Le secours aux femmes victimes de violences n'est pas une activité marchande
Question de :
M. Adrien Quatennens
Nord (1re circonscription) - La France insoumise
M. Adrien Quatennens interroge Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances sur l'ouverture à la concurrence de la gestion du « 39-19 ». Créé en 1992 et géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), le « 39-19 » est le numéro national d'aide aux femmes victimes de violences conjugales, sexuelles ou professionnelles. Chaque année, plus de 100 000 appels à l'aide sont réalisés grâce à numéro national. Durant le premier confinement le nombre hebdomadaires d'appels a été multiplié par 4, passant de 2 000 appels la semaine du 9 mars 2020 à 8 000 appels la semaine du 20 avril 2020. C'est grâce à la mobilisation et au sérieux des organisations volontaires et de leurs militants que les appels ont pu donner lieu à une assistance. Sur l'ensemble du territoire national, 73 associations relayent la FNSF dans la prise en charge de ces femmes en détresse. Suite au Grenelle des violences faites aux femmes, en septembre 2019, le Gouvernement a promis l'extension de l'écoute 24 heures sur 24. La FNSF s'est dite prête à répondre à cette demande. Elle a toutefois avancé le besoin d'une augmentation des moyens alloués, dans le cadre d'un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs. Un an après, le Gouvernement lui a préféré, le 2 septembre 2020, le lancement d'une procédure de marché public et l'ouverture à la concurrence pour la gestion du « 39-19 ». Cette décision interroge. Selon mots du Président de la République lui-même « il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Selon M. le député, il en est ainsi pour le secours aux femmes victimes de violences qui ne saurait être considéré comme une activité marchande ! L'ouverture à la concurrence de l'aide aux femmes en détresse serait un désastre pour les associations mobilisées et les femmes qu'elles accompagnent. Il lui demande donc de bien vouloir réviser sa décision et lui préférer une réelle concertation avec la FNSF et l'ensemble des organisations mobilisées sur le sujet.
Réponse publiée le 15 décembre 2020
La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'Etat en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'Etat l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'Etat endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'Etat, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100% par l'Etat. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'Etat. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'Etat entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'Etat est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.
Auteur : M. Adrien Quatennens
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances
Ministère répondant : Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances
Dates :
Question publiée le 24 novembre 2020
Réponse publiée le 15 décembre 2020