Légalité de la collecte imposée des données personnelles
Publication de la réponse au Journal Officiel du 28 décembre 2021, page 9141
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la légalité de la collecte imposée des données personnelles, sans information préalable, lors des achats effectués en magasin. Un réseau national de magasin, spécialisé dans la vente de matériel électrique à prix « dépôt », demande systématiquement à ses clients de communiquer leur nom et adresse, sans que ceux-ci puissent fermement s'y opposer, le logiciel de caisse imposant une saisie. Or, la collecte des coordonnées personnelles n'est obligatoire que pour les appareils susceptibles d'induire la perception de la redevance de l'audiovisuel public. De plus, le client n'est pas informé à l'avance, notamment par voie d'affichage à l'entrée ou à l'intérieur du magasin, de la collecte systématique de ses données personnelles au moment de l'achat et des droits s'y rapportant. Le personnel justifie cette saisie systématique par un éventuel avantage pour le client, quand celui-ci veut faire jouer la garantie et qu'il a en même temps perdu le ticket de caisse. Outre cet argument fantaisiste qui exploite la naïveté ou l'ignorance du client, cette procédure peut aussi laisser penser que la garantie impose d'enregistrer le nom de l'acheteur lors de l'achat. Or, elle permet d'abord et surtout au distributeur de constituer facilement et sans coût supplémentaire un fichier de données personnelles et d'habitudes d'achats, stratégiquement essentiel sur le plan commercial et hautement valorisable. Ainsi, le fichier est susceptible d'être exploité, puis vendu, parfois plusieurs fois, sans le consentement exprès du client ou sans que celui-ci puisse s'y opposer au préalable. Cette pratique semble donc illégale vis-à-vis du code de la consommation et du règlement général sur la protection des données (RGPD). Il lui demande donc s'il envisage de repréciser et d'appliquer la réglementation sur la collecte massive des données personnelles dans les commerces physiques.
Réponse publiée le 28 décembre 2021
Comme le souligne le parlementaire, le règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel qui entrent dans son champ d'application. A cet égard, les observations suivantes, qui résultent d'une consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), peuvent être faites. S'agissant de la collecte systématique des données des clients lors de leur passage en caisse. Il apparaît, selon l'auteur de la question, que le personnel de la chaine de magasins collecte systématiquement les noms et adresses des clients afin de leur permettre, en cas de perte du ticket de caisse, de pouvoir recourir, le cas échéant, à la garantie du bien acheté. Les clients ne seraient pas informés de ce traitement au moment où les données sont obtenues et ne seraient pas en mesure de s'opposer à la collecte. Sauf obligation légale (comme par exemple pour la collecte des données nécessaires aux déclarations à réaliser en matière de contribution à l'audiovisuel public), un magasin ne peut imposer la collecte systématique de données à caractère personnel que si ces données sont nécessaires à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie, ce qui, au regard des informations transmises, ne semble pas être le cas en l'espèce. Dès lors, les clients doivent pouvoir refuser ou s'opposer à cette collecte systématique. En tout état de cause, les personnes concernées doivent être informées selon les exigences prévues aux articles 12 et 13 du RGPD, qui imposent au responsable de traitement de fournir, au moment de la collecte des données, les informations relatives notamment aux objectifs poursuivis, à la base juridique du traitement mis en œuvre ainsi qu'aux droits que possèdent les personnes. L'absence d'information des personnes est susceptible de constituer un manquement aux obligations de transparence qui incombent au responsable de traitement. S'agissant de la revente des données à des tiers. La chaîne de magasins serait également susceptible de revendre les données ainsi collectées sans que le consentement des clients ne soit recueilli ou que ces derniers n'aient eu, a minima, l'occasion de s'opposer préalablement à une telle revente. Sur ce point, la revente des données n'est possible que sous réserve, d'une part, que les finalités pour lesquelles les données sont transmises soient déterminées, explicites et légitimes et qu'elles ne soient pas incompatibles avec les objectifs pour lesquelles elles ont été initialement collectées (article 5.1.b du RGPD) et, d'autre part, que celles-ci aient été portées à la connaissance des clients (article 12 et 13 du RGPD). Concernant la base juridique d'une telle transmission de données (article 6 du RGPD), le responsable de traitement devra recueillir le consentement des personnes concernées sauf s'il parvient à démontrer que l'intérêt légitime peut constituer une base légale valide. En tout état de cause, les clients devront être en mesure de refuser ou de s'opposer, de manière discrétionnaire, à la revente de leurs données à caractère personnel après en avoir été informé. Enfin, l'attention est attirée sur le fait que le secteur marketing/commerce génère de nombreuses plaintes chaque année. Dans ce contexte, il est rappelé que la CNIL est compétente pour contrôler et, le cas échéant, sanctionner tout manquement au cadre légal applicable au traitement de données à caractère personnel et qu'elle reste particulièrement vigilante au respect des principes rappelés dans la question.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 8 novembre 2021
Dates :
Question publiée le 10 mars 2020
Réponse publiée le 28 décembre 2021