Arrêt de la CJUE sur le temps de travail des militaires
Question de :
Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains
Mme Bérengère Poletti alerte Mme la ministre des armées sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relative à la définition française du « temps de travail » des militaires. En effet, la CJUE a invalidé le 15 juillet 2021 cette définition, considérant que les militaires étaient assujettis au même droit du travail que n'importe quel travailleur. Cet arrêt pourrait venir bouleverser l'organisation de certains services de l'armée et, en conséquence, la sécurité intérieure. Sur le fond, il porte atteinte au principe de disponibilité « en tout temps et en tout lieu » qui garantit l'efficacité militaire et assure la défense nationale. Juridiquement, cet arrêt manque de base légale, à l'échelle européenne comme nationale en ne respectant pas le droit constitutionnel. Considérer des militaires comme des « travailleurs comme les autres », c'est abdiquer le recours éventuel de la force pour la défense des intérêts dans le futur. Pour ces raisons, elle souhaite connaître la position du ministère des armées sur cette décision discutable pour l'avenir des militaires.
Réponse publiée le 21 décembre 2021
Plusieurs États membres de l'Union européenne, parmi lesquels la France, n'ont pas transposé aux forces armées la directive 2003/88/CE sur le temps de travail, considérant qu'elle ne s'applique pas aux militaires du fait des stipulations du droit primaire, qui n'attribuent pas de compétence à l'Union européenne en la matière, ainsi que des exclusions qu'elle prévoit. C'est la position que la France a rappelée avec constance aux côtés d'autres États membres, faisant valoir que la santé et la sécurité des militaires étaient garanties par des règles protectrices dans le cadre d'un statut qui ménage un équilibre entre droits et devoirs, adapté à la singularité de leur engagement. L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge par principe la directive applicable aux militaires, même s'il ménage certaines exceptions. Or, la directive susmentionnée prévoit un décompte individualisé du temps de travail et un plafonnement de celui-ci à 48 heures hebdomadaires, alors que l'armée française doit, pour assurer la permanence de sa mission, organiser collectivement ses activités. Le niveau d'engagement des forces françaises est particulièrement élevé et repose sur un continuum formation-entraînement-déploiement. Le contexte stratégique et la violence croissante qu'affrontent les armées sur les théâtres extérieurs rappellent combien est important le maintien de forces disponibles en tout temps et en tout lieu, de même que la préservation de l'esprit militaire. La plus grande vigilance est donc apportée à garantir la disponibilité, la combativité, l'interopérabilité et la cohésion de nos armées. La distinction proposée par la CJUE pour décider de l'application de la directive entre activités de haute intensité, d'une part, et activités dites de service ordinaire, d'autre part, n'est pas adaptée au cas d'une armée qui, comme l'armée française, est entièrement professionnalisée. L'application partielle, ou à éclipse, de ce texte n'est pas compatible avec son mode d'organisation. La libre disposition de la force armée constitue par ailleurs un principe à valeur constitutionnelle, comme le rappelle les décisions du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 et n° 2014-450 QPC du 27 février 2015. Par ailleurs, l'unité de sort des militaires, qui se traduit par l'unicité et la singularité du statut, est au cœur de la cohésion et de l'efficacité de nos forces armées. Conformément aux orientations données par le Président de la République, le Gouvernement est déterminé à répondre à cet arrêt de la CJUE par le droit. Les autorités françaises ont entrepris à ce sujet des échanges techniques avec la Commission européenne.
Auteur : Mme Bérengère Poletti
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 3 août 2021
Réponse publiée le 21 décembre 2021