Question écrite n° 22416 :
Évolution du mode de fonctionnement de la carte de retrait de l'ADA

15e Législature

Question de : M. Raphaël Gérard
Charente-Maritime (4e circonscription) - La République en Marche

M. Raphaël Gérard alerte M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés soulevées par l'évolution du mode de fonctionnement envisagée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant la carte de retrait remise aux demandeurs d'asile en vue d'utiliser leur allocation mensuelle. Auparavant, un demandeur d'asile pouvait retirer le montant de son allocation (6,80 euros par jour, soit 222 euros par mois pour une personne seule) sous forme liquide dans des distributeurs de billets dans la limite de trois retraits par mois. À compter du 5 septembre 2019, cette carte pourrait devenir exclusivement une carte de paiement électronique. Si les objectifs poursuivis par l'Office français d'immigration et d'intégration sont nobles, réduire le montant des fonds non utilisés par les demandeurs en raison de la limite minimale de retrait dans les banques, ou encore, de garantir la sécurité des demandeurs d'asile en diminuant la circulation de l'argent liquide, l'évolution de la carte de paiement de l'ADA est susceptible de créer des complications dans la vie quotidienne des demandeurs d'asile. D'une part, le plafond de 25 paiements par mois dans la limite du solde, sans frais supplémentaire, soit un achat par jour, peut concourir à restreindre la liberté des demandeurs d'asile dans leur accès aux biens de la vie courante et aux activités socioculturelles qui leur permettent de s'intégrer au sein de la société française. Il convient d'observer, d'ailleurs, que les commerçants peuvent, s'ils l'ont prévu dans leurs conditions générales de vente portées à la connaissance de leur clientèle par voie d'affichage, exiger un montant minimum d'achat pour accepter le paiement par carte bancaire : c'est le cas très souvent en boulangerie ou dans les cafés, par exemple. Dans d'autres cas, des petites structures associatives telles que les épiceries solidaires ne sont pas toujours équipées de terminaux de paiement. D'autre part, malgré l'obligation faite à l'État de proposer des conditions matérielles d'accueil dignes pendant le temps de la procédure, seulement 50 % des demandeurs d'asile obtiennent un hébergement dans un dispositif national d'accueil. Par conséquent, des milliers de demandeurs n'ont d'autres solutions que de recourir à des collocations avec paiement en liquide. Pour ces derniers, cette mesure pourrait être source de précarité et entraver leur accès au logement, avec des effets produits à rebours de la vocation initiale de l'ADA. Enfin, les coûts de gestion induits par l'ADA et le système de carte de retrait ne sauraient ni peser sur les commerçants par un transfert de la charge financière au moyen des commissions bancaires acquittées par ces derniers, ni sur les demandeurs d'asile dans leur accès aux produits et services de base. Dans ce contexte, il lui demande d'envisager la mise en place d'une carte mixte qui permettrait à la fois de retirer de l'argent liquide dans les banques et de procéder à certains paiements, conformément aux dispositions de l'article D. 744-33 du CESEDA qui prévoient que l'ADA est versée mensuellement par alimentation d'une carte de retrait ou de paiement.

Réponse publiée le 15 septembre 2020

La mise en place d'une carte de paiement, sans possibilité de retrait, permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer la subsistance du demandeur d'asile, au moyen de dépenses courantes sur le territoire national. Ce faisant, les risques de fraudes et d'abus, liés à une trop grande liquidité de l'allocation, seront mieux maîtrisés. Avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane : les retours ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile. En outre, le Gouvernement est à l'écoute des associations qui ont été reçues au ministère de l'intérieur et qui participent à un comité de suivi de la réforme pour garantir que celle-ci ne génère pas de difficulté. L'entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue en septembre 2019, a été retardée afin de permettre aux opérateurs qui en étaient dépourvus de s'équiper de terminaux de paiement électronique (TPE) et d'assurer une information appropriée des demandeurs. De surcroît, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE. Le bilan réalisé par l'office français de l'immigration et de l'intégration a d'ailleurs confirmé la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de procéder à de petits achats avec une carte « 100 % paiement », 44 % des transactions ayant porté sur un montant inférieur à 10 € en novembre 2019. De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires. Enfin, la démonétisation ne méconnaît pas le fait que l'accès des demandeurs d'asile aux espèces demeure utile dans leur vie quotidienne. Ainsi, la pratique du cashback, qui est réservée aux seuls commerçants par le code monétaire et financier (ce qui limite de facto le risque d'abus), permet de récupérer jusqu'à 60 euros en espèces dans le cadre d'un paiement par carte d'un euro minimum. La mise en œuvre de cette mesure continue de faire l'objet d'un suivi attentif. Un groupe de travail réunissant des associations d'horizons divers accompagnant les demandeurs d'asile a été mis en place. Il suit avec attention la mise en œuvre de cette mesure. Le cas échéant, le dispositif pourra être adapté de façon à résoudre les difficultés opérationnelles qui pourraient être signalées.

Données clés

Auteur : M. Raphaël Gérard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Immigration

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 13 août 2019
Réponse publiée le 15 septembre 2020

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