Libertés démocratiques et droits humains en Turquie
Question de :
M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Pierre Dharréville interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les initiatives de la France au sein des instances internationales en faveur de respect de la démocratie et des droits humains en Turquie. Depuis 2016, l'opposition au régime de Recep Tayyip Erdogan subit une répression des plus brutales. Ainsi, en cinq ans, on dénombre 290 000 arrestations, 97 000 emprisonnements, 150 000 fonctionnaires limogés et 6 000 universitaires radiés. Les prisonniers politiques n'ont pas accès à leurs droits les plus élémentaires, comme celui de voir leurs familles ou leurs avocats. C'est le cas d'Abdullah Ocalan. Plus récemment, la Cour européenne des droits de l'homme a pris position concernant Selahattin Demirtas, exigeant sa libération, sans que cela soit suivi d'effets. Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) demeure classé parmi les organisations terroristes, y compris par l'Union européenne, justifiant ainsi les agissements du pouvoir en place. Et désormais, le Parti démocratique des peuples (HDP) de Turquie fait l'objet d'une répression brutale par le pouvoir turc. Parti très lié à la cause kurde au départ, il est devenu un parti national turc qui rassemble des forces démocratiques, progressistes et de promotion des droits humains. Le HDP a obtenu 67 parlementaires aux élections législatives de 2018 et 65 municipalités aux élections municipales de 2019. Des parlementaires, des maires et des militants du HDP sont emprisonnés (6 500 à 7 000), tandis que les élus sont massivement révoqués de leur mandat. Une procédure d'interdiction du HDP est en cours, agrémentée d'une interdiction de faire de la politique pour tous ses cadres. Le glissement vers un régime de plus en plus autoritaire et attentatoire à la démocratie est une question qui concerne au premier chef les habitants de ce pays mais c'est aussi une question de sécurité collective à laquelle la France ne peut pas rester indifférente. La Turquie est, en effet, membre de plusieurs organisations internationales aux côtés de la France dont l'ONU, l'OTAN, l'OMC et l'OMS. Elle est le premier partenaire commercial de l'Union européenne et la France est son 8ème fournisseur, selon le ministère de l'économie, des finances et de la relance. Il souhaite connaître les initiatives que la France envisage de prendre auprès de ses partenaires européens et internationaux en faveur de la démocratie et du respect des droits humains en Turquie.
Réponse publiée le 25 janvier 2022
La France est vigilante à l'égard de la situation des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en Turquie. Le recul progressif constaté par le Conseil de l'Union européenne (UE) dans ses conclusions sur l'élargissement et le processus de stabilisation et d'association du 14 décembre 2021 est, à ce titre, inquiétant, qu'il s'agisse des pressions exercées sur le pouvoir judiciaire ou des mesures visant responsables politiques, journalistes, universitaires, avocats, défenseurs des droits de l'Homme et utilisateurs des réseaux sociaux. Comme l'a constaté la Commission européenne dans son rapport du 19 octobre 2021 relatif à la Turquie en matière de politique d'élargissement, les actions en justice intentées contre des représentants des partis d'opposition mettent de plus en plus en péril le pluralisme politique. Cela concerne les pressions exercées ces derniers mois contre l'une des principales forces d'opposition, le Parti démocratique des peuples (HDP), telles que la procédure en cours devant la Cour constitutionnelle, qui a jugé recevable, à l'unanimité, l'acte d'accusation du procureur général de la Cour de cassation visant à dissoudre le HDP. Dans ce contexte, et comme cela a été rappelé par les chefs d'État et de gouvernement de l'UE à l'occasion du Conseil européen des 24 et 25 juin 2021, le respect des droits fondamentaux est un élément structurant de la relation entre l'UE et la Turquie, et de la reprise progressive, proportionnée et réversible du dialogue décidée à l'occasion de ce Conseil. À ce titre, il est attendu de la Turquie un respect des normes internationales et des obligations auxquelles elle a souscrit, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Auteur : M. Pierre Dharréville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 16 novembre 2021
Réponse publiée le 25 janvier 2022