Question écrite n° 245 :
Retraite des vétérinaires pour leurs mandats sanitaires

15e Législature

Question de : M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants

M. Stéphane Demilly interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur sa position quant à la situation de certains vétérinaires retraités, qui ont réalisé des mandats sanitaires au cours de leur carrière, et qui souhaitent aujourd'hui la levée de la prescription quadriennale qui leur permettrait de toucher une pension de retraite sur ces activités. En effet, dans les années 1955-1970, de nombreuses épizooties ont ravagé le cheptel bovin français, amenant l'État à mettre en place un important plan de prophylaxie. Afin de procéder aux traitements nécessaires à l'enrayement de ces épizooties, l'État a eu recours aux vétérinaires libéraux en leur confiant des mandats sanitaires. La rémunération des vétérinaires était en partie à la charge des exploitants. L'autre partie de la rémunération était versée par l'État aux vétérinaires libéraux, sous forme d'honoraires, ce qui a eu pour conséquence de ne pas les affilier aux organismes sociaux, et notamment aux organismes de retraite. La juridiction administrative a été saisie par des vétérinaires qui considéraient qu'ils étaient en réalité subordonnés à l'État pour l'exercice de ces missions dans le cadre d'un lien hiérarchique avec l'État, ce qui caractérise une activité salariée. Le Conseil d'État, dans deux arrêts du 14 novembre 2011 (n° 334197 et 341325) a considéré que l'État a commis une faute ayant privé les vétérinaires concernés de leurs droits à pension, ce qui justifie une indemnisation. Or si une partie des vétérinaires concernés a pu obtenir cette pension de retraite, ceux ayant liquidé leurs pensions plus de quatre ans avant, se voient opposer la prescription quadriennale (CE, 27 juillet 2016, n° 388198). Le Conseil d'État considère qu'ils auraient dû savoir, lors de la liquidation de leur pension, que l'État aurait dû les affilier aux caisses de retraite. Néanmoins, les vétérinaires concernés par cette prescription ignoraient que les sommes versées devaient être qualifiées de salaires et non pas d'honoraires, comme le soutenait l'État. Ils l'ont appris avec les décisions du 14 novembre 2011. Par ailleurs, il semblerait que les personnes concernées soient celles qui bénéficient aujourd'hui des retraites les plus modestes, alors qu'elles ont été les plus exposées aux épizooties et en première ligne face à la gestion complexe de ces crises. Aussi, afin de répondre à l'interrogation des vétérinaires libéraux retraités qui se trouvent dans cette situation, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur cette question.

Réponse publiée le 19 septembre 2017

L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure est longue et complexe. Elle s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable selon les praticiens et ce indépendamment du département d'exercice. 1 050 vétérinaires ont déposé un dossier recevable et complet et accepté la proposition d'assiette sur laquelle seront calculés les arriérés de cotisations dues aux caisses de sécurité sociale ainsi que les minorations de pension échues pour les vétérinaires déjà retraités. 673 vétérinaires ont d'ores et déjà été indemnisés. Ce processus se poursuivra en 2017 et ciblera prioritairement les vétérinaires ayant déjà liquidé leur droit à pension ainsi que les conjoints survivants de vétérinaires décédés. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. L'article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions no 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi, le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, no 280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose également que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, en cas de généralisation, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Demilly

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 25 juillet 2017
Réponse publiée le 19 septembre 2017

partager