Logiciels de surveillance en ligne lors des examens
Question de :
M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise
M. Michel Larive attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur l'utilisation de logiciels de surveillance en ligne lors des examens réalisés à distance par les étudiants. Du fait de la fermeture des établissements d'enseignement supérieur et de l'obligation de distanciation sociale, une grande partie des étudiants s'est vu contrainte de passer ses examens depuis le domicile, afin de valider leur deuxième semestre universitaire. Or, dans certaines écoles, notamment dans les écoles de commerce comme celle d'HEC Paris, l'utilisation de logiciels de surveillance en ligne a été imposée lors des examens. Or ce système requiert des autorisations intrusives comme l'accès à l'historique des sites consultés, des téléchargements et du presse-papier ou encore la gestion des paramètres de confidentialité et des périphériques de stockage. En outre, certaines fonctionnalités de surveillance constituent des atteintes excessives à l'intimité des étudiants et de leurs proches, puisque ces dispositifs filment et scannent à 360 degrés la pièce dans laquelle l'étudiant réalise son épreuve. Si leur emploi est justifié pour des motifs académiques (« la valeur du diplôme »), les établissements d'enseignement supérieur, mêmes privés, doivent pourtant respecter les missions de service public de l'enseignement supérieur. Le motif de l'excellence académique ne saurait donc justifier des entorses à l'éthique et au respect de la vie privée. Dans ce contexte, M. le député demande d'abord à la ministre de faire respecter un certain nombre de principes, comme le demande la CNIL. Il s'agit dans un premier temps de faire respecter les principes relatifs à la loi informatique et libertés et notamment le principe de proportionnalité et de pertinence : les moyens employés pour la surveillance des examens ne peuvent être déraisonnables comme ils le sont actuellement. De plus, dans un second temps, il s'agit d'empêcher que les principes RGPD soient détournés de la sorte. Aujourd'hui, le principe d'exécution d'une mission d'intérêt public est retenu comme base légale pour l'emploi de ces dispositifs, nonobstant le principe de libre consentement. C'est déjà une interprétation contraire au code de l'éducation, car le choix d'avoir recours à de tels logiciels pour motif « d'intérêt public » doit normalement être arrêté en début d'année par les établissements, et donc soumis au débat démocratique et à la discussion entre les équipes pédagogiques et les syndicats étudiants. Surtout, le motif d'intérêt public est extrêmement contestable : la surveillance des examens n'est pas plus nécessaire que le maintien des cours et d'une certaine continuité pédagogique. Or cette continuité n'a pas existé dans bon nombre de cursus et d'établissements de l'enseignement supérieur, sans pour autant que l'on emploie de tels moyens disproportionnés. Enfin, et pour toutes ces raisons, il lui demande d'interdire l'utilisation des logiciels de surveillance en ligne présentant des risques importants d'atteinte à la vie privée et ne respectant pas les libertés individuelles des personnes concernées.
Réponse publiée le 24 novembre 2020
La télésurveillance des examens par webcam au domicile des étudiants n'est pas une problématique nouvelle apparue avec la crise sanitaire du Covid-19. Dans le contexte de la formation à distance, certaines universités (Université de Caen Normandie et Sorbonne Université, notamment) déploient de la télésurveillance depuis plusieurs années. Par exemple, l'Université de Caen Normandie avait obtenu une réponse favorable de la part de la CNIL à ce sujet en 2016 suite à une demande d'avis (il s'agissait de la procédure en cours avant la mise en application par la suite du RGPD). Avec le RGPD, chaque établissement, en tant que responsable de traitements dont il doit garantir lui-même la conformité au droit à la protection des données, est libre de choisir la solution qu'il estime être la plus pertinente en fonction de la finalité, des enjeux et du contexte dont il a connaissance. Le traitement doit être consigné au registre de l'établissement et faire l'objet d'une documentation détaillée. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) a appelé les établissements à faire preuve de la plus grande vigilance au regard de la protection des données personnelles dans le recours à la télésurveillance des examens. La DGESIP a produit et actualisé tout un corpus de fiches méthodologiques à destination des établissements pour les aider dans la période de continuité pédagogique. La question de la télésurveillance des examens a fait l'objet spécifiquement de l'une de ces fiches : cf. https://services.dgesip.fr/fichiers/Fiche_6_-_Evaluer_et_surveiller_a_distance.pdf La DGESIP a listé quelques prestataires ayant déjà eu des collaborations avec des établissements d'enseignement supérieur et a bien rappelé les exigences réglementaires, notamment celles en lien avec le RGPD, principalement : - s'assurer que la solution retenue ne constitue pas une mesure disproportionnée au regard du but poursuivi, de nature à porter atteinte aux droits et libertés des candidats, notamment leur droit à la vie privée ; - limiter toute collecte de données personnelles aux informations indispensables au bon déroulement de l'examen. En particulier, les systèmes ne doivent pas permettre d'accéder à des données à caractère personnel qui seraient de nature à porter atteinte disproportionnée à la vie privée des candidats (par exemple, en accédant à la messagerie personnelle des étudiants) ; - établir un contrat comportant des clauses de confidentialité et de sécurité des données après avoir évalué le niveau de protection assuré par le prestataire ; - prévoir un encadrement des transferts hors Union Européenne (UE) dans les conditions prévues par le RGPD ; - informer les personnes concernées des conditions dans lesquelles leurs données sont traitées ainsi que de leurs droits (notamment leur droit d'accès aux éventuelles images enregistrées). En suivant les recommandations du MESRI, les établissements peuvent mettre en place des conditions de télésurveillance d'examens tout à fait respectueuses de l'éthique et du respect de la vie privée. Ces recommandations sont notamment en complète cohérence avec une récente communication de la CNIL à propos de la télésurveillance en date du 20 mai dernier : https://www.cnil.fr/fr/surveillance-des-examens-en-ligne-les-rappels-et-conseils-de-la-cnil. Il n'est donc pas question d'interdire l'utilisation des logiciels de surveillance en ligne dès lors que leur compatibilité avec la réglementation est établie par la CNIL. Le choix d'avoir recours à des modalités de télésurveillance des examens doit normalement être arrêté en début d'année par les établissements, et donc soumis au débat démocratique et à la discussion entre les équipes pédagogiques et les syndicats étudiants. Il convient de préciser que les établissements ont eu la possibilité d'adapter les modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur dans le contexte de l'épidémie de covid-19 en vertu de l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 publiée au JORF du 28 mars 2020. Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, les adaptations des modalités d'évaluation ont pu porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, et ont pu être réalisées de manière dématérialisée. Les modalités pouvaient être adaptées à tout moment dès lors qu'elles étaient portées à la connaissance des candidats par tout moyen dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines avant le début des épreuves. Il faut préciser que dans la très grande majorité des cas, les évaluations qui ont été déployées en ligne par les établissements en vertu de l'ordonnance du 27 mars 2020 l'ont été sans recours à la télésurveillance car beaucoup de possibilités existent pour garantir de bonnes conditions d'évaluations (oraux en webconférence, tests avec tirages aléatoires des questions, de l'ordre des réponses proposées, comparaisons anti-plagiat…). Ces choix relèvent des équipes pédagogiques qui ont su mettre en place des conditions d'évaluations bienveillantes envers les étudiants en même temps que respectueuses des conditions d'évaluation et de l'équité. Les évaluations en ligne, les enseignements via le numérique, la continuité pédagogique par le maintien du lien avec les étudiants ont été une véritable nécessité pour limiter les conséquences négatives de la crise sanitaire sur le devenir des étudiants, tout en leur garantissant la valeur de leurs diplômes.
Auteur : M. Michel Larive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Dates :
Question publiée le 9 juin 2020
Réponse publiée le 24 novembre 2020