Archives - armée
Question de :
M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise
M. Michel Larive attire l'attention de Mme la ministre des armées sur le droit d'accès aux archives contemporaines. Il s'agit notamment de deux dispositions, l'une réglementaire, l'autre législative, qui organisent une restriction sans précédent de l'accès aux archives et dont l'une a été contestée devant le Conseil d'État par plusieurs associations ainsi qu'un collectif d'archivistes, de juristes et d'historiens. En effet, la nouvelle instruction interministérielle n° 1300 (IGI 1300) sur le secret défense, de valeur réglementaire, oblige à conditionner toute communication de documents antérieurs à 1970 et portant un tampon « secret » à une procédure administrative de déclassification. L'accès à des documents à haute valeur historique et mémorielle, aussi essentiels que ceux concernant l'Occupation, les guerres coloniales et les débuts de la Vème République, se trouve ainsi entravé durant des mois voire des années et empêche le travail des intellectuels. Comme le rappellent les associations et collectifs à l'origine de la saisine au Conseil d'État, soutenue par une pétition de 18 000 signatures, cette nouvelle procédure est légalement contestable dans son principe même. En effet, la loi actuelle prévoit une communication entière des archives classées secret-défense à l'issue d'un délai de 50 ans, sans condition particulière. A contrario, l'IGI 1300, outre la fixation arbitraire d'un périmètre de secret-défense à partir de mars 1934 (tout document postérieur à cette date et classé secret-défense devra faire l'objet d'une demande de déclassification à l'administration, aux critères volontairement flous), crée une nouvelle catégorie d'archives non communicables, ce au mépris de la loi actuelle. Dès lors, suite à la saisine du Conseil d'État, le Président de la République a répondu en proposant la possibilité pour les services d'archives de déclassifier les documents secret-défense par un procédé de démarquage au carton. Pour les associations, cela ne résoudra rien, d'autant plus qu'elles s'inquiètent désormais du nouveau projet de loi renseignement et sécurité intérieure, dont le vote est prévu en pleine période estivale. Comme le font savoir plusieurs associations dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche le 18 avril 2021, ce texte, s'il est promulgué, entend modifier la manière de calculer le délai de cinquante ans durant lequel les archives classés secret-défense ne sont pas communicables. De la même manière, ce sera l'administration qui définira unilatéralement, sans contrôle du Parlement, les délais de mise en accès des archives classées secret-défense. Par conséquent, M. le député dénonce avec vigueur cette restriction du droit d'accès aux archives, qui non seulement bafoue clairement le droit constitutionnel d'accès aux archives publiques, consacré en 1789, mais également organise progressivement le règne de l'arbitraire et de l'impunité de l'État et de ses représentants. Cette nouvelle attaque contre les principes républicains et démocratiques est grave. Par ailleurs, on ne bâtit pas l'avenir sur l'oubli et la négation de l'histoire, y compris ses périodes les plus sombres. Contre le règne de l'arbitraire, il l'appelle donc à retirer l'IGI 1300 et la disposition inclue dans le projet de loi renseignement et sécurité intérieure.
Réponse publiée le 28 décembre 2021
Par une décision du 2 juillet 2021, le Conseil d'État a annulé, en tant qu'il approuve l'article 7.6.1 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, l'arrêté du 13 novembre 2020 portant approbation de ladite instruction. Depuis cette date, cet article n'est donc plus appliqué par les services d'archives, notamment le service historique de la défense : plus aucune formalité préalable n'est imposée aux usagers avant communication de documents classifiés devenus, en vertu de l'article L. 213-2 du code du patrimoine, communicables de plein droit. Bien avant cette décision cependant, le Gouvernement s'était lui-même engagé dans la voie d'une suppression de cette déclassification formelle. Estimant alors que cette mesure relevait de la seule compétence du législateur, c'est par l'article 19 du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement qu'il a proposé au parlement d'adopter la règle selon laquelle « toute mesure de classification mentionnée à l'article 413-9 du code pénal prend automatiquement fin à la date à laquelle le document qui en a fait l'objet devient communicable de plein droit en application du présent chapitre ». Ainsi, le droit d'accès aux archives publiques est garanti par la Constitution. Il doit cependant être concilié de manière équilibrée avec le principe de valeur constitutionnelle de protection des intérêts fondamentaux de la Nation. C'est ainsi que, dans le cadre de la démarche d'ouverture exposée supra, le Gouvernement a inséré à ce même article 19, des dispositions prévoyant la possibilité d'une prolongation, au-delà de cinquante ans, du délai d'incommunicabilité pour quatre catégories d'archives précisément définies et extrêmement sensibles, dont la sensibilité ne peut être présumée avoir disparu à l'expiration d'un délai prédéterminé. Les archives concernées sont celles relatives à certaines infrastructures et armements particulièrement sensibles, celles relatives à notre politique de dissuasion nucléaire et à sa mise en œuvre, ainsi que celles qui pourraient révéler des méthodes et techniques opérationnelles utilisées par nos services de renseignement et tenues secrètes. La divulgation précoce de tels documents serait, en effet, de nature à révéler des vulnérabilités dont des personnes ou organisations malintentionnées à l'égard de la France pourraient chercher à profiter. Elle pourrait également mettre en danger les agents de nos services de renseignement et compromettre gravement l'efficacité de ces services. C'est pourquoi le Gouvernement, dans le cadre du même projet de loi, a proposé au Parlement que ces documents puissent demeurer incommunicables jusqu'à la perte de leur valeur opérationnelle, c'est-à-dire, s'agissant des infrastructures, jusqu'à leur désaffectation, s'agissant des armements, jusqu'à la fin de leur utilisation par nos armées, s'agissant de la dissuasion, jusqu'à l'abandon d'une doctrine ou d'une procédure donnée et, s'agissant du renseignement, jusqu'à la révélation ou l'abandon volontaire d'une méthode ou d'une technique. Ce sont ainsi des règles claires et précises qui ont été adoptées en des termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale, validées, le 30 juillet dernier, par le Conseil constitutionnel et qui sont, depuis la promulgation de la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (PATR), mises en œuvre par l'administration, sous le contrôle du juge administratif.
Auteur : M. Michel Larive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Archives et bibliothèques
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 20 juillet 2021
Réponse publiée le 28 décembre 2021