Question écrite n° 36268 :
Ratification par la France du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires

15e Législature

Question de : M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Libertés et Territoires

M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la ratification par la France du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté par l'ONU le 7 juillet 2017, par 122 pays sur 192. À cette occasion, la France n'avait pas participé au vote. L'article 15 du traité stipule que le « présent traité entre en vigueur 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ». Le seuil de cinquante ratifications a été franchi le 24 octobre 2020 à la suite de son adoption par le Honduras. Le traité est donc entré en vigueur 90 jours plus tard, soit le 22 janvier 2021. Pour rappel, ce traité interdit de « mettre au point, mettre à l'essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». Toutefois, une ombre plane sur la mise en œuvre du traité puisque la France, comme les autres puissances nucléaires, ne s'est pas engagée à ratifier ce traité. Et ce, alors même, et selon un sondage IFOP, que 76 % des Français sont favorables à ce que la France s'engage dans le processus de désarmement nucléaire et 68 % sont favorables à la ratification immédiate du traité sur l'interdiction des armes nucléaires. La France, qui s'est engagée dans le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, s'honorerait à débattre dans la plus grande transparence de la ratification du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, en sollicitant la représentation nationale. À cet effet, il lui demande de lui faire connaître ses intentions sur ce sujet.

Réponse publiée le 22 juin 2021

La France est engagée avec détermination en faveur de la poursuite du désarmement nucléaire. Le Président de la République l'a réaffirmé avec force dans son discours à l'École de Guerre le 7 février 2020. La France a déjà engagé des efforts sans équivalent en matière de désarmement depuis 30 ans : réduction du format de la dissuasion française et abandon de la composante terrestre, démantèlement irréversible de ses anciens sites de production de matières fissiles pour les armes et de ses anciens sites d'essais nucléaires. En vertu du principe de stricte suffisance, la France possède aujourd'hui un total de moins de 300 têtes nucléaires et n'a pas d'armes en réserve. Nous nous sommes donné, pour la suite, un agenda clair et ambitieux : la poursuite de la réduction des arsenaux russes et américains, qui représentent plus de 90 % du stock mondial d'armes nucléaires, l'entrée en vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la négociation immédiate d'un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes, la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques. S'agissant du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), si la France a refusé, comme ses Alliés, de prendre part aux négociations, c'est que l'approche de ses promoteurs n'est pas compatible avec l'approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire qui est la nôtre et qui suppose de tenir compte de l'environnement stratégique et du contexte de sécurité. Or, ceux-ci sont marqués, depuis plusieurs années, par la multiplication des menaces à la sécurité et la stabilité internationales (crises de prolifération nucléaire, prolifération d'armes chimiques, remise en cause de l'architecture internationale de la maîtrise des armements, accroissement de certains arsenaux nucléaires, etc.). Par ailleurs, il est important de souligner que le TIAN est incompatible avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui constitue depuis 50 ans le pilier de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et qui permet, de manière équilibrée, l'accès aux usages pacifiques de l'atome. En outre, ce traité comporte de graves lacunes : il ne comporte pas de régime de vérification ; il remet en cause les progrès effectués au cours des deux dernières décennies et les nombreux efforts consentis par la France et de nombreux partenaires pour renforcer le régime de garanties de l'Agence internationale de l'énergie nucléaire (AIEA), instrument essentiel à nos objectifs de non-prolifération. Enfin, ce traité ne donnera lieu à l'élimination d'aucune arme nucléaire : il ne fait, en effet, pas de doute que tous les États possesseurs d'armes nucléaires ou proliférants, qui portent atteinte à la sécurité internationale, n'y souscriront pas. Pour cette raison, le Président de la République a rappelé, le 7 février dernier, que nous ne pouvions "donner à la France comme objectif moral le désarmement des démocraties face à des puissances, voire des dictatures qui, elles, conserveraient ou développeraient leurs armes nucléaires." Notre force de dissuasion nucléaire demeure, en ultime recours, la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de notre indépendance et de nos intérêts vitaux. Pour toutes ces raisons, de nombreux États, en Europe et sur d'autres continents, dont certains sont pourtant très engagés en faveur du désarmement nucléaire, ne le signeront pas. D'autres, qui avaient participé aux négociations, ont pris, depuis, leurs distances avec ce traité. La France est pleinement consciente de la responsabilité qu'entraîne la possession de l'arme nucléaire. Le bilan exemplaire de la France lui confère la légitimité pour plaider auprès des autres puissances nucléaires en faveur de gestes concrets en direction d'un désarmement global, progressif, crédible et vérifiable. La France, qui exerce la présidence du "Processus P5" en 2021, œuvre résolument en ce sens. La France, au titre de ses responsabilités propres, est également prête à participer à des discussions qui rassembleraient les cinq États dotés d'armes nucléaires au sens du TNP, sur les priorités du désarmement nucléaire, le renforcement de la confiance et de la transparence sur les arsenaux et les stratégies nucléaires de chacun. Alors que la 10e Conférence d'examen du TNP doit se tenir prochainement, la France s'efforce de travailler avec ses partenaires à son succès et à la promotion d'une approche réaliste, étape par étape, du désarmement, la seule qui permettra d'avancer vers l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires.

Données clés

Auteur : M. Olivier Falorni

Type de question : Question écrite

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 9 février 2021
Réponse publiée le 22 juin 2021

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