Incendies qui ravagent la forêt tropicale en Amérique du Sud
Question de :
M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Libertés et Territoires
M. Olivier Falorni attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les très nombreux incendies qui ravagent la forêt tropicale en Amérique du Sud. Depuis maintenant plusieurs semaines, la forêt amazonienne est ravagée par des incendies d'une ampleur inédite. Sur le terrain, les feux progressent chaque jour. On a dénombré 80 000 feux de forêt au Brésil depuis le début de l'année 2019. C'est 920 km² de forêt tropicale disparus en un mois. Selon les données de l'agence spatiale brésilienne, la déforestation de l'Amazonie au Brésil a augmenté de 88,4 % en juin par rapport à juin 2018. La principale cause de cette catastrophe reste la déforestation, et plus particulièrement les brûlis allumés dans les zones déboisés pour les rendre fertiles, une pratique que des agriculteurs brésiliens revendiquent fermement. Alors que le taux de déforestation au Brésil a fortement baissé entre 2005 et 2015, il est depuis reparti à la hausse et atteint aujourd'hui un niveau record. Ce drame est la conséquence directe d'un affaiblissement des moyens de contrôle et d'un relâchement des sanctions contre les propriétaires terriens qui défrichent illégalement la forêt. Pire, depuis l'élection de Jair Bolsonaro, le gouvernement fédéral multiplie les messages et les actions pour encourager la déforestation. L'impunité est devenue la règle. Les violations des droits humains à l'encontre des peuples autochtones se multiplient, allant même jusqu'à l'assassinat de celles et ceux qui s'opposent à ce carnage. Il y a urgence à agir. En mars 2017, La France a adopté une loi sur le devoir de vigilance qui oblige les très grandes entreprises à élaborer un plan comportant des mesures permettant d'identifier et de prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l'environnement causées par leurs activités, celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Plus de deux ans après l'adoption de cette loi, la liste des entreprises soumises à cette loi n'est toujours pas disponible et les plans d'actions connus sont au mieux insuffisants, sinon inexistants. La conséquence est que les consommateurs français sont, malgré eux, complices de la déforestation. Car la France est l'un des principaux importateurs européens de soja, et peut-être demain de bœuf avec l'accord de libre-échange Mercosur, alors que ces deux productions agricoles sont les principaux moteurs de la destruction de l'Amazonie. C'est pourquoi, il lui demande si le Gouvernement entend prendre des sanctions commerciales sous la forme d'un moratoire sur les importations de soja et de bœuf du Brésil avec pour ambition l'arrêt effectif de toute déforestation au Brésil et la mise en place d'un plan d'action au niveau des filières, pour rendre accessible un système de traçabilité simple et efficace permettant aux entreprises de s'assurer qu'elles n'importent pas de produits issus de la destruction des forêts ou des écosystèmes brésiliens. La transparence sur l'origine des produits doit être totale vis-à-vis des consommateurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Réponse publiée le 3 mars 2020
L'inquiétude est grande quant à l'importation des produits en France qui sont issus de la déforestation, en particulier le soja et le bœuf, et qui contribuent aux feux de forêts qui sévissent actuellement en Amazonie. Près de 80 000 feux de forêts ont été dénombrés au Brésil depuis le début de l'année selon l'institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE). Il s'agit d'un nombre préoccupant et édifiant. Comme l'a rappelé le Président de la République lors du G7, qui s'est tenu fin août à Biarritz, il s'agit d'une crise internationale. La forêt amazonienne représente 20% de notre oxygène. De ce fait, les feux ont un impact direct sur la question de l'avenir de notre planète, de l'érosion de la biodiversité mondiale et du changement climatique. Plusieurs outils, aux niveaux national et européen, sont mobilisés pour s'assurer que les produits que nous importons en France sont fabriqués dans des conditions décentes et respectent les standards internationaux en matière de développement durable. En France, la loi sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises ayant un siège en France une obligation de vigilance d'un large panel de risques liés aux droits de l'Homme et aux risques de dommages environnementaux que l'activité d'une entreprise peut engendrer y compris dans le cadre de ses filiales et de ses approvisionnements via ses fournisseurs et sous-traitants avec lesquelles une relation commerciale est établie, en France ou à l'étranger. Les entreprises soumises à cette loi sont tenues d'établir, de publier et de mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance pour identifier et prévenir les risques graves notamment en matière de sécurité, de liberté individuelle, d'environnement et prendre des mesures d'atténuation ainsi que d'en faire le suivi. De plus, la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) publiée en 2018 prévoit l'élaboration d'une plate-forme de données sur la déforestation visant à alerter les importateurs sur l'origine des produits. Cette plate-forme a vocation à fournir des connaissances sur les importations à risque et de faciliter le travail de traçabilité et d'analyse de risque des chaînes d'approvisionnements. Elle doit également favoriser le partage d'informations et permettre le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés. Elle est actuellement en cours de construction. Par ailleurs, la France et le Brésil sont des Etats adhérents aux principes directeurs de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l'intention des entreprises multinationales. Par conséquent, toutes les entreprises actives dans les deux pays sont tenues de respecter les normes de conduite responsable des entreprises établies par l'OCDE, dont le respect des droits de l'Homme et l'identification des risques, de prévention, d'atténuation et de remédiation d'éventuels dommages environnementaux liés à leurs activités propres ainsi qu'à leurs chaînes d'approvisionnement. En outre, le Point de Contact National français, instance tripartite de règlement non-juridictionnel des différends (« le PCN »), peut être saisi pour traiter de cas d'espèces portant sur des allégations de non-respect de ces normes internationales de conduite responsable des entreprises. Le développement durable dans tous ses aspects fait l'objet d'une vigilance particulière et d'une mobilisation active de l'ensemble du Gouvernement au niveau européen. Le Gouvernement a ainsi publié un plan d'action le 25 octobre 2017 qui propose de porter la politique commerciale européenne à un plus haut niveau d'ambition en la matière. En ce sens, plusieurs propositions ont été présentées à la Commission européenne et aux Etats membres de l'UE pour améliorer la prise en compte des enjeux de développement durable, et de conduite responsable des entreprises, dans les accords commerciaux de l'Union européenne. Cela doit permettre de préserver nos standards et d'améliorer la contribution des accords commerciaux négociés par l'Union européenne (UE) à la stratégie européenne de développement durable. Suite à cela, l'UE a davantage intégré les enjeux de développement durable dans les accords commerciaux négociés depuis deux ans. Le chapitre sur le développement durable du projet d'accord UE-Mercosur contient ainsi un engagement des parties à mettre en œuvre des accords multilatéraux sur l'environnement. En outre, l'article relatif à la gestion durable des forêts contient l'obligation d'appliquer des mesures visant à lutter contre l'abattage illégale de bois et le commerce y afférent. Toutefois, les dispositions du chapitre sur le développement durable ne sont pas soumises au mécanisme de règlements des différends d'Etat à Etat de l'accord commercial. Un mécanisme de règlements des différends ad hoc qui ne prévoit pas de sanctions commerciales en cas de violations des dispositions de l'accord a été préféré à ce stade. La France demande depuis de nombreuses années le renforcement du caractère contraignant de ces dispositions avec la possibilité d'imposer des mesures de rétorsion. Un travail de persuasion est en cours auprès de nos partenaires européens dans le but de réunir un consensus sur cette approche. Enfin, une évaluation, menée par une commission d'experts indépendants, présidée par M. Stefan Ambec, a été initiée le 29 juillet dernier par le Premier ministre pour évaluer le contenu de l'accord UE-Mercosur et notamment son impact sur la biodiversité. Dans leur rapport, qui sera disponible d'ici la fin de cette année, cette Commission devra notamment analyser le contenu du projet d'accord en matière de lutte contre la déforestation. C'est uniquement à la lumière de ces conclusions que le Gouvernement, en prenant en compte les fortes interrogations déjà posées par le chef de l'Etat, formulera sa position sur l'accord commercial précité.
Auteur : M. Olivier Falorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Économie et finances
Dates :
Question publiée le 3 septembre 2019
Réponse publiée le 3 mars 2020