Question écrite n° 29529 :
Filières gastronomiques fragilisées par la crise du covid-19

15e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Dominique Potier alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les filières gastronomiques fragilisées par la crise du covid-19. Depuis le 15 mars 2020, cinq facteurs ont bouleversé de façon significative la consommation alimentaire : la fermeture des lieux de restauration hors domicile que sont les cafés, hôtels et restaurants (CHR), la réduction drastique des rayons dits traditionnels dans les grandes et moyennes surfaces, les nouveaux usages alimentaires domestiques, l'annulation des évènements populaires de toute nature jusque l'automne 2020 et une saison touristique estivale en suspens. Il faut souligner l'extraordinaire réactivité de la chaîne agroalimentaire qui, « des champs à l'assiette », et au-delà de l'effet de sidération et des obstacles logistiques, a permis d'éviter les ruptures d'approvisionnement qui auraient ajouté une crise alimentaire à la crise sanitaire. Cette résilience globale ne doit cependant pas masquer les problèmes du partage de la valeur dans les grandes filières d'élevage, ni ceux de la main-d’œuvre dans celle des fruits et légumes, qui sont accentués par la crise. Cependant, c'est à un troisième enjeu majeur que M. le député souhaite sensibiliser M. le ministre dans ce bouleversement inédit du paysage agroalimentaire du pays. Directement dépendants des modes de de vie et de commerce interrompus, les viticulteurs, les brasseurs, les cidriculteurs, les producteurs de produits AOP et IGP connaissent une chute brutale de leurs activités. Depuis 50 jours, les commandes sont annulées et l'horizon est incertain pour l'ensemble de l'année 2020. Aux conséquences dramatiques en matière d'emplois et de perte de valeur, voire de faillites, s'ajoute un risque plus insidieux de concentration au bénéfice de grands groupes. Or la force de ces filières souvent coopératives est fondée sur une extraordinaire diversité d'entreprises : des milliers de TPE et de PME à taille humaine ancrées dans les terroirs sont aujourd'hui en péril alors que leurs produits sont constitutifs de la gastronomie française et de l'identité des territoires. En donnant à ces entreprises les moyens de traverser la crise, on agit de façon équitable en reconnaissant leur travail au long cours, on conforte l'emploi local, on évite, par la perte de diversité du tissu économique, un appauvrissement de la carte gastronomique française : on investit pour demain dans un secteur à forte valeur ajoutée et en promesse de développement. Un plan de soutien à la hauteur des enjeux passe par la mobilisation optimale des crédits européens annoncés par la Commission européenne le 22 avril 2020, mais il ne peut faire l'impasse sur un budget national dédié. Celui-ci peut être attaché au plan en faveur des CHR en cours de négociation avec notamment une continuité - le temps des interdictions sanitaires du secteur - des aides exceptionnelles de l'État en matière d'activité partielle ou du fonds de solidarité et de l'annulation des charges tant que les recettes sont interdites. Le secteur pourrait également bénéficier d'un fonds d'urgence abondé à hauteur de 100 millions d'euros mis à la disposition des ministères de l'agriculture et de l'économie et des finances et pour lequel M. le député avait plaidé lors de l'examen du second projet de loi de finances rectificative, afin d'assurer la continuité et la pérennité des filières alimentaires fragilisées. Ainsi, il lui demande quels sont les projets du Gouvernement et les moyens afférents afin que le pays conserve cet atout d'attractivité constitutif de son art de vivre.

Réponse publiée le 20 juillet 2021

La crise sanitaire actuelle qui se poursuit depuis plusieurs mois a des impacts importants et persistants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas des filières viticole, cidricole et brassicole, fortement ancrées dans les territoires, qui ont été confrontées à l'arrêt de consommation hors domicile et des événements publics pendant plusieurs mois. La stratégie de levée progressive des restrictions déployée par le Gouvernement à partir du 3 mai 2021 au travers notamment de la réouverture des terrasses à compter du 19 mai 2021 et la réouverture des cafés et restaurants à partir du 9 juin 2021, devrait permettre aux filières de pouvoir relancer leurs activités et retrouver progressivement leurs débouchés. Pour préserver les entreprises, dès le début de la crise, le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont pouvaient bénéficier les exploitations agricoles et en priorité les très petites et les petites et moyennes entreprises. Conscient de la nécessité d'une réponse globale le Gouvernement a par ailleurs, dans la continuité des mesures d'urgence adoptées en plein cœur de la crise (fonds de solidarité, activité partielle, report massif de cotisations sociales…), conçu des dispositifs additionnels de soutien aux entreprises dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet 2020. Les filières agricoles, et notamment les filières viticole, cidricole et brassicole, bénéficient, sous conditions de perte de chiffre d'affaires, de mesures d'exonération, de réductions et de remise partielle de créances fiscales et sociales, ainsi que d'un dispositif exceptionnel d'aide au paiement des cotisations pour 2020. En particulier, les entreprises les plus touchées ont pu exceptionnellement demander à ce que le calcul des cotisations dues en 2020 repose sur les revenus perçus en 2020, et non sur les revenus des années précédentes. Des mesures spécifiques aux filières agricoles sont venues compléter les dispositifs transversaux mis en place par le Gouvernement. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soutenir le secteur de la viticulture, particulièrement dépendant de secteurs fermés administrativement durant de longs mois et des marchés à l'exportation. Ce sont plus de 85 000 entreprises (exploitations, caves coopératives, négociants vinificateurs) qui sont concernées. Le Gouvernement a demandé et obtenu au niveau européen des flexibilités dans la mise en œuvre des mesures des programmes sectoriels de l'Union européenne pour la viticulture et qui ouvrent la possibilité dans ces programmes de financer un dispositif de distillation de crise ainsi qu'une aide au stockage privé. Par ailleurs, à l'initiative de la France, des négociations avec le niveau européen ont permis d'obtenir la prolongation de ces mesures en 2021. Dans ce contexte, le Gouvernement a rencontré l'ensemble des représentants de la filière viticole à de nombreuses reprises pour faire le point de la situation. Un dispositif de soutien exceptionnel et spécifique au secteur viticole a été mis en place par le Gouvernement pour assurer la stabilité du marché et la poursuite de son activité avec : - un dispositif de distillation de crise à hauteur de 211 millions d'euros (M€), financé par des crédits nationaux et des crédits européens du programme national d'aides viticole ; - une aide au stockage privé à hauteur de 58 M€ financé à 45 M€ sur crédits nationaux. Ce plan de soutien spécifique à la filière viticole s'élève donc à 269 M€. Un dispositif d'exonération des cotisations patronales pour la filière viticole a par ailleurs été voté à l'assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Outre ces dispositifs exceptionnels, les entreprises peuvent également saisir la commission des chefs de service financier présidée par le directeur départemental des finances publiques et réunissant les représentants des créanciers publics (directeurs des services fiscaux, de l'urssaf et des représentants des différents régimes de sécurité sociale obligatoires de base), pour bénéficier des délais de paiement lorsqu'elles rencontrent des difficultés de paiement pour s'acquitter de leurs dettes fiscales et sociales. En outre, à l'occasion du conseil des ministres européens des 22 et 23 mars, la France a signé une déclaration avec 13 autres États membres demandant à la Commission européenne d'augmenter le soutien apporté au secteur vitivinicole via les programmes nationaux d'aides au secteur viticole. Concernant la filière cidricole, pour laquelle la fermeture des cafés-hôtels-restaurants a également conduit à un effondrement de la demande et un excédent de stocks importants chez les producteurs, le Gouvernement a mis en œuvre un dispositif de soutien exceptionnel et spécifique au secteur pour assurer la stabilité du marché et la poursuite de son activité à hauteur de 5 M€ financés sur des crédits nationaux. Cette enveloppe a financé d'une part la destruction de cidre à hauteur de 3,675 M€ pour les producteurs de cidre, et d'autre part la destruction de pommes à cidre à hauteur d'un peu plus de 232 000 € pour les producteurs de pommes à cidre. Les deux organisations de producteurs reconnues dans la filière cidricole peuvent bénéficier de mesures prévues dans le cadre de l'organisation commune des marchés des fruits et légumes au titre de la production de pommes à cidre. Elles peuvent notamment activer des mesures de prévention et de gestion de crise telles que les retraits, dès lors qu'elles prévoient de telles mesures dans leur programme opérationnel. Pour la filière brassicole, de façon similaire, l'effondrement de la demande de bière a entraîné des excédents de stocks importants chez les brasseurs. Dans ce contexte, le Gouvernement a mis en œuvre un dispositif de soutien exceptionnel et spécifique au secteur à hauteur de 4,5 M€ financés par des crédits nationaux, sous la forme d'une indemnisation forfaitaire destinée aux petites et moyennes entreprises du secteur. Cette aide a financé les pertes des petites brasseries indépendantes à hauteur de 2,3 M€. Conscient que la sortie de crise et la reprise seront très progressives, le Gouvernement continuera d'accompagner les filières, en s'appuyant sur les dispositifs transversaux qui seront maintenus pendant cette période de réouverture progressive. Par ailleurs, un système de suivi et d'accompagnement de la reprise dans le domaine « café-hôtel-restaurant » sera mis en place avec les services de Bercy. Par ailleurs, le plan de relance permettra d'accompagner les entreprises des filières, qui sont déjà nombreuses à avoir entamé la transition, vers un modèle plus durable, respectueux de l'environnement et économiquement robuste. En effet, le volet agricole du plan « France Relance », auquel sont consacrés 1,2 milliard d'euros, amplifie le soutien aux secteurs en s'inscrivant pleinement dans les priorités du Gouvernement pour la relance : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion territoriale. En particulier, un axe du plan de relance vise au renouvellement et au développement des agroéquipements nécessaires à la transition agro-écologique et à l'adaptation au changement climatique, avec deux dispositifs gérés par FranceAgriMer qui ont ouvert depuis le 1er janvier 2021. Un premier dispositif d'aides à l'investissement d'un montant de 135 M€ a pour objectif de réduire l'usage des produits phytosanitaires. Un second dispositif porte sur la protection contre les aléas climatiques qui se multiplient et frappent de plus en plus durement l'agriculture. Par ailleurs, des incitations fiscales bénéficieront aux viticulteurs : le maintien d'un crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, et la création d'un crédit d'impôt pour accompagner la certification « haute valeur environnementale » à hauteur de 2 500 € pour les nouveaux certifiés. Le programme « plantons des haies » soutiendra également les agriculteurs, dont les viticulteurs, qui souhaitent favoriser la biodiversité autour de leurs cultures. Enfin, les viticulteurs pourront bénéficier d'un accompagnement pour réaliser un bilan carbone de leur exploitation et ainsi identifier les leviers à mettre en œuvre pour inscrire son exploitation dans la transition énergétique. Le Gouvernement conscient des impacts économiques pour l'ensemble des filières agricoles, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation, et maintient des échanges réguliers avec les représentants des filières et les ministères concernés afin d'apporter les réponses spécifiques adaptées, le plus rapidement possible.

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agroalimentaire

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 19 mai 2020
Réponse publiée le 20 juillet 2021

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