Loi Egalim : des sanctions contre les acteurs qui ne se plient pas à la loi
Question de :
Mme Séverine Gipson
Eure (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Séverine Gipson attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Egalim », et son application par l'ensemble des acteurs concernés. Le 2 octobre 2018, le Parlement adoptait la loi Egalim, une loi issue des états généraux de l'alimentation et qui avait pour but, entre autres, de rémunérer les éleveurs, les agriculteurs et les producteurs au juste prix de leur labeur. En 2019, les grandes surfaces ont alors augmenté le prix des produits en rayon, justifiant de marge de négociation plus faible entre grossistes et chaînes de distribution, suite à la rémunération des producteurs au prix juste. Or, en 2020, les tarifs en magasin connaissent une diminution, et après constat il semble que les agriculteurs, producteurs et éleveurs n'aient pas trouvé les effets escomptés de la loi sur leurs revenus. Il apparaît alors qu'à un certain niveau, entre la production et la mise en vente auprès du consommateur, la loi Egalim n'est pas appliquée. Il est à noter que si la loi Egalim est remplie de bonne volonté, le texte n'aborde aucune sanction en cas de non-respect. Elle souhaite savoir s'il est favorable à l'option qui consiste à inclure des sanctions à la loi Egalim pour que les acteurs qui ne la respectent pas entament un changement de leur pratique de négociation ou de mise en vente.
Réponse publiée le 16 mars 2021
Les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont une préoccupation constante du Gouvernement. Avec les états généraux de l'alimentation (EGA), puis la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, le Gouvernement a pris des mesures volontaristes pour aller plus loin face à l'enjeu de la répartition de la valeur entre ceux qui produisent, ceux qui transforment et ceux qui distribuent les produits agricoles. Cette loi a donné des premiers résultats encourageants, notamment dans la filière laitière. Ainsi, l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM a contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs. En 2019, le prix du lait payé aux producteurs est ainsi resté au-dessus du prix de 2018 tout au long de l'année. En particulier, grâce aux dispositions de la loi EGALIM, la baisse saisonnière des prix du lait observée chaque année au printemps lors de la période du pic de production a été très limitée. De manière générale et malgré des différences entre filières, la déflation des prix d'achat en grandes et moyennes surfaces a été stoppée au cours des années 2019 et 2020 (- 0,1 % en 2020 contre - 0,4 à - 0,6 % avant l'entrée en vigueur de la loi) même si la crise sanitaire et économique qui a marqué l'année 2020 a fragilisé la filière alimentaire, notamment par une réduction très forte de certains débouchés (restauration hors domicile notamment). Les interprofessions ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des indicateurs de référence, même si ces indicateurs sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Une première évaluation des dispositions expérimentales concernant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions n'a pas permis d'aboutir à ce stade à des conclusions définitives. De nouvelles évaluations seront produites en octobre 2021 et octobre 2022. Elle montre néanmoins que ces dispositions n'ont pas augmenté les prix aux consommateurs, malgré les craintes initiales des associations de consommateurs. Enfin, il existe des sanctions qui peuvent être prises contre les acteurs qui ne respectent pas la loi. Ainsi, afin que la contractualisation ait un sens, une sanction est possible en cas de dérogation aux dispositions L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Est passible d'une amende administrative le fait, entre autres, pour un producteur ou un acheteur de conclure un contrat ou un contrat-cadre ne comportant pas toutes les clauses mentionnées dans la loi, le fait pour un acheteur de ne pas proposer une offre écrite de contrat au producteur qui en fait la demande et le fait pour l'acheteur de ne pas transmettre par écrit, à l'auteur de la proposition de contrat ou accord-cadre, tout refus ou réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition de manière motivée et dans un délai raisonnable. Le montant de cette amende administrative ne peut être supérieure à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes ou, quand il s'agit d'une organisation de producteurs, 2 % du chiffre d'affaires agrégé de l'ensemble des producteurs dont elles commercialisent les produits. En outre, des ordonnances ont été prises en application de la loi EGALIM. L'ordonnance relative à l'action en responsabilité pour prix abusivement bas systématise la faculté pour un fournisseur de produits agricoles ou de denrées alimentaires d'engager la responsabilité de l'acheteur s'il impose un prix abusivement bas, alors que ceci n'était auparavant possible que rarement, dans des situations de marché critiques. Par ailleurs, le juge pourra désormais s'appuyer sur des indicateurs de coût de production pour caractériser le prix abusivement bas. L'ordonnance relative à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées du 24 avril 2019 énumère trois pratiques restrictives de concurrence : rupture brutale des relations commerciales, avantage sans contrepartie ou disproportionné, et déséquilibre significatif. Afin de faire respecter ces dispositions, une action devant la juridiction civile ou commerciale compétente est possible par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée plus haut. Les personnes qui justifient d'un intérêt peuvent également faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la restitution des avantages indûment obtenus, et demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants : cinq millions d'euros, le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus où 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En outre, le cycle annuel des négociations commerciales vient de se terminer. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie ont appelé, dans ce cadre, à la responsabilité et à l'engagement des distributeurs afin que justement, l'état d'esprit des EGA soit respecté pour une plus juste répartition de la valeur. Il est attendu que les distributeurs s'engagent à faire preuve d'une responsabilité particulière dans les négociations, notamment par la prise en compte de la hausse des coûts de production. En outre, les ministres ont indiqué qu'à leur demande, les contrôles pour faire appliquer la loi EGALIM seront renforcés. Déjà, durant les négociations commerciales de 2020, les services de contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avaient auditionné plusieurs centaines de fournisseurs afin de suivre « en temps réel » le déroulement de ces négociations et l'intégration des éléments de la loi, notamment l'utilisation des indicateurs de coût. Par ailleurs, la médiation a été renforcée et une adresse de signalement permettant d'identifier les éventuelles promotions abusives, instituée. Enfin, les ministres ont confié à l'ancien président directeur général du groupement système U, Serge PAPIN, une mission visant à faire vivre l'esprit des EGA et à proposer des recommandations afin d'améliorer la mise en œuvre de la loi EGALIM. Ainsi, tous les leviers sont utilisés afin de répondre aux engagements des EGA qui ont été traduits dans la loi EGALIM.
Auteur : Mme Séverine Gipson
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 19 janvier 2021
Réponse publiée le 16 mars 2021