Question orale n° 963 :
programmes

14e Législature

Question de : M. Alain Leboeuf
Vendée (1re circonscription) - Les Républicains

M. Alain Leboeuf appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la réforme du collège qui verra l'introduction d'une deuxième langue vivante dès la cinquième et le retour de l'interdisciplinarité. L'introduction de la deuxième langue vivante se fera au dépend des matières fondamentales qui devraient être au contraire renforcées. Aujourd'hui 58 % des collégiens des zones prioritaires subissent cet illettrisme. Par ailleurs, en 1973, l'éducation nationale avait déjà proposé cette expérience des cours pluridisciplinaires en l'abandonnant un an après. Ces cours ne renforceront en rien l'orthographe et la grammaire des collégiens. Aussi il lui demande si un programme contre l'illettrisme et l'échec scolaire, par un renforcement des matières fondamentales, est prévu dans la prochaine réforme.

Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015

RENFORCEMENT DES MATIÈRES FONDAMENTALES DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DU COLLÈGE
M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour exposer sa question, n°  963, relative au renforcement des matières fondamentales dans le cadre de la réforme du collège.

M. Alain Leboeuf. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, que j'ai entendue, comme tout le monde, annoncer une énième réforme du collège qui vise notamment à rendre la deuxième langue vivante obligatoire dès la cinquième et à revenir à l'interdisciplinarité.

En introduisant l'apprentissage d'une deuxième langue vivante dès la cinquième, vous faites une énième erreur. À l'heure où l'illettrisme atteint des sommets et où l'appréhension de la première langue vivante est pour beaucoup un échec, pourquoi imposer cela à nos enfants au lieu de renforcer le français et les fondamentaux ?

En tant que chef d'établissement, j'ai fait l'expérience de la deuxième langue vivante dès la sixième, mais sur la base du volontariat. Cela aurait pu constituer une hypothèse valable : donner la chance à un certain nombre de jeunes qui souhaitent se spécialiser de commencer une deuxième langue dès la sixième. Mais pourquoi obliger tous nos enfants à commencer dès la cinquième ?

Quant à l'interdisciplinarité, qui a déjà fait l'objet de nombreux essais peu concluants, vous semblez ignorer qu'elle existe déjà ! Là encore, il faut préférer les fondamentaux plutôt que de nouveaux projets auxquels personne n'adhérera. Je vous rappelle qu'un élève sortant aujourd'hui du collège a perdu huit cents heures de cours de français par rapport à ses parents, et que 58 % des collégiens des zones d'éducation prioritaire sont touchés par l'illettrisme.

Ma question est donc la suivante : la réforme que vous proposez va-t-elle comporter un programme de lutte contre l'illettrisme et l'échec par un renforcement des matières fondamentales ? Tout le monde l'attend ! J'attends votre réponse avec un grand intérêt.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur la réforme du collège et la lutte contre l'illettrisme. Je vous rappelle que les efforts engagés depuis 2012 pour la refondation de l'école de la République ont d'abord été concentrés sur le premier degré. En effet, si nous voulons permettre aux enfants de maîtriser la langue française, il faut en améliorer l'apprentissage dès le primaire.

Aujourd'hui nous réorganisons le deuxième temps de la scolarité obligatoire, à savoir le collège. Comme vous, nous en constatons les carences.

En effet, depuis plusieurs années, le collège est le maillon faible du système éducatif français. L'organisation actuelle n'apporte pas les solutions adaptées aux élèves qui rencontrent des difficultés significatives à la fin de l'école primaire, et conduit même parfois à leur aggravation. D'ailleurs le nombre de collégiens en difficulté à l'issue du collège augmente fortement depuis 2000.

Notre gouvernement est déterminé à agir pour que les élèves apprennent et réussissent mieux au collège. C'est le sens de la réforme du collège que nous venons d'engager. Les nouveaux programmes élaborés par le Conseil supérieur des programmes font de la maîtrise des fondamentaux dans toutes les matières une priorité. L'enseignement du français est centré sur la maîtrise et l'utilisation de la langue, orale et écrite, et celui des mathématiques devient plus attractif.

La transmission des savoirs fondamentaux doit aussi passer par de nouvelles pratiques pédagogiques. Ainsi, les enseignements pratiques interdisciplinaires, en croisant, en contextualisant et en utilisant les apprentissages en vue de réaliser des projets concrets, permettront aux élèves de comprendre le sens de ces apprentissages.

Ces nouvelles méthodes sont d'ores et déjà expérimentées. J'ai moi-même eu l'occasion, dans un collège situé près de Bordeaux et plébiscité par les parents d'élèves, de vérifier le succès de cette pratique interdisciplinaire.

Enfin, l'acquisition de nouvelles compétences apparaît aujourd'hui indispensable pour que les élèves réussissent leur insertion professionnelle. Cela nous a amenés à nous poser la question de l'apprentissage des langues. C'est à ce titre que nous avons décidé qu'une deuxième langue vivante serait enseignée à tous les collégiens dès la classe de cinquième. Cet apprentissage précoce est essentiel dans une société où les échanges entre les pays se sont multipliés et amplifiés. Il est en outre porteur d'une ouverture sur le monde qui favorise la formation de citoyens éclairés.

La lutte contre l'illettrisme a reçu une nouvelle impulsion il y a deux ans, lorsque celui-ci a été déclaré Grande cause nationale. Nous avons à cette occasion travaillé très étroitement avec l'agence de lutte contre l'illettrisme, dont je salue la qualité du travail.

La réforme du collège que nous menons, monsieur le député, est loin de porter atteinte à la transmission des savoirs fondamentaux. Bien au contraire, elle favorise un meilleur apprentissage des élèves en les replaçant dans le monde d'aujourd'hui et en leur permettant de se préparer à leur future vie professionnelle et citoyenne.

M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Concernant l'ouverture culturelle, je partage totalement vos propos. Mais je crois qu'on se leurre, dans nos ministères, en pensant qu'une deuxième langue vivante obligatoire dès la cinquième offrira une véritable ouverture culturelle à tous nos enfants : au contraire, cela contribuera à les enfoncer ! Il serait plus efficace de laisser seulement certains enfants commencer plus tôt, en profitant d'un enseignement de qualité, dispensé par des professeurs compétents.

Données clés

Auteur : M. Alain Leboeuf

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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