Droits à la mobilité fonctionnaires de police originaires de Nouvelle-Calédonie
Question de :
M. Philippe Gomès
Nouvelle-Calédonie (2e circonscription) - Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants
M. Philippe Gomès attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les attentes exprimées par une cinquantaine de fonctionnaires de police originaires de Nouvelle-Calédonie et affectés en métropole, parfois depuis plus d'une dizaine d'années, qui tentent de faire valoir leurs droits à la mobilité pour regagner leur île natale. S'il se réjouit qu'une trentaine de policiers calédoniens aient pu rejoindre le pays, entre 2016 et 2017, il rappelle cependant que la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires, puis la circulaire interministérielle du 10 mars 2017, ont acté la prise en considération du « centre des intérêts matériels et moraux » dans les demandes de mutation sollicitées par les fonctionnaires ultramarins, permettant désormais de tenir compte autant de leur situation personnelle que de leurs attaches familiales et matérielles dans ces territoires. À cet égard, il relève que plusieurs dizaines de policiers calédoniens, séparés par 18 000 kilomètres de leur famille ou de leurs enfants, demeurent toujours dans l'attente d'une affectation en Nouvelle-Calédonie, en dépit du fait qu'ils remplissent les conditions liées au concours national à affectation en Île-de-France relatives à une durée de 8 années obligatoire de service consécutif dans leur région administrative d'affectation. Il souligne que si le délai de cette période de présence obligatoire était ramené de manière dérogatoire à une durée de 5 années de service, un grand nombre de fonctionnaires de police pourraient alors rentrer au pays pour y exercer leurs missions aux côtés de leurs pairs. Il ajoute que la Nouvelle-Calédonie subit une recrudescence préoccupante de la délinquance générale et enregistre une hausse sensible des actes de violence, notamment commis à l'encontre des forces de l'ordre. Il considère que le retour rapide de ces policiers aguerris, connaissant parfaitement les spécificités humaines et sociales liées au contexte local calédonien dont ils sont issus, contribuerait à renforcer de manière immédiate et efficace les effectifs en place. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend reconnaître la légitimité des fonctionnaires de police calédoniens à bénéficier d'une mutation plus juste et plus solidaire. Dans cette perspective, il invoque la nécessité de réviser les règles régissant la durée de service obligatoire en métropole pour les lauréats calédoniens du concours national à affectation en Île-de-France, et demande au Gouvernement d'étudier la possibilité, s'agissant des territoires ultramarins les plus éloignés, d'abaisser de 8 à 5 ans le délai minimal leur permettant d'obtenir un changement de région d'affectation.
Réponse publiée le 28 novembre 2017
La plupart des services de l'Etat sont régulièrement confrontés à la question du retour par voie de mutation des fonctionnaires, affectés en métropole, dont le « centre des intérêts matériels et moraux » (CIMM) se trouve outre-mer. Il en est ainsi au ministère de l'intérieur. La situation des fonctionnaires de police qui souhaitent faire valoir leurs droits à la mobilité par la prise en considération du « centre de leurs intérêts matériels et moraux » est bien connue des services de ressources humaines et fait l'objet d'une attention particulière. Le ministère de l'intérieur souhaite en effet favoriser le retour de ces agents. La procédure applicable a ainsi évolué. L'affectation outre-mer des personnels actifs de la police nationale est soumise aux dispositions de l'arrêté du 20 octobre 1995 modifié pris pour l'application de l'article 28 du décret no 95-654 du 9mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. Cet arrêténe différencie pas spécifiquement les départements d'outre-mer (DOM) des collectivités d'outre-mer (COM) et fixe une durée maximale de séjour pour chaque territoire. Cette durée est de 3 ans pour La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna et de 4 ans pour la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, prolongeable d'un an. L'arrêté prévoit les cas dans lesquels la durée de séjour n'est pas applicable, notamment pour les agents justifiant d'un CIMM dans le territoire considéré. La durée de séjour n'est en outre pas applicable aux fonctionnaires recrutés localement en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte. L'arrêté fixe les conditions d'affectation dans ces territoires, qui varient en fonction du grade. Les demandes de mutation des agents du corps d'encadrement et d'application de la police nationale sont examinées plusieurs fois par an, dans le cadre des mouvements nationaux de mobilité (mouvement général dit « polyvalent » et mouvement général dit « profilé »). En ce qui concerne le mouvement polyvalent, les candidatures sont examinées au regard d'un capital de points détenu par le fonctionnaire (lié à sa situation administrative et personnelle). Le mouvement profilé, qui concerne les affectations dans des services spécialisés, exige la détention de compétences et de qualifications particulières. Les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application mutés dans le cadre du mouvement polyvalent ou du mouvement profilé et qui justifient d'un CIMM dans le territoire considéré ne sont pas soumis à la durée de séjour dès lors qu'ils sont affectés dans ledit territoire. Les affectations en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française sont ouvertes depuis 2016 au mouvement polyvalent sous forme de postes non vacants. Ceci permet ainsi de lister l'ensemble des fonctionnaires, bénéficiant ou pas d'un CIMM, répondant aux dispositions statutaires applicables et désireux d'y être mutés. Cependant, seuls les fonctionnaires disposant d'un CIMM peuvent bénéficier d'une mutation « polyvalente » pour ces collectivités. Les candidatures sont recensées et les fonctionnaires retenus sont affectés dans leur collectivité d'origine en fonction de leur ancienneté dans la police nationale et des besoins en personnels. Les agents du corps d'encadrement et d'application ne disposant pas de CIMM en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie peuvent obtenir leur mutation, mais uniquement au titre des postes profilés ou d'éventuels appels à candidatures. Il convient de préciser que, par une décision en date du 2 février 2011, le Conseil d'Etat a jugé non discriminatoires les modalités de mutation fixées par les textes en vigueur, notamment le principe de la limitation de la durée du séjour. Par ailleurs, l'appréciation du CIMM dans le cadre d'une demande de suppression de la durée de séjour (« fidélisation ») a été précisée dans une décision du Conseil d'Etat en date du 6 février 2013. Le CIMM s'apprécie ainsi à la date de la demande de mutation outre-mer : « Un fonctionnaire ne saurait utilement faire valoir qu'il aurait transféré le centre de ses intérêts moraux et matériels dans un département ou une collectivité d'outre-mer au cours de la période où il y a été affecté ». A la suite du rapport de décembre 2013 du député Patrick Lebreton sur la régionalisation de l'emploi outre-mer, élaboré à la demande du Premier ministre, la direction générale de la police nationale (direction des ressources et des compétences de la police nationale) a procédé à une modification substantielle des règles d'examen des demandes de mobilité. Il a ainsi été décidé en 2015 l'octroi d'un bonus de 100 points annuels sur le vœu no 1 au profit des fonctionnaires exprimant de manière continue leur souhait de mobilité pour un département ou une collectivité d'outre-mer (à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française). Cet octroi représente une avancée importante pour les agents. Ces mesures ont été mises en application à compter de 2016. Elles devraient se traduire par une réduction significative du délai de départ pour les agents désireux de servir outre-mer. Par ailleurs, la direction générale de l'administration et de la fonction publique a engagé une réflexion interministérielle sur les modalités de mise en œuvre de l'article 32 de la loi no 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose que « l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire, notamment pour les fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ». L'article 85 de la loi no 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, a modifié l'article 60 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, pour faire du centre des intérêts matériels et moraux dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie un critère de priorité d'affectation. Les travaux interministériels sur la prise en compte des CIMM se poursuivent.
Auteur : M. Philippe Gomès
Type de question : Question écrite
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 12 septembre 2017
Réponse publiée le 28 novembre 2017