Victimes de violences des prestataires des sociétés ubérisées
Question de :
M. Bernard Perrut
Rhône (9e circonscription) - Les Républicains
M. Bernard Perrut interroge Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la difficulté de protéger les victimes de violences des prestataires des sociétés ubérisées. Si l'arsenal législatif actuellement en place permet en théorie de poursuivre les auteurs des faits, il existe une problématique dans le cadre de la protection des victimes vis-à-vis de ces entrepreneurs, mais également de mise en cause de la responsabilité des sociétés mères qui mettent en lien ces entrepreneurs avec leurs clients. En effet, la particularité des prestataires ubérisés (chauffeurs, livreurs, dépanneurs...) réside dans le fait qu'ils sont indépendants, mais avec un accès aux données personnelles des utilisateurs de l'application. Les victimes de violences sexuelles ne peuvent ainsi pas être assurées de l'identité de leurs prestataires ; il y a donc à la fois un risque a priori dans le choix du prestataire (l'usager choisit le prestataire en fonction d'une note, or il est possible qu'il ne s'agisse pas de la note attribuée à la bonne identité) et un risque a posteriori dans les poursuites engagées envers un agresseur. De plus, dans le cas des sociétés ubérisées, aucun contrat de travail ne lie l'auteur des faits et la victime à la société mère. Le code du travail ne s'appliquant pas, la législation sur la prévention et les sanctions de l'employeur non plus. De fait, cette nouvelle forme d'emploi par les sociétés ubérisées apparaît comme un obstacle dans la lutte contre les violences sexuelles en ne protégeant pas assez efficacement les victimes des prestataires auteurs des violences et en ne permettant pas une mise en œuvre du code du travail à l'égard de la société ubérisée. C'est pourquoi il souhaiterait connaître les mesures qu'elle souhaite proposer pour améliorer la situation actuelle.
Réponse publiée le 1er décembre 2020
A la suite de l'hashtag #UberCestOver, la parole des victimes d'agressions sexuelles et de viols par des chauffeurs Uber s'est libérée. En effet, selon un rapport de la société de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) Uber publié en décembre 2019 sur la sécurité des trajets aux Etats-Unis, 5 891 agressions sexuelles ont été signalées dans le cadre de trajets commandés via l'application de l'entreprise en 2017 et en 2018, dont 235 viols, 280 tentatives de viols et plus de 3 000 attouchements sexuels pour la seule année 2018. Dans le cas des viols, 92% des victimes sont des usagers et pour 89% ce sont des femmes. Ces révélations ont d'ailleurs favorisé l'émergence de sociétés de taxis destinées aux femmes et proposant un service de transports par des conductrices (Taxi pour femmes, VTC femme à Paris ; Simone Driver Her, Kolett, Ladies Driver. Pour lutter contre cette situation très préoccupante, outre l'existence d'un arsenal répressif de plus en plus étoffé, qui n'a rien de théorique, en attestent les lourdes condamnations pénales dont écopent les chauffeurs de VTC délinquants sexuels, plusieurs mesures préventives ont été prises. Le Gouvernement s'est immédiatement emparé du sujet pour travailler sur la sécurité des utilisatrices de ce moyen de transport et contre l'impunité des agresseurs, notamment, au travers de son plan gouvernemental « Angela » de lutte contre le harcèlement de rue. La troisième mesure de ce plan prévoit ainsi l'intégration d'un module de formation portant sur les violences sexuelles et sexistes dans le cadre de l'examen professionnel pour devenir chauffeur VTC. Uber France a ainsi mis en œuvre des mesures pour lutter contre les violences sexuelles au sein des VTC dont : - La désactivation immédiate du compte du chauffeur lorsqu'un incident est signalé ; - Depuis le 22 novembre 2019, la mise en place d'une fonctionnalité dédiée dans l'application pour que les victimes puissent partager toute situation de harcèlement ou d'agression sexuelle qu'elles ont pu subir, y compris dans le passé ; - La fonctionnalité « Rappel en temps réel » qui permettra à toute victime d'incident signalé sur l'application Uber, d'être rappelée sous 2 à 3 minutes, permettant de recueillir encore plus rapidement leur témoignage et de pouvoir prendre les mesures adéquates. - Des sensibilisations sont organisées par l'association Handsaway. Enfin, s'agissant du statut juridique des "prestataires ubérisés", ceux-ci ne sont pas des travailleurs indépendants à proprement parler. C'est ce qu'a définitivement jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 2020 en requalifiant le contrat de partenariat d'un chauffeur VTC Uber en contrat de travail (Soc. 4 mars 2020 : n° 19-13.316). Elle a ainsi estimé que le lien de subordination entre le chauffeur et la société Uber est caractérisé lors de la connexion à la plateforme numérique Uber et que le conducteur doit en conséquence être considéré comme un salarié à part entière de la société de VTC. La question avait déjà été tranchée dans le même sens en 2018 à propos d'un livreur utilisant une application numérique de mise en relation entre des restaurateurs partenaires et des clients pour la livraison de repas (Soc. 28 novembre 2018 : n° 17-20.079). Des recours judiciaires visant à rechercher la responsabilité des sociétés uberisées en tant qu'employeurs sont donc également possibles.
Auteur : M. Bernard Perrut
Type de question : Question écrite
Rubrique : Voirie
Ministère interrogé : Égalité femmes hommes et lutte contre les discriminations
Ministère répondant : Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances
Dates :
Question publiée le 17 mars 2020
Réponse publiée le 1er décembre 2020