisque nous n'avons pas encore subi tous les départs en retraite. Pour l'instant donc, nous faisons face, notamment avec les contrats à venir, mais les installations prévues ne se feront que pour une durée de cinq ans au plus. Il est donc nécessaire, dans ce département dont vous avez vous-même reconnu qu'il est en difficulté, d'envisager des mesures sans doute plus fortes – plus incitatives ou plus coercitives, au choix.

La question se pose d'autant plus à l'heure où l'on s'interroge sur la liberté d'installation d'un certain nombre de professions juridiques, qui continuent cependant de couvrir une population et un territoire. Faudrait-il faire la même chose avec les médecins ? Peut-être cela améliorerait-il les choses.

Il faut en tout cas remettre ce dossier en haut de la pile et examiner très précisément la question des territoires déficitaires, à l'heure où d'autres, comme les départements du sud de la France ou du littoral, connaissent une situation inverse de surpopulation médicale.

Données clés

Auteur : M. Dominique Le Mèner

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2015

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