Jeunesse et propriété intellectuelle
Question de :
M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - La République en Marche
M. Christophe Blanchet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le sujet de l'éducation à la propriété intellectuelle, de la lutte contre la contrefaçon ou, plus largement, de l'éducation au patriotisme économique. Quatrième pays au monde pour ce qui concerne les dépôts de brevets, la France est particulièrement active dans le domaine de la protection de l'innovation et de la créativité. Or une récente étude de l'Office de l'Union européenne pour la propriété industrielle dresse un constat inquiétant : les jeunes de quinze à vingt-quatre ans en France sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage. Ainsi, 15 % d'entre eux reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant, tandis que 27 % admettent avoir sciemment accédé à des contenus provenant de sources en ligne illégales. Ils sont même 41 % à trouver l'achat de contrefaçons admissible si le prix de l'original est trop élevé. Plus grave encore, une partie de ces jeunes considère que la propriété intellectuelle freine l'innovation et serait donc plutôt favorable à sa suppression. Ce constat montre les limites des actions pédagogiques menées à l'école pour sensibiliser les jeunes à ces questions. Relevant de plusieurs champs disciplinaires et de nombreux enseignements et sous différents angles, la situation de cette thématique paraît confuse ; jusqu’aux professeurs qui ignorent de qui elle relève dans l'équipe pédagogique. Peu d'entre eux l'abordent donc, pensant qu'elle relève du champ des autres matières. Arrivé au lycée, le droit de propriété ainsi que le droit d'auteur sont censés être étudiés, mais il n'en est fait nulle mention dans aucun manuel. La situation est un peu meilleure dans certaines filières technologiques où la question peut être traitée dans la cadre de l'enseignement d'économie, mais les produits contrefaits concernent tous les lycéens d'aujourd'hui et quelle que soit la place qu'ils seront appelé à prendre demain dans la société. Il lui demande comment le Gouvernement envisage de sensibiliser la jeunesse à ces questions et si le futur service national universel pouvait s'y prêter.
Réponse publiée le 16 avril 2019
La défense du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle est essentielle car elle garantit l'innovation et la qualité de la création. Les auteurs, les éditeurs, les producteurs et l'ensemble des industries culturelles sont directement mis en cause par le piratage et la contrefaçon, à l'égard desquels nous devons faire preuve d'une vigilance sans faille. À l'école, une action pédagogique régulière est menée auprès des jeunes afin de les sensibiliser et de les former aux conditions d'accès aux œuvres et, plus généralement, à la notion de propriété intellectuelle. Tout au long de la scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture offre une approche de la propriété intellectuelle au sein du domaine 2 « Les méthodes et les outils pour apprendre », à travers la question de la maîtrise des « Outils numériques pour échanger et communiquer ». L'élève doit savoir mobiliser différents outils numériques pour créer des documents intégrant divers médias et les publier ou les transmettre, afin qu'ils soient consultables et utilisables par d'autres. Il doit savoir « réutiliser des productions collaboratives pour enrichir ses propres réalisations, dans le respect des règles du droit d'auteur ». L'élève utilise les espaces collaboratifs et apprend à communiquer notamment par le biais des réseaux sociaux « dans le respect de soi et des autres ». Il comprend « la différence entre sphères publique et privée. Il sait ce qu'est une identité numérique et est attentif aux traces qu'il laisse ». Les programmes scolaires comportent également une approche de ce sujet au collège, où la question de la propriété intellectuelle apparaît dans le programme de technologie au cycle 4 (classes de 5e, 4e et 3e) à travers l'étude du thème « Les objets techniques, les services et les changements induits dans la société ». Il s'agit d'étudier « les règles d'un usage raisonné des objets communicants respectant la propriété intellectuelle et l'intégrité d'autrui ». Le programme précise par ailleurs que « la notion de respect des usages des objets communicants inclut le respect de la propriété intellectuelle dans le cadre de productions originales et personnelles ». Cette thématique apparait également au sein de l'éducation aux médias et à l'information. Cette éducation constitue un vecteur privilégié pour problématiser la question à travers l'enjeu de l'accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion. Au lycée, en classe de seconde générale et technologique, la question de la propriété intellectuelle est actuellement étudiée dans différents enseignements d'exploration. L'enseignement d'informatique et création numérique aborde cette thématique à travers le droit à la protection des données, le droit de propriété sur les informations présentes sur internet, les droits d'auteurs, le champ des droits et des licences. Le programme de création et innovation technologiques comprend quant à lui, parmi les compétences abordées, l'identification des « principes qui régissent la propriété intellectuelle, la normalisation et l'intelligence économique ». Le programme de principes fondamentaux de l'économie et de la gestion permet également d'étudier en quoi l'économie numérique et internet nécessitent une réponse adaptée à la question de la propriété intellectuelle (brevet, droit d'auteur). Dans la voie générale, les lycéens de classe de première de la série économique et sociale (ES), traitent directement la question du droit de propriété (y compris les droits d'auteur, brevets et marques) en sciences économiques et sociales (enseignement spécifique), sous l'angle de l'étude du marché et de la croissance économique. En outre, l'enseignement facultatif d'informatique et création du numérique en séries générales (premières ES-S-L et terminales ES-L) présente des approches multiples de la propriété intellectuelle à travers l'acquisition de savoirs en matière de circulation et d'échange d'informations sur les réseaux, de droits et licences (droits d'usage, droits d'auteur, logiciels libres, licences libres). En terminale scientifique, le programme de spécialité « informatique et sciences du numérique » (ISN) insiste sur l'existence de lois régissant la détention et la circulation de données numériques. La notion de propriété intellectuelle est clairement énoncée dans la partie « Culture scientifique et enjeux de société » en ces termes : « La transformation des outils et supports de l'écrit a des conséquences importantes sur les modes de production, de réception et de diffusion des textes. Les possibilités d'expression et de création, le déroulement et l'architecture de la pensée, le rapport à l'erreur et à la copie, le statut de l'auteur et la propriété intellectuelle s'en trouvent profondément modifiés ». Les compétences visées mettent en avant la nécessité de comprendre les principes généraux permettant de se comporter de façon responsable dans les espaces numériques. L'enseignement de spécialité « droit et grands enjeux du monde contemporain » en terminale littéraire aborde « le propriétaire – droit et régime de la propriété ». Le programme insiste sur la diversité des atteintes au droit de propriété et des moyens de lutter contre. Le programme de cet enseignement comporte aussi une thématique intitulée « Internet et le droit : la question du droit d'auteur ». Dans la voie technologique, cette question est présente dans plusieurs séries et enseignements. En classe de première de la série sciences et technologies du management et de la gestion (STMG), le programme de « sciences de gestion » aborde, à travers le thème 4, « Quels sont les droits reconnus aux personnes ? », la notion « Les droits sur les biens : le droit de propriété ». L'enseignement d'économie en première et en terminale traite ces problématiques sous l'angle de l'innovation et à travers l'étude des moyens de réduire l'intensité concurrentielle. La notion de bien incorporel est appréhendée par l'exemple du droit de propriété industrielle et plus particulièrement de la marque commerciale. En série sciences et technologies de l'industrie et du développement durable (STI2D), les enseignements technologiques transversaux et les enseignements spécifiques portent notamment sur les paramètres de la compétitivité sous diverses formes : l'importance du service rendu, l'innovation, la recherche de solutions techniques (brevets), la stratégie de propriété industrielle ou encore les enjeux de la normalisation. Les nouveaux programmes publiés au BOEN de spécial n° 1 du 22 janvier 2019 entreront en vigueur à la rentrée 2019 pour les classes de seconde et de première. Dans la continuité des programmes actuels, ils abordent les questions de propriété intellectuelle et de lutte contre la contrefaçon. Ainsi, dans le programme de sciences numériques et technologie, qui sera commun à tous les élèves de seconde, la partie dédiée au web indique que les élèves doivent connaître certaines notions juridiques (licence, droit d'auteur, droit d'usage, valeur d'un bien). Le programme d'enseignement moral et civique commun à tous les élèves sur l'ensemble de la voie générale comprend plusieurs axes d'étude dont un intitulé « Des libertés pour la liberté ». Il aborde les libertés de l'individu et en particulier le droit de propriété. Dans le programme de droit-économie en première STMG, la notion de bien incorporel est appréhendée à travers l'étude du droit de la propriété intellectuelle et plus particulièrement de la marque commerciale et du droit d'auteur. L'enseignement optionnel d'arts plastiques en classe de seconde traite également les questions de propriété intellectuelle de l'œuvre. L'enseignement optionnel de création et culture-design en seconde générale et technologique pose parmi les « notions essentielles » du programme l'invention et la propriété intellectuelle.
Auteur : M. Christophe Blanchet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Dates :
Question publiée le 6 novembre 2018
Réponse publiée le 16 avril 2019