Passons d'une industrie de la mort à une économie verte
Question de :
M. Adrien Quatennens
Nord (1re circonscription) - La France insoumise
M. Adrien Quatennens interroge Mme la ministre des armées sur les exportations d'armes françaises. Le mardi 4 juin 2019, trois jours après le délai prévu par ses obligations, Mme la ministre a enfin remis aux parlementaires son rapport sur les exportations d'armes françaises en 2018. Celles-ci ont augmenté de 30 % en un an, s'élevant à 9,1 milliards d'euros. Ce rapport confirme que 50 % des exportations concernent les pays de Proche et du Moyen-Orient. Le Qatar est ainsi le plus gros client de l'industrie française de l'armement avec 2,5 milliards d'euros en un an. L'Arabie saoudite suit avec 1 milliard d'euros. Ces ventes d'armes ne sont pas sans poser de nombreuses questions puisque, souvent, elles permettent à leurs utilisateurs de se livrer à des actes contraires à nos valeurs. Le cas de l'utilisation d'un armement issu de la filière française par l'armée saoudienne au Yémen en est un exemple éloquent. Le média indépendant Disclose a ainsi récemment révélé que les canons Caesar, produits dans les usines françaises, ont été à de nombreuses reprises utilisés lors de bombardements qui ont coûté la vie à au moins 40 civils. Ces actes, qui peuvent être considérés comme des crimes de guerre ont suscité l'indignation et la mobilisation citoyenne à juste titre. À plusieurs reprises ces derniers jours des collectifs citoyens et des travailleurs des ports ont entrepris avec succès d'empêcher l'embarquement de nouvelles livraisons d'armes à destination de l'Arabie saoudite. Loin de défendre les valeurs d'humanisme et de respect des droits de l'Homme qui sont chères aux Français, Mme la ministre se contente de défendre ces livraisons par l'importance en matière d'emplois (200 000 ETP) de l'industrie militaire dans le pays. Sans remettre en cause la nécessité d'une industrie nationale de l'armement performante pour garantir l'indépendance et la souveraineté militaire du pays, M. le député rappelle à Mme la ministre que pour préserver des emplois et en relancer la création, l'industrie de la mort est moins efficace que la planification écologique. Cette planification, les députés membres du groupe La France insoumise la défendent dans leur programme l'Avenir en Commun. Elle permettrait de créer plus d'1,5 million d'emplois : 900 000 par la transition énergétique vers le 100 % renouvelable, 300 000 pour le passage à une agriculture paysanne plus respectueuse de l'environnement et 300 000 dans l'économie de la mer. Face au défi climatique, la France pourrait se faire la locomotive d'un engagement international nécessaire et urgent. Cela l'honorerait plus et serait plus bénéfique à son économie et aux Français que ces contrats d'armement. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur ces sujets.
Réponse publiée le 18 février 2020
Le rapport sur les exportations d'armement de la France, remis au Parlement le 1er juin dernier, expose les enjeux industriels, stratégiques et diplomatiques liés à cette activité. Actuellement, le secteur de l'armement constitue 13 % des emplois industriels français, représentant 200 000 personnes travaillant sans relâche à bâtir nos armées du futur sur l'ensemble du territoire français au travers d'un maillage de petites et grandes entreprises, de Cherbourg à Toulon. La fabrication par l'industrie de défense d'équipements plus sûrs, plus robustes, plus performants contribue ainsi tant à la vitalité du tissu économique français qu'à la protection de nos forces et de nos concitoyens. Dès lors, exporter des équipements permet de dynamiser notre industrie de défense. Par ailleurs, garantir la supériorité de nos forces sur le terrain est indissociable du développement de notre base industrielle et technologique de défense ; en ce sens, notre politique d'exportation est vitale pour notre autonomie stratégique. Elle est également vitale pour notre diplomatie. La France peut aujourd'hui porter sa voix dans le monde grâce à ses partenariats stratégiques, que ce soit en Inde, en Australie, au Moyen-Orient ou ailleurs. Entretenir des relations économiques avec ces pays permet de garder une prise sur des régions clés pour nos intérêts de sécurité, pour nos approvisionnements énergétiques mais également pour lutter contre le terrorisme et protéger nos ressortissants sur place. S'agissant du Moyen-Orient, les intérêts stratégiques de la France y sont nombreux : protection de nos 40 000 ressortissants dans le golfe arabo-persique, sécurité de nos approvisionnements, notamment à travers le détroit de Bab el Mandeb, stabilité régionale alors que l'Iran étend son influence déstabilisatrice ou encore lutte contre le terrorisme, et en particulier Al Qaïda dans la péninsule arabique. La France entretient des coopérations de long terme avec l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), dans de nombreux domaines, qu'ils soient économiques, culturels, ou encore en matière de défense. Elle dispose aux EAU de plusieurs implantations, points d'appuis essentiels pour nos opérations de lutte contre le terrorisme. Le volet armement constitue l'une des dimensions structurantes de cette relation, dans la mesure où il répond avant tout aux besoins légitimes de ces États d'assurer leur propre sécurité. Il convient enfin de rappeler que le principe de prohibition régit la politique menée par la France en matière d'exportation d'armement pour l'exportation de matériels de guerre et assimilés vers les territoires non-membres de l'Union européenne, ainsi que les territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne sans autorisation préalable (article L 2335-2 du code de la défense). Par leur objet même, qui est de fournir des États en équipements militaires, les autorisations d'exportation d'armements relèvent indissociablement de la politique étrangère de la France. La délivrance de ces autorisations repose donc sur un ensemble de considérations liées, au premier chef, au respect de nos engagements internationaux, ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales, à la lutte contre la prolifération, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés.
Auteur : M. Adrien Quatennens
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 18 juin 2019
Réponse publiée le 18 février 2020