Question de : Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la régulation carcérale et de l'encellulement individuel. La France a été condamnée en janvier 2020 pour ses conditions de détention inhumaines et dégradantes par la Cour européenne des droits de l'Homme, laquelle a demandé aux pouvoirs publics de prendre des mesures pour permettre la résorption de manière définitive de la surpopulation carcérale et garantir aux personnes détenues le respect de leur dignité. La Cour de cassation, dans deux arrêts rendus le 8 juillet 2020, considère que le juge doit désormais ordonner la libération des personnes placées en détention provisoire si leurs conditions de détention sont contraires à la dignité humaine. Elle rappelle également que cette décision s'adresse aussi au Gouvernement et au Parlement, qui doivent désormais en tirer les conséquences. Dans son rapport publié en juin 2020, Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, affirme qu'il est urgent de traiter cette question et de réguler les flux de détenus. Dans une lettre ouverte au Président de la République, début juin 2020, que M. le ministre avait alors co-signée en tant qu'avocat, il est demandé que soit menée une véritable politique de déflation carcérale à même de garantir des conditions de détentions dignes et l'encellulement individuel, principe inscrit dans la loi depuis 1875, mais non respecté aujourd'hui. Le contexte inédit de la crise sanitaire montre que la surpopulation carcérale n'est pas une fatalité et qu'une amélioration des conditions est possible. Pour la première fois en 20 ans, le taux d'occupation des prisons françaises est passé en dessous du seuil des 100 %. Le défi des prisons submergées face au virus a été relevé. On est passé de 72 400 détenus à 61 000 détenus fin avril 2020. La remise en liberté des plus proches de leur fin de peine et la réduction du nombre des entrants expliquent cette réduction de plus de 11 400 personnes. Mme la députée proposait d'aller plus loin, en retenant l'examen possible par le juge d'application des peines d'une libération non pas à moins de deux mois mais de quatre mois de la fin de peine, sachant que cette mesure n'est pas automatique et toujours soumise à l'appréciation du juge. Le contexte actuel constitue une véritable opportunité, laquelle sert également le travail admirable et difficile de l'ensemble du personnel pénitentiaire et facilite les actions de réinsertion des détenus. Aussi, elle lui demande s'il considère que des mesures doivent être prises pour que la surpopulation carcérale ne soit plus qu'un mauvais souvenir et, si tel est le cas, de bien vouloir lui préciser son plan d'action s'agissant de la régulation carcérale dans les deux années à venir.

Réponse publiée le 18 mai 2021

Au début de la crise sanitaire, la baisse significative de la population pénale a été le fait, pour moitié, d'une diminution de l'activité pénale, elle-même la conséquence d'une réduction de la délinquance de rue pendant le premier confinement, mais également, pour l'autre moitié, des dispositifs de libération anticipée des détenus en fin de peine, mis en œuvre sur le fondement de la loi d'urgence sanitaire. Ces dispositifs ont été limités dans le temps et ont cessé dès le 10 août 2020, un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Ils ne concernaient que des détenus ayant adopté un bon comportement en détention et qui n'avaient plus que quelques semaines de prison à exécuter. Les personnes condamnées pour des faits graves de nature criminelle, terroriste, ou ayant commis des violences intrafamiliales, ont par ailleurs été exclues de ces dispositifs de libération.  Si la population pénale a augmenté depuis lors, le nombre de détenus s'élevait au 1er mars 2021 à 64.405, alors qu'il était de 71.377 le 16 mars 2020. Nous comptabilisons donc toujours une baisse de près de 7.000 détenus au plan national. L'objectif du ministère de la justice est de conforter cette situation par une politique active de maitrise de la densité carcérale dans le droit fil de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ce texte ne remet pas en question la prison qui est nécessaire pour assurer la sécurité publique et protéger les victimes. Elle donne plus de sens aux peines en favorisant le prononcé des alternatives à l'incarcération, lorsqu'elles sont possibles, pour les détenus relevant de la délinquance de basse intensité, ayant été condamné à de courtes peines d'emprisonnement. L'objectif est d'astreindre ces condamnés à un contrôle socio-judiciaire et éducatif en milieu ouvert avec des obligations à respecter et un suivi renforcé pour faciliter leur réinsertion et mieux prévenir la récidive. La loi interdit le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à 1 mois et pose le principe d'un aménagement de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an. Il favorise, notamment par la systématisation de la libération sous contrainte, l'accompagnement à la sortie de prison et diversifie le panel des peines : sursis probatoire, détention à domicile sous surveillance électronique, peines de stage, travail d'intérêt général. Il facilite, enfin, le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire. La circulaire du garde des Sceaux du 20 mai 2020 portant sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux peines de la loi du 23 mars 2019, préconise de maintenir une politique de maitrise des effectifs dans les détentions par une coordination étroite entre l'autorité judiciaire et les services pénitentiaires. Le ministère de la justice a élaboré à cette fin un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, afin d'engager une politique de maîtrise des taux de densité carcérale et d'accompagner les juridictions et les services pénitentiaires en ce sens. Transmises mensuellement depuis le mois de juin 2020, les données renseignées dans l'outil permettent de connaître le nombre, la nature et le quantum des peines prononcées par chaque tribunal judiciaire, afin d'analyser les évolutions et leur impact sur le taux d'occupation du ou des établissements pénitentiaires du ressort. Il s'agit d'un véritable outil de pilotage opérationnel pour les chefs de juridiction. Par ailleurs, les services du ministère de la justice ont élaboré conjointement un document ayant vocation à fournir aux juridictions et services pénitentiaires des informations d'ordre quantitatif (chiffres d'occupation des structures) et qualitatif sur la nature des prises en charge au niveau local. Cet outil fait apparaître la situation des établissements du ressort en informant l'autorité judiciaire du taux d'occupation et du nombre de matelas au sol. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation y renseignent les disponibilités des centres de semi-liberté, des structures de placement extérieur ainsi que le délai de pose dans le cas du prononcé d'une détention à domicile sous surveillance électronique. Afin de valoriser les contenus de prise en charge en milieu ouvert, il est également fait mention des différents programmes à visée éducative dont la personne pourra bénéficier si elle est soumise à une mesure alternative à l'incarcération. Ce document est actuellement en expérimentation d'évaluer sa pertinence et d'y apporter d'éventuelles améliorations en vue de sa diffusion au niveau national. Au-delà de ces outils, la chancellerie a souhaité accompagner plus particulièrement 17 ressorts judiciaires dans la mise en œuvre de la loi du 23 mars 2019, en leur proposant un soutien rapproché, pour faciliter l'appropriation des nouvelles dispositions. Des actions sont également menées à destination des écoles (Ecole nationale de magistrature, Ecole nationale d'administration pénitentiaire et écoles des barreaux) et de l'ensemble des acteurs de la chaine pénale, notamment des magistrats siégeant en audience correctionnelle, afin de les sensibiliser au sujet des courtes peines et du développement des aménagements de peine ab initio. L'élargissement du champ des enquêtes sociales rapides pour évaluer les possibilités d'aménagement de peine permet notamment d'éclairer le magistrat sur la situation de la personne poursuivie, en vérifiant en particulier les modalités envisageables pour un aménagement de peine ab initio ou une alternative à l'incarcération. Une trame nationale a été construite afin d'assurer une harmonisation de ces informations quel que soit la structure (service pénitentiaire d'insertion et de probation ou association) qui réalise l'intervention. Le programme immobilier pénitentiaire de 15.000 places de prison annoncé par le président de la République en mai 2018 permettra également d'améliorer très sensiblement les conditions de détention. La tranche des 7.000 places est très avancée. L'administration pénitentiaire dispose aujourd'hui de 61.100 places opérationnelles contre 58.000 au début du mandat. La crise sanitaire a eu des impacts sur un certain nombre de chantiers mais 5.300 places supplémentaires seront livrées d'ici 2023. Le volet 8.000 places est désormais engagé. Il comprend 15 opérations dont les sites sont identifiés, pour des livraisons d'établissements pénitentiaires à l'horizon 2026/2027. Enfin, le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire porté par le Garde des Sceaux réaffirme le principe selon lequel le recours à la détention provisoire doit être réservé aux faits graves et favorise le prononcé de l'assignation à résidence sous surveillance électronique en matière correctionnelle. Il lutte en outre contre les fins de peine sèches en systématisant le suivi en milieu ouvert des détenus sortants de prison, en systématisant leur suivi dans un cadre judiciaire strict. L'objectif est encore de mieux prévenir la récidive afin de renforcer la protection de l'ensemble des citoyens.

Données clés

Auteur : Mme Cécile Untermaier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 4 août 2020
Réponse publiée le 18 mai 2021

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