Question de : Mme Brigitte Kuster
Paris (4e circonscription) - Les Républicains

Mme Brigitte Kuster interroge Mme la ministre de la culture sur la chronologie des médias. En effet, celle de 2018 donne la possibilité aux services de vidéo à la demande par abonnement d'exploiter un film après un certain temps après sa sortie au cinéma. C'est actuellement ce délai de trois ans qui s'applique d'ailleurs aux plateformes, essentiellement étrangères que sont Netflix, Amazon Prime et Disney+. Le futur décret SMAD prévoit cependant de le réduire à 12 mois pour ces derniers. À noter que le Conseil d'État, tout en donnant un avis favorable sur le décret, a souligné qu'il intervient en pleine renégociation de la chronologie des médias. Il a appelé à laisser « un délai raisonnable » aux négociations. De plus, cette possibilité offerte aux plateformes vient heurter la fenêtre d'exploitation de Canal+ et OCS (6 à 8 mois), de Ciné+ (15 mois) ainsi que celle de France Télévisions, TF1 et M6 (22 mois). Il faut rappeler que ces derniers financent d'ailleurs la création audiovisuelle à hauteur de 160 millions d'euros pour Canal+, 40 millions pour Orange et 120 millions d'euros pour les France Télévisions, TF1 et M6. Face au risque de déstabilisation du paysage audiovisuel, Canal+ a d'ores-et-déjà annoncé que l'hypothèse d'un basculement de la TNT vers le modèle de la plateforme n'est plus exclue. Cela ferait perdre un financement important au CNC, avec de potentielles conséquences pour les auteurs, artistes et entreprises. Alors que les négociations sur la réforme de la chronologie des médias doivent aboutir avant le 30 juin 2021, le ministère de la culture a pris un décret lui permettant d'intervenir et de trancher en cas de désaccord persistant entre les différents médias au-delà du 31 mars 2021. Dès lors, elle lui demande si le Gouvernement entend interférer, avant le 30 juin 2021, dans la révision de la chronologie des médias. Par ailleurs, en cas de changement de statut de Canal+, elle souhaite savoir ce que compte faire le ministère de la culture pour garantir un haut niveau de contribution à la création française.

Réponse publiée le 27 juillet 2021

Le principe général de la chronologie des médias est que les diffuseurs qui s'engagent le plus en matière de financement et de diffusion de la création française bénéficient de créneaux d'exploitation plus avancés, au-delà de la fenêtre de quatre mois qui est sanctuarisée pour la salle. Ce principe directeur a permis historiquement de préserver le parc de salles français, qui est le plus dense d'Europe, ainsi que le modèle même de la création française, qui repose sur le préfinancement des films par ceux qui en tirent de la valeur. Aujourd'hui, le créneau d'exploitation des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) par abonnement étrangers, qui, jusqu'à présent, ne participaient pas au financement de la création cinématographique française, s'ouvre à l'expiration d'un délai de 36 mois après la sortie des films en salles – étant précisé que ce délai pourrait être réduit à 17 mois s'ils concluaient un accord avec les organisations du cinéma. La transposition de la directive SMA (services de médias audiovisuels), réalisée en France par l'ordonnance du 21 décembre 2020 et le décret relatif aux SMAD publié le 23 juin, fait entrer ces nouveaux acteurs dans le financement de la création. Entre 20 et 25 % de leur chiffre d'affaires réalisé en France seront ainsi dédiés à des œuvres européennes et d'expression originale française. Dès lors, la refonte de la chronologie des médias est un corollaire naturel de cette transposition. Cette évolution avait d'ailleurs été anticipée par la clause de revoyure de l'accord sur la chronologie des médias du 6 septembre 2018 et de son avenant du 21 décembre 2018. La chronologie des médias étant déterminée en principe par un accord professionnel, le législateur a donc choisi d'habiliter le Gouvernement à inciter les organisations professionnelles du secteur et les diffuseurs à négocier un nouvel accord. L'article 28 de l'ordonnance du 21 décembre 2020 et le décret du 26 janvier 2021 ont ainsi prévu que le Gouvernement pouvait éventuellement, à partir du 31 mars 2021, fixer temporairement et subsidiairement les nouveaux délais constitutifs de la chronologie des médias par décret en Conseil d'État tant qu'un accord n'aurait pas été trouvé et jusqu'à l'entrée en vigueur dudit accord. La vocation de ce mécanisme n'est en aucun cas de se substituer aux signataires de l'accord mais de les inciter à aboutir. Le Gouvernement n'a donc pas entendu fixer lui-même le contenu d'une chronologie future. Il se borne à inciter les parties à renégocier l'actuelle chronologie des médias opposable jusqu'au 10 février 2022. La date du 31 mars 2020 constitue à cet égard un point de départ du mécanisme d'incitation à négocier, non la date butoir des négociations. Dans cette mesure, le Gouvernement souhaite que puisse se développer complètement la négociation interprofessionnelle entamée le 8 décembre 2020 sans prendre à ce stade un décret en Conseil d'État. Concernant Canal +, l'éditeur a obtenu le renouvellement de l'autorisation d'utilisation de sa fréquence sur la télévision numérique terrestre le 6 décembre 2020 pour trois ans, soit jusqu'au 6 décembre 2023. Un changement de mode de diffusion assujettirait le service à un régime de contribution différent de celui qui lui est actuellement applicable. En effet, les obligations de contribution seraient alors déterminées par le décret relatif aux SMAD pour les services de médias audiovisuels à la demande. Elles ne seraient toutefois pas moins élevées qu'actuellement dès lors que s'appliquerait le nouveau décret, qui prévoira un taux d'obligation situé entre 20 et 25 % du chiffre d'affaires annuel.

Données clés

Auteur : Mme Brigitte Kuster

Type de question : Question écrite

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 6 avril 2021
Réponse publiée le 27 juillet 2021

partager