Difficultés des huissiers dans l'exercice de leurs missions
Question de :
M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - La République en Marche
M. Christophe Blanchet alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés rencontrées par les huissiers des finances publiques ou les huissiers de justice dans l'exercice de leurs missions et notamment concernant l'accès aux lieux d'habitations. L'accès aux lieux d'habitation se trouve de plus en plus restreint par la mise en place d'un référentiel Vigik (propriété de La Poste) ou l'installation d'un système de digicode. Conformément à l'article L. 111-6-6 du code de la construction et de l'habitation, le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d'accéder, pour l'accomplissement de leurs missions de signification ou d'exécution, aux parties communes des immeubles d'habitation. Toutefois, à défaut de décret d'application, les huissiers ne peuvent, en pratique, utiliser ce dispositif. Par ailleurs, à ce jour, aucune mesure spécifique n'a été mise en place pour les huissiers des finances publiques ou les huissiers de justices instrumentant dans le cadre du recouvrement forcé des créances publiques malgré des problématiques spécifiques. Cette limitation des accès aux huissiers instrumentant au nom des comptables publics peut conduire en effet à une mise en cause de ces derniers. Il faut rappeler, à ce titre, que les comptables publics sont soumis à la responsabilité personnelle et pécuniaire. Régi par l'article 60 de la loi de finances pour 1963 du 23 février 1963, ce principe de responsabilité personnelle et pécuniaire fait du comptable public le seul fonctionnaire responsable sur ses propres deniers des erreurs commises dans l'exercice de sa mission, par lui-même ou l'équipe qui lui est confiée : déficit de caisse, non recouvrement de recettes, paiement non libératoire de dépenses notamment. Parmi ses missions, afin d'assurer le recouvrement des créances soumises à sa charge, il doit notamment veiller à la régularité de la signification des actes sous peine de nullité des poursuites. Or la signification par voie d'huissier, du fait de la limitation d'accès des parties communes, ne peut dans de nombreux cas satisfaire aux exigences du juge, et donc garantir l'absence de mise en cause de la responsabilité du comptable. Par ailleurs, l'hétérogénéité des situations rencontrées quant à l'accès aux parties communes contrevient directement à l'égalité de chaque citoyen devant l'impôt. En effet, certaines mesures de recouvrement forcé ne pouvant être menées à leur terme, une partie des contribuables s'en trouve de fait indûment exempté. Ce manquement est d'autant plus grave que l'égalité des contribuables devant la loi fiscale découle pourtant des articles 1 et 6 de la DDHC qui proclament respectivement l'égalité des hommes et l'égalité devant la loi. Il lui demande quand le Gouvernement promulguera le décret afin de permettre la mise en application de l'article L. 111-6-6 du code de la construction et de l'habitation et s'il compte étendre le droit de communication, qui est le droit reconnu à l'administration fiscale de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers, etc.), notamment dans le cadre du recouvrement forcé, à toute information détenue par les syndicats de copropriété et permettant l'accès aux parties communes, afin de garantir le bon déroulement ainsi que la régularité du recouvrement des créances publiques.
Réponse publiée le 11 juin 2019
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 111-6-6, qui dispose que le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d'accéder, pour l'accomplissement de leurs missions de signification ou d'exécution, aux parties communes des immeubles d'habitation. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. Cette disposition tend à garantir le bon fonctionnement du service public de la justice et à améliorer l'efficacité de l'action des huissiers de justice, en évitant certains coûts induits par l'accomplissement de l'exécution d'une décision de justice tout en favorisant la remise en mains propres des actes à leur destinataire. La volonté du législateur a été de permettre un accès de droit aux parties communes de l'immeuble d'habitation par les huissiers de justice, sans qu'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires soit nécessaire, pour l'accomplissement de deux missions précisément identifiées (signification des actes de procédures, exécution des décisions de justice). Toutefois, cet accès aux parties communes doit se formaliser par une demande officielle adressée par l'huissier de justice au propriétaire ou au syndic, permettant ainsi d'assurer un point d'équilibre entre l'exigence de bon fonctionnement du service public de la justice et le respect du droit de propriété indivis des copropriétaires sur les parties communes. Les modalités d'application de ce texte seront définies prochainement dans le cadre d'un décret en Conseil d'Etat actuellement en cours d'élaboration.
Auteur : M. Christophe Blanchet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 19 février 2019
Réponse publiée le 11 juin 2019