Question orale n° 966 :
permis de construire

14e Législature

Question de : Mme Laurence Arribagé
Haute-Garonne (3e circonscription) - Les Républicains

Mme Laurence Arribagé attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur l'augmentation des recours à l'encontre des permis de construire dans la région Midi-Pyrénées. Si le recours contre un permis de construire est naturellement un droit à garantir à toute personne ou association concernée, la multiplication exponentielle de ceux-ci est à souligner, et il est légitime de s'interroger sur la nature abusive de certains d'entre eux. En effet, les promoteurs immobiliers s'inquiètent de nombreuses constructions bloquées par ces recours en attente de jugements du tribunal administratif, qui concerneraient plusieurs centaines de logements. Pourtant, alors que perdure une crise du logement et que le chômage ne cesse d'augmenter tant sur le plan local que national, ces projets de constructions pourraient permettre des retombées économiques et fiscales non négligeables. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet et lui demande de préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre rapidement afin de fluidifier cette situation problématique.

Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015

AUGMENTATION DES RECOURS CONTRE LES PERMIS DE CONSTRUIRE EN RÉGION MIDI-PYRÉNÉES
M. le président. La parole est à Mme Laurence Arribagé, pour exposer sa question, n°  966, relative à l'augmentation des recours contre les permis de construire en région Midi-Pyrénées.

Mme Laurence Arribagé. Madame la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, la région Midi-Pyrénées connaît actuellement une recrudescence considérable et anormale des recours contentieux à l'encontre de permis de construire. En dépit de l'ordonnance du 18 juillet et du décret du 1er octobre 2013 visant à durcir les conditions de recours, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Les recours contentieux, dont certains sont abusifs, suspendraient dans notre région plusieurs centaines de permis de construire pour plusieurs mois, voire plusieurs années. Le manque à gagner, tant pour l'État que pour le tissu économique régional, est évident. Le montant total des recettes fiscales non perçues s'élèverait à près de 100 millions d'euros pour l'État et les collectivités. Alors que notre région souffre d'un taux de chômage de 10,3 %, la non-création de 5 000 à 6 000 emplois potentiels est un non-sens patent. Enfin, en pleine crise du logement, ces procédures empêcheraient la réalisation de plusieurs milliers de logements, dont de nombreux logements sociaux, au détriment d'autant de familles obligées de rester dans l'expectative.

Dans ces conditions, il est nécessaire, pour ne pas dire impératif, d'agir afin de relancer le secteur de la construction.

Face à la multiplication des recours, la justice apparaît passablement démunie. À titre d'exemple, les dossiers relatifs à l'urbanisme représentent environ 11 % des dossiers examinés par le tribunal administratif de Toulouse, et seules trois personnes seraient affectées à leur traitement. En outre, les conditions d'engagement de la responsabilité du plaignant pour procédure abusive restent peu dissuasives, principalement à l'endroit des particuliers contactés par des avocats. Aussi conviendrait-il de réellement sanctionner financièrement les recours abusifs à hauteur des abus constatés.

Par ailleurs, une approche plus préventive pourrait être explorée afin de désengorger les tribunaux administratifs, telle que l'introduction d'une commission amiable précontentieuse, sous l'égide d'un magistrat honoraire, dont le compte rendu serait versé au débat dans le cas où un recours contentieux ne saurait être évité.

Madame la ministre, quelles mesures, au plan humain mais aussi matériel et structurel, seront-elles mises en œuvre pour remédier à ces situations de blocage préjudiciables à la collectivité et pour fluidifier ainsi le secteur de la construction dans le respect des recours légitimes ?

M. Olivier Dassault. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la députée, vous avez raison de souligner combien le contentieux de l'urbanisme est un sujet récurrent, en Midi-Pyrénées et ailleurs. J'ai évoqué ce sujet à l'occasion d'une visite à Toulouse, dans le cadre du Tour de France de la construction. Il est l'objet d'une grande attention, tant des professionnels de la construction, des élus et des représentants de la société civile que des services de l'État.

Le Gouvernement a pris une série de mesures visant à prévenir les recours abusifs contre les autorisations d'urbanisme et à accélérer les délais et le traitement de ce contentieux. Notre objectif est de faciliter la réalisation d'opérations d'aménagement et de construction de logements tout en préservant le droit au recours, qui est un droit de valeur constitutionnelle.

Par l'ordonnance du 18 juillet 2013, nous avons modifié l'appréciation de l'intérêt à agir, qui se fait dorénavant à la date d'affichage de la demande d'autorisation. Cela empêche la constitution d'un intérêt à agir « artificiel », technique souvent utilisée à des fins dilatoires ou de négociations pécuniaires.

Les pouvoirs du juge administratif en matière d'urbanisme ont été modifiés avec une réécriture des possibilités d'annulation partielle des autorisations. Une nouvelle possibilité de surseoir à statuer pour faciliter les régularisations des autorisations a été ouverte.

Nous avons facilité également les possibilités de condamnation pour un recours abusif et encadré les procédures transactionnelles, avec une obligation d'enregistrement auprès de l'administration fiscale pour dissuader les chantages, tout en préservant la possibilité d'une transaction lorsque celle-ci est légitime.

Le décret du 2 octobre 2013 complète ces mesures et permet notamment au juge de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Cela vise à contrer la tactique des arguments avancés au « compte-gouttes », qui allonge artificiellement la procédure contentieuse.

Le Gouvernement continue de prêter une attention particulière au sujet, notamment dans le cadre des articles 28 et 29 du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, actuellement en discussion au Sénat. Ces articles prévoient d'aménager les pouvoirs du juge administratif lorsqu'il est saisi d'un recours contre une autorisation d'urbanisme ou le refus d'une telle autorisation, et de sécuriser les projets de construction en recentrant l'action en démolition sur des secteurs particulièrement sensibles, notamment en termes de protection environnementale. Les exemples que vous avez cités montrent que cette mesure est fréquemment dévoyée afin de ralentir les procédures. Il nous semble donc plus pertinent de recentrer les possibilités de recours en amont de la construction, en favorisant l'utilisation du référé suspensif.

L'ensemble de ces mesures attestent de notre volonté de trouver un meilleur équilibre entre la nécessaire garantie du droit au recours et l'exigence de simplification et d'accélération des projets, essentielle pour la relance de la construction et la création d'emplois.

Données clés

Auteur : Mme Laurence Arribagé

Type de question : Question orale

Rubrique : Urbanisme

Ministère interrogé : Logement, égalité des territoires et ruralité

Ministère répondant : Logement, égalité des territoires et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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