Compétitivité de la science française en Antarctique
Question de :
M. Didier Le Gac
Finistère (3e circonscription) - La République en Marche
M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la présidence par la France de la réunion consultative du traité sur l'Antarctique en juin 2021. La voix de la France est particulièrement écoutée dans le cadre du système du traité sur l'Antarctique. Cela tient en priorité à l'excellence et à la visibilité de sa recherche en Antarctique, reconnue au meilleur niveau international. Ainsi, la France se classe actuellement au 2ème rang mondial parmi les nations opérant des stations de recherche, pour les index de citations des articles scientifiques reposant sur des travaux de recherche conduits en Antarctique. Elle se classe même au premier rang mondial pour les recherches conduites au sein des milieux subantarctiques. Sur les sujets ayant trait au changement climatique et à la biodiversité, la France brille plus particulièrement par la qualité et la renommée de ses recherches. Toutefois, aujourd'hui, le personnel de recherche de l'opérateur polaire constate que l'Institut polaire français Paul-Émile Victor disposerait de moins de moyens que des nations comme la Corée du Sud, l'Australie, l'Allemagne ou encore le Royaume- Uni en matière d'investissements en Antarctique au service de la recherche. Celles-ci investissent annuellement trois fois plus que la France pour remplir les mêmes missions logistiques et opérationnelles dans les milieux polaires. L'Institut polaire français verrait même une réduction de ses ressources humaines depuis au moins 15 ans, alors même que la pression scientifique s'accroît. Les enjeux pratiques sont pourtant là. La France dispose de deux stations de recherche en Antarctique : Dumont d'Urville sur la côte et Concordia au cœur du continent, celle-ci étant gérée à parité de moyens avec l'Italie. Ces deux stations nécessitent urgemment un plan de rénovation et de modernisation. La première a en effet vu ses derniers investissements matérialisés au cours des décennies 1960 et 1970. La deuxième, construite en 2005 pour une durée de vie de 30 ans, parvient à mi-vie. C'est pourquoi, alors que se tiendra en juin 2021 un RCTA présidé par la France, il lui demande si la France entend doter son Institut polaire des moyens de conduire des campagnes océanographiques récurrentes dans l'océan circum-antarctique, soit en adaptant son navire brise-glace ravitailleur l'Astrolabe, soit en se dotant d'un navire de façade de petite capacité, permettant en particulier d'étudier de manière plus approfondie la zone maritime que la France souhaite inscrire dans le réseau de nouvelles aires marines protégées, la France étant la seule au sein du G7 à ne pas posséder de brise-glace en soutien à la recherche océanographique. Plus largement, il souhaiterait savoir quelles sont les orientations que la France entend prendre pour maintenir la compétitivité de la science française en Antarctique.
Réponse publiée le 22 juin 2021
Cette année, la France a la responsabilité d'organiser les travaux de la 43ème Réunion consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA). La RCTA implique également le ministère de la transition écologique (MTE), le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. La présidence française de la RCTA permettra notamment de réaffirmer, avec l'ensemble des Parties, les grands principes du Protocole de Madrid, relatif à la protection de l'environnement antarctique. Elle sera également l'occasion de mettre en valeur les travaux scientifiques français dans le domaine polaire et de rappeler auprès du grand public, à travers l'organisation de débats d'idées et d'événements en marge de la conférence, le rôle de premier plan joué par l'expertise française dans le domaine polaire. Celle-ci est reconnue par la communauté scientifique internationale et la France souhaite conserver un rôle moteur sur ces questions, notamment pour relever les défis considérables liés au réchauffement climatique. Elle s'appuie notamment sur l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV). Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) dispose d'un droit de vote au sein de son conseil d'administration et lui verse une subvention, qui s'intègre à un budget annuel de 18 millions d'euros, essentiellement pourvu par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI). L'IPEV contribue au rayonnement international de la France à travers ses accords-cadres avec l'Italie, l'Allemagne et l'Australie et nos deux stations de recherche en Antarctique : la base Dumont d'Urville et la station Concordia, cette dernière en partenariat avec l'Italie. Notre pays dispose d'un important outil scientifique avec Concordia, l'une des stations permanentes au cœur du continent Antarctique, qui est aujourd'hui labellisée "Très grande infrastructure de recherche" (TGIR) par le MESRI. La continuité de notre engagement dans ces infrastructures et dans les projets de recherche en Antarctique est primordiale, dans la mesure où ceux-ci participent à la légitimité de notre présence au sein des instances polaires (à l'instar de la RCTA), alors que de nombreux États (les États-Unis, la Russie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, mais également la Chine) réinvestissent et renforcent leurs moyens scientifiques et logistiques dans la région. Dans ce contexte très compétitif, le conseil d'administration de l'Institut polaire a souhaité créer un groupe de travail (GT-IPEV), composé de représentants du MESRI, de l'Institut national des sciences de l'Univers du CNRS (CNRS-INSU), de l'Ifremer et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dont l'objectif principal sera d'instruire, d'examiner et de prioriser, dans les meilleurs délais, des scénarios d'évolution de l'Institut et de ses missions, afin de lui permettre d'accroître son rayonnement et ses capacités d'intervention, en tenant compte du contexte budgétaire et des objectifs scientifiques poursuivis. L'ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes est associé aux consultations menées par le groupe de travail et a rappelé la nécessité de maintenir la présence française en Antarctique, en raison de notre participation aux instances créées dans le cadre du système du Traité de l'Antarctique, mais aussi pour répondre aux difficultés d'accès au terrain pour les chercheurs français. Dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale polaire, les besoins nécessaires, y compris nouveaux, pour notre action en Antarctique comme en Arctique, seront objectivés.
Auteur : M. Didier Le Gac
Type de question : Question écrite
Rubrique : Recherche et innovation
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 23 février 2021
Réponse publiée le 22 juin 2021