divorce
Question de :
M. Pierre-Yves Le Borgn'
Français établis hors de France (7e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Pierre-Yves Le Borgn' appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Depuis des années, et sans doute des décennies, existe entre la France et l'Allemagne une difficulté relative aux conflits d'autorité parentale survenant à la faveur du divorce ou de la fin de vie commune d'un couple binational. Cette difficulté, qui tient notamment à l'interprétation très différente que les deux pays font de l'intérêt supérieur de l'enfant, conduit à des drames dont les premières victimes sont les enfants. La présence obligée de l'enfant sur le territoire allemand et la perte du lien avec son parent non-allemand qui peut en résulter forment le cadre de nombreuses décisions de justice rendues au nom de l'intérêt de l'enfant. Un parent doit-il renoncer à la garde ou à l'autorité parentale s'il ou elle souhaite rentrer dans son pays ? Pourquoi le principe de continuité territoriale, au centre du droit de la famille, doit-il se heurter à la notion de frontière ? Depuis don élection en 2012, M. Le Borgn' n'a eu de cesse de porter cette question auprès du Gouvernement. Il l'a fait aussi en Allemagne. Au total, il a rencontré dix ministres français et trois ministres allemands individuellement. Tout le monde l'a écouté poliment, en manifestant souvent empathie et approbation. Pourtant, rien ne s'est produit ensuite. Dans les permanences qu'il fait en Allemagne et par les questions en ligne qu'il reçoit de nos compatriotes, il est au contact d'une terrible détresse humaine, que ne reflètent aucunement les chiffres régulièrement cités par le ministère des Affaires étrangères pour tenter de le convaincre que le sujet dont il se préoccupe serait bien moindre qu'il ne le décrit. Cette situation est inacceptable. Qu'entend faire le Gouvernement, en lien avec les autorités allemandes, pour enfin s'attaquer à ces drames et à leurs causes ? Quelles initiatives prendra-t-il à cette fin ? Il en va du droit à l'enfance de centaines de petits garçons et petites filles, citoyens de la République française.
Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS LE CADRE DES RUPTURES DES COUPLES FRANCO-ALLEMANDS
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn', pour exposer sa question, n° 952, relative aux difficultés rencontrées dans le cadre des ruptures des couples franco-allemands.
M. Pierre-Yves Le Borgn'. Madame la secrétaire d'État, depuis de longues années existe, entre la France et l'Allemagne, une difficulté relative aux conflits d'autorité parentale survenant à la faveur du divorce ou de la fin de vie commune d'un couple binational.
Cette difficulté, qui tient notamment à l'interprétation très différente que les juges des deux pays font de l'intérêt supérieur de l'enfant, conduit à des drames dont les premières victimes sont, précisément, les enfants. La présence obligée de l'enfant sur le territoire allemand et la perte du lien avec son parent non-allemand qui peut en résulter, forment le cadre de nombreuses décisions de justice rendues pourtant au nom de l'intérêt de l'enfant. Un parent doit-il renoncer à la garde ou à l'exercice de l'autorité parentale s'il souhaite rentrer dans son pays ? Pourquoi le principe de continuité territoriale, au centre du droit de la famille, doit-il, à l'heure de l'Europe, se heurter encore à la notion de frontière ?
Depuis mon élection, en 2012, je n'ai eu de cesse d'interroger le Gouvernement sur cette question. Vous le savez, madame la secrétaire d'État, je l'ai fait aussi en Allemagne. Au total, j'ai rencontré, individuellement, dix ministres français et trois ministres allemands. Chacun m'a écouté, poliment, en manifestant même souvent empathie et approbation. Malheureusement, cela n'a débouché sur rien.
Dans mes permanences en Allemagne je suis au contact d'une terrible détresse humaine, que ne reflètent aucunement les chiffres régulièrement cités par le ministère des affaires étrangères pour tenter de me convaincre que le problème dont je me préoccupe serait bien moindre que je ne le décris.
Cette situation, madame la secrétaire d'État, est inacceptable. Qu'entend faire le Gouvernement, en lien, bien sûr, avec les autorités allemandes, pour enfin s'attaquer à ces drames et à leurs causes ? Quelles initiatives concrètes prendra-t-il à cette fin ? Il en va tout simplement du droit à l'enfance de citoyens de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député, je tiens d'abord à souligner votre grande implication sur cette question. Vous avez évoqué votre rencontre avec une dizaine de ministres français, dont je faisais effectivement partie. Vous avez effectivement appelé mon attention sur ce dossier, au point que j'ai cherché à en mieux saisir toute la complexité.
L'attache que j'ai prise auprès de notre ambassade à Berlin fait ressortir que le nombre de litiges familiaux identifiés au sein des couples franco-allemands – je parle bien des litiges identifiés – est stable et reste statistiquement faible, autour d'une dizaine de cas. J'entends bien ce que vous dites, à partir des informations et des statistiques différentes dont vous disposez, mais je suis obligée de m'appuyer sur ce qui est recensé officiellement. Peut-être les personnes que vous rencontrez pourraient-elles faire connaître leur situation auprès de l'ambassade de France à Berlin afin de la faire recenser et de nous aider à en mesurer le volume réel. Aucune donnée objective – je ne mets nullement en question vos chiffres ni ne juge subjective votre analyse – ne peut laisser à penser que la justice allemande se montrerait systématiquement défavorable au parent français dans le cadre des litiges familiaux opposant les membres de couples binationaux.
La convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 s'impose de part et d'autre de la frontière et c'est elle qui peut conduire les magistrats à privilégier, dans leurs décisions, la prise en compte du besoin de stabilité dans l'environnement familial et relationnel des enfants concernés.
Vous le savez, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui, en Allemagne comme en France, doit guider les décisions, y compris les décisions de justice. Lorsqu'il est saisi, le bureau de l'entraide, à la Chancellerie, veille à la bonne application de ce principe.
Sans doute des incompréhensions demeurent-elles du fait de la méconnaissance des systèmes juridiques de part et d'autre de la frontière. C'est la raison pour laquelle les acteurs de la protection consulaire et les autorités centrales ont défini un circuit clair de transmission de l'information. La mission interministérielle d'information sur le droit de la famille allemand, à laquelle les ministères des affaires étrangères et de la justice ont participé les 15 et 16 décembre derniers, a par ailleurs permis une meilleure compréhension du système juridique allemand en matière familiale.
Des échanges d'informations réguliers entre autorités françaises et allemandes, articulées au travail du magistrat de liaison, pourraient encore améliorer l'information des familles qui vivent des situations difficiles.
Nous travaillons en ce sens et ne manquerons pas de recueillir votre expertise de terrain afin de mener au mieux ce travail.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn'.
M. Pierre-Yves Le Borgn'. Merci, madame la secrétaire d'État. J'entends vos arguments mais je souhaiterais, si vous le permettez, vous faire part de ma grande lassitude devant ce type de réponses et, surtout, de la peine que j'éprouve pour le nombre d'enfants que cela concerne et les parents que je vois venir dans mes permanences. Il y a en effet une grande différence entre le quantitatif que vous me citez – ces chiffres du ministère des affaires étrangères me sont, comme vous l'imaginez, familiers – et le qualitatif, très défavorable, que je perçois au sein de ma circonscription.
Je me permettrai à ce stade une recommandation. Pour sortir de cette situation, ne faudrait-il pas accomplir, enfin, un acte fort, et organiser des assises franco-allemandes de la famille, où seraient invités tous les acteurs – travailleurs sociaux, acteurs des politiques familiales et du droit de la famille, de part et d'autre du Rhin – afin de comprendre pourquoi ce problème est si difficile à résoudre et ce qu'il faut faire pour le régler ?
M. Laurent Furst. Très bien !
Auteur : M. Pierre-Yves Le Borgn'
Type de question : Question orale
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Famille, personnes âgées et autonomie
Ministère répondant : Famille, personnes âgées et autonomie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015