Lutte contre les discriminations dans l'accès à l'emploi
Question de :
M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Stéphane Peu interroge M. le Premier ministre sur les résultats inquiétants de l'enquête menée entre octobre 2018 et janvier 2019, à la demande du Gouvernement et du Président de la République, par une équipe de chercheurs des universités Paris-Est Marne-la-Vallée et Paris-Est Créteil. Ces résultats, correspondants à 17 163 demandes émanant de candidats fictifs envoyées à 103 grandes entreprises françaises, sont connus du Gouvernement depuis plus de huit mois. Passés sous silence, ils ont finalement été rendus publics par l'équipe de chercheurs, elle-même, au début du mois de janvier 2020. Sans surprise, hélas, cette étude menée selon la méthode du test, en combinant des candidatures et des demandes d'information, à la fois en réponse à des offres d'emploi publiées ou de façon spontanée, met notamment en évidence et sans équivoque une discrimination significative et robuste selon le critère de l'origine, à l'encontre du candidat français présumé maghrébin, dans tous les territoires testés, et également une discrimination selon le lieu de résidence notamment dans l'industrie et à Paris. Cette étude rigoureuse scientifiquement devrait permettre d'accomplir un engagement fort du Président de la République à savoir lutter fermement contre ce fléau que constitue précisément la discrimination à l'embauche. Il convient ici de se rappeler les paroles fortes du Président de la République prononcées le 14 novembre 2017 à Roubaix-Tourcoing à l'occasion d'un discours sur la politique de la Ville. Il déclarait alors vouloir poursuivre les « opérations de testing » ainsi que de « pénaliser les discriminations à l'embauche et à rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes en la matière ». Il l'interroge donc sur les suites immédiates qu'il compte donner à cette étude et s'il envisage de se conformer à la parole présidentielle en rendant publique la liste des entreprises testées dans cette étude et opérant de la discrimination à l'embauche.
Réponse publiée le 17 mars 2020
La question porte sur les suites envisagées à l'opération nationale de testing à l'embauche sur la base du critère de l'origine et du lieu de résidence, commandée par l'Etat et menée fin 2018-début 2019 par une équipe de recherche de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée et Paris- Est Créteil. Dans ce cadre, 40 grandes entreprises membres du SBF 120 ont fait l'objet d'envoi de candidatures spontanées et/ou de réponses fictives à des offres d'emploi publiées et/ou de demandes d'information spontanées associées, selon la méthode du test de correspondance par paire. L'exploitation des résultats met en évidence une discrimination significative et robuste selon le critère de l'origine à l'encontre du candidat présumé maghrébin dans presque tous les territoires de test. Une discrimination plus faiblement significative a également été révélée selon le lieu de résidence. Les limites méthodologiques de ce type de testing, soulignées par les chercheurs eux-mêmes et lors des échanges avec les entreprises, ne peuvent occulter la conclusion générale de l'étude : les discriminations, volontaires ou non, peuvent exister dans notre pays, y compris au sein des plus grandes entreprises. Conformément à l'engagement de transparence du président de la République lors de son discours sur la politique de la ville à Roubaix- Tourcoing le 14 novembre 2017, le ministère du travail et le ministère de la ville et du logement ont mis en ligne l'intégralité de l'étude. La liste des entreprises ayant fait l'objet du testing y figure ainsi que le score qui leur est attaché. Les entreprises dont les pratiques sont présumées discriminantes sur le critère de l'origine y sont nommément désignées. Elles ont été contactées pour échanger sur l'étude – ses résultats et ses limites - et travailler au développement de nouvelles actions dans le cadre de leur politique politiques RH en matière de lutte contre les discriminations. Enfin, concernant les suites judiciaires, il est à noter que la méthode scientifique retenue, reposant sur des candidatures fictives, ne peut servir ni à caractériser des infractions pénales ni à fonder des sanctions administratives. Soucieux de poursuivre le travail engagé, le gouvernement relancera une seconde vague de testing qui permettra de consolider les résultats et d'étudier les marges de progrès réalisés depuis par les entreprises. Elle couvrira l'ensemble des entreprises du SBF 120 sur 2 ans. Le cahier des charges du testing sera élaboré et corrigera les limites méthodologiques identifiées lors de la première étude, en concertation avec des associations engagées sur le sujet. Les résultats seront communiqués à l'automne dès que les analyses auront été produites par l'équipe en charge de les réaliser.
Auteur : M. Stéphane Peu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Discriminations
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Travail
Dates :
Question publiée le 4 février 2020
Réponse publiée le 17 mars 2020