Question de : Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la faiblesse des prix de revient dont bénéficient les agriculteurs par rapport aux transformateurs et aux distributeurs. En dépit d'une révision prônée par le Gouvernement à travers la loi de modernisation de l'économie, la différence entre les prix qui reviennent aux agriculteurs et ceux octroyés aux relais intermédiaires permettant la vente de leurs produits (transformateurs, distributeurs) est particulièrement alarmante. Ainsi, selon l'Observatoire de la formation des prix et des marges, « seuls 6,20 euros reviennent aux agriculteurs sur les 100 euros de produits alimentaires vendus au consommateur final », alors même que les distributeurs et transformateurs se partagent le reste. Les prix des matières premières agricoles se situent quant à eux quasiment tous en-dessous du prix de revient des exploitants. Ceux-ci produisent désormais à perte : ainsi, le litre de lait se cote à 33 centimes alors que son seuil de rentabilité s'élève à 34 centimes d'euros. De même, alors que les cours internationaux du blé s'évaluent à 152 euros la tonne (Euronext, le 8 septembre 2017), le céréalier, qui ne touche que 132 euros sur sa production - du fait des coûts de transports - travaille à perte. Du côté de la viande porcine, le prix au kilo sur le marché international (1,378 euros/kg) est inférieur au seuil de rentabilité de l'éleveur (1,40 euros/kg). La cause ? L'embargo européen à l'encontre de la Russie, qui a rendu ce pays producteur excédentaire et l'a enjoint à ouvrir son marché à la Chine, à laquelle il propose des prix défiant toutes concurrences. Il conviendrait désormais de faire respecter efficacement l'interdiction de la revente à perte ; car jusque lors, comme le soulignait Christiane Lambert (présidente de la FNSEA), « ces pratiques ont entraîné une destruction de valeur d'1 milliard d'euros en 2016 en France sur la chaîne alimentaire ». Par ailleurs, le coût élevé de ces matières premières affecte également les industriels. Depuis près de 18 mois, les cours mondiaux du beurre s'accroissent, en raison de la demande à l'international, engendrant la fonte des marges des industriels qui s'inquiètent de cette hausse qui a connu depuis le mois de juin 2017 une hausse de 30 %. « Cette hausse fragilise nombre d'entreprises et il devient vital que les distributeurs prennent en compte cette situation de marché exceptionnelle », souligne ainsi Fabien Castanier, secrétaire général du Syndicat des fabricants de biscuits et gâteaux. Dans cette perspective, elle lui demande quelles dispositions compte-t-il mettre en œuvre pour permettre aux agriculteurs de vivre de leurs exploitations de façon décente et quelles mesures compte-t-il prendre pour que le coût des matières premières n'atteigne des taux si élevés qu'ils bloquent le marché industriel.

Réponse publiée le 5 décembre 2017

La faiblesse des prix de revient dont bénéficient les agriculteurs est une préoccupation constante du Gouvernement ainsi que, plus globalement, les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs qui sont multiples. Le Gouvernement a placé ce sujet au cœur des états généraux de l'alimentation (EGA) lancés le 20 juillet 2017 par le Premier ministre en présence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, du ministre de la transition écologique et solidaire et du secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Les EGA ont notamment pour objectif de travailler sur la création et la répartition de la valeur au sein de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, avec toutes les parties prenantes : agriculteurs, industries agro-alimentaires, commerce et grande distribution, élus, experts, opérateurs de l'État, partenaires sociaux, associations de consommateurs et représentants de la société civile. Deux ateliers dont les sessions se sont déroulées au cours du mois de septembre 2017 ont abordé notamment le sujet du prix dont bénéficient les agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement, l'atelier 5 « rendre les prix d'achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs », et l'atelier 7 « améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ». Ils se sont attachés à poser des diagnostics et à formuler des propositions pour l'action du Gouvernement de manière à répondre à cet enjeu d'un prix d'achat agricole juste. Le Président de la République, au cours de son discours d'étape sur les EGA le 11 octobre 2017 au marché de Rungis, a présenté un certain nombre de mesures sur lesquelles le Gouvernement souhaite s'engager pour que les exploitants agricoles puissent vivre du prix payé et pour la transformation des systèmes agricoles en vue d'une meilleure performance environnementale, sociale, économique et sanitaire. Il s'agit tout d'abord de la mise en place d'une contractualisation rénovée, avec un contrat qui sera proposé par les agriculteurs ou leurs organisations de producteurs et non plus par les acheteurs, sur une base autant que possible pluriannelle, afin d'inverser la construction du prix qui devra partir des coûts de production. Pour permettre aux agriculteurs de peser dans les négociations commerciales, le développement des organisations de producteurs est nécessaire avec un accompagnement de la professionnalisation des acteurs concernés. Le conditionnement de certains dispositifs d'aide à la taille des organisations de producteurs commerciales sera également introduit. Des indicateurs de marché et de coûts de production devront être définis et l'observatoire de la formation des prix et des marges sera renforcé dans cet objectif. Le travail visant à produire des contrats-types devra être engagé. Les organisations interprofessionnelles doivent s'emparer pleinement de ces sujets. Le Président de la République a aussi souhaité que l'autorité de la concurrence puisse être saisie pour donner une interprétation du droit de la concurrence de façon à permettre aux producteurs et à leurs organisations de négocier dans un cadre clair. Les travaux ont également été engagés au niveau européen. L'État prendra ses responsabilités pour une pleine application des dispositions de la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. Le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles sera aussi renforcé et un dispositif d'arbitrage pourrait par ailleurs être mis en place. La coopération devra aussi être modernisée notamment par une rénovation de la gouvernance du Haut Conseil de la coopération agricole. Enfin, il est proposé de relever le seuil de revente à perte, d'encadrer les promotions et de mieux lutter contre les prix abusivement bas afin de mettre fin à la spirale de destruction de valeur. Ces mesures devraient s'appuyer également sur une montée en gamme des produits agroalimentaires français afin de répondre aux attentes des consommateurs. Une transformation en profondeur est attendue. C'est pourquoi il est demandé aux filières de conclure d'ici la fin de l'année 2017 des plans de filière afin d'initier un effort important de structuration qui engage tous les maillons et qui permettra notamment d'assurer aux Français cette montée en gamme, notamment le développement de labels et de signes de qualité (dont le bio). Ces mesures qui constituent une réforme ambitieuse, seront portées par une loi qui sera présentée au Parlement au premier semestre de 2018. L'État accompagnera la transformation des systèmes agricoles en lui réservant 5 milliards d'euros sur l'enveloppe dédiée au grand plan d'investissement.

Données clés

Auteur : Mme Marie-France Lorho

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 19 septembre 2017
Réponse publiée le 5 décembre 2017

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