Question écrite n° 44781 :
Participation de la France au commerce mondial des produits issus de requins

15e Législature

Question de : Mme Typhanie Degois
Savoie (1re circonscription) - La République en Marche

Mme Typhanie Degois attire l'attention de Mme la ministre de la mer sur les engagements du Gouvernement pour lutter contre le déclin des populations de requins, qui font l'objet d'un commerce mondial auquel la France participe activement. Alors que plus de 50 % des espèces de requins sont aujourd'hui menacées d'extinction, les pays de l'Union européenne figurent parmi les principaux fournisseurs de viande et d'ailerons de requins sur les marchés asiatiques. La France, en tant que quatrième pays européen exportateur de requins en Asie, avec près de 300 tonnes exportées entre 2003 et 2020, a un rôle à jouer dans l'encadrement du commerce mondial. Les données d'importation provenant de l'Union européenne déclarées par Hong Kong, Taïwan et Singapour diffèrent fortement des données d'exportation communiquées par l'Union européenne, ce qui laisse craindre une quantité non négligeable de fausses déclarations liées au commerce de requins. Au cours des dernières années, un écart s'élevant à 2 300 tonnes par an est à noter. En ayant adopté le règlement du Conseil européen du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, la France s'est engagée à appliquer les dispositions de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) sur son territoire. Pourtant, seules huit espèces de requins figurent aujourd'hui à l'annexe II de la CITES, autorisant l'exploitation des autres requins sans permis de pêche spécifique, aggravant alors le déclin de leur population. Conformément à ses engagements, la France en tant que membre de l'Union européenne, acteur du commerce mondial des requins, doit s'assurer qu'elle ne participe pas à l'extinction de ces espèces indispensables à la biodiversité marine. Ainsi, Mme la députée demande au Gouvernement de contrôler davantage l'enregistrement des données dans les registres commerciaux et la mise en place d'un référencement harmonisé avec les principaux partenaires mondiaux, permettant une meilleure traçabilité de la pêche et du commerce de requins. L'objectif étant de lutter efficacement contre le trafic illégal et de pouvoir surveiller le rôle du commerce français dans le déclin des requins. A minima, elle souhaite connaître les mesures envisagées par l'État pour réguler ce commerce et protéger les espèces menacées, suite aux recommandations du dernier rapport du Fonds international pour la protection des animaux concernant le rôle de l'Union européenne dans le commerce mondial des requins.

Réponse publiée le 3 mai 2022

La France est partie à de nombreuses conventions internationales qui œuvrent à la protection des requins dans le monde, à la fois pour leur protection in situ mais aussi pour interdire leur commerce (CITES). Au niveau national, de nombreuses réglementations ont été prises, soit pour directement protéger les requins, soit pour assurer leur préservation. À titre d'exemple : les documents stratégiques de façade (DSF) sont mis en œuvre à l'échelle des 4 façades maritimes de France métropolitaine et comportent des actions en faveur des élasmobranches ; certains territoires ultra-marins sont des sanctuaires pour les requins. La Polynésie française est un sanctuaire de 5 millions de km² où les requins sont totalement protégés. Par ailleurs, afin de respecter ses différents engagements (UE et internationaux), la France s'apprête à fixer la liste des poissons marins (dont élasmobranches) qui seront protégés sur l'ensemble du territoire national, et les modalités de leur protection. L'arrêté prévoit notamment l'interdiction du commerce de tout ou partie des espèces visées au niveau national, et reprend plus largement les dispositions prévues dans les différentes conventions internationales. À ce stade, 38 espèces d'élasmobranches seront incluses dans ce nouvel arrêté. Le travail de consolidation des listes des espèces à protéger sera effectué ensuite pour l'Outre-mer au cours de l'année 2022. Dès à présent, et conformément au règlement (CE) 1185/2003, il est interdit d'enlever les nageoires de requin à bord des navires (opération appelée « finning »), de les conserver à bord, de les transborder ou de les débarquer. Ce règlement s'applique à tous les navires évoluant dans les eaux de l'Union ainsi qu'aux navires d'un Etat membre de l'Union évoluant dans d'autres eaux. Il concerne tous les poissons appartenant au taxon des élasmobranches. Il est également interdit d'acheter, d'offrir à la vente ou de vendre des nageoires de requin issues des opérations encadrées par le règlement (navires dans les eaux de l'Union et navires de l'Union dans les eaux tiers).  Pour faciliter le stockage à bord, les nageoires de requin peuvent toutefois être partiellement tranchées et repliées contre la carcasse, mais elles ne peuvent en aucun cas être enlevées avant d'être débarquées. Le plan national de contrôle des pêches 2021-2022 rappelle en outre que l'interdiction de la découpe des ailerons constitue une priorité de contrôle pour les services français. Annexe Protection du requin en France métropolitaine et en outre-mer Contexte Une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) vient de se clôturer le 31/01/2022. Cette initiative « Stop Finning – Stop the trade » (Stop à la pêche aux ailerons – Stop au commerce) souhaite mettre un terme au commerce des ailerons dans l'UE, y compris l'importation, l'exportation et le transit des nageoires qui ne sont pas naturellement attachées au corps de l'animal. Pour cela, ses organisateurs réclament que le règlement (UE) nº 605/2013 couvre également le commerce des ailerons et invitent donc la Commission à élaborer un nouveau règlement qui étendrait l'exigence relative aux « nageoires naturellement attachées au corps » à tous les échanges commerciaux de requins et de raies dans l'UE. Problématique La demande de consommation des ailerons de requin entraîne une surpêche massive des espèces qui, pour beaucoup, sont déjà menacées d'extinction. Le cas des pêcheries, qu'elles soient accidentelles ou non, est souvent le lieu de « finning », pratique économique pour les pêcheurs qui se débarrasse de la carcasse du requin pour ne garder que l'aileron. À ce jour, près des trois-quarts des populations mondiales de raies et de requins sont menacés d'extinction, principalement en raison de la surpêche. Certaines études mettent en évidence que le nombre de requins tués chaque année dans le monde oscille entre 63 et 273 millions d'individus. Protection du requin par la France En vertu de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) de Bonn, la France s'est engagée à appliquer une protection stricte pour 5 espèces de requins sur son territoire (requin longimane, requin pèlerin, requin-ange, grand requin blanc et le requin-baleine). Dans le cadre de cette même convention le pays s'est également engagé à une coopération internationale étroite portant sur 18 espèces de requins migratrices (requin-baleine, grand requin blanc, requin taupe bleu dit mako, petit requin taupe, requin-taupe commun, requin pèlerin, requin-renard pélagique, requin-renard à gros yeux, requin-renard commun, requin-hâ, requin soyeux, requin requiem de sable, requin bleu, requin-ange, requin-marteau halicorne, grand requin-marteau, requin-marteau commun et le requin épineux). CITES La France, partie à la CITES, réglemente également le commerce international de 14 espèces de requins inscrites à l'annexe II de la convention (requin pèlerin, requin baleine, grand requin blanc, requin marteau halicorne, grand requin marteau, requin marteau lisse, requin océanique, requin taupe commun, requin soyeux, requin renard, requin mako ou requin taupe bleu, petit requin taupe). Mémorandum d'Entente sur la conservation des requins migrateur. À noter que la France est également signataire du Mémorandum d'entente sur la conservation des requins migrateurs, outil juridique non-contraignant mais qui vise notamment à garantir un état de conservation favorable pour les requins migrateurs sur la base des meilleures informations scientifiques disponibles. Enfin, les conventions de mers régionales (Convention OSPAR, Convention de Barcelone) et la convention de Berne de 1979 engagent les Etats à mettre en place des mesures de protection et de gestion durable des espèces de requins classées dans leurs annexes respectives. Au niveau européen La France a soutenu l'élaboration d'un plan d'actions en faveur de la conservation et la gestion des requins de la Commission européenne et la révision du règlement pour l'interdiction du finning. En application du règlement européen annuel établissant les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l'Union et, pour les navires de pêche de l'Union, dans certaines eaux n'appartenant pas à l'Union, la France publie un document récapitulant la réglementation en vigueur relative à la pêche et à la commercialisation des requins et des raies. Au niveau national Les documents stratégiques de façade sont mis en œuvre à l'échelle des 4 façades maritimes de France métropolitaine et comportent trois actions en faveur des élasmobranches, elles-mêmes divisées en sous-actions. Afin de respecter ces différents engagements, les services du ministère de transition écologique préparent actuellement un projet d'arrêté national fixant la liste des poissons marins (dont les élasmobranches) protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection. Cet arrêté prévoit notamment l'interdiction du commerce de tout ou partie des espèces visées au niveau national, et reprend plus largement les dispositions prévues dans les différentes conventions internationales. À ce stade, 38 espèces d'élasmobranches seront incluses dans ce nouvel arrêté. Le travail de consolidation des listes des espèces à protéger sera effectué ensuite pour l'Outre-mer. Toutefois, l'interdiction de commerce de ces espèces aura une portée de niveau national et prendra donc effet dès l'adoption de l'arrêté initial poissons marins, prévue pour courant 2022 après large consultation (notamment de la DG-AMPA). Au niveau outre-mer En Polynésie française, depuis 2012, tous les élasmobranches sans exception figurent parmi les espèces protégées de la collectivité. Ils ne peuvent être pêchés, détenus, commercialisés, mis en vente, vendus ou achetés, importés ou exportés, ou encore nourris. De fait, la Polynésie française constitue aujourd'hui le plus grand sanctuaire de requins du monde. Quant à la Nouvelle-Calédonie, son gouvernement a décidé, en 2013, de protéger les requins dans sa zone économique exclusive, ses eaux territoriales et intérieures, ses îles et îlots. Sont interdits sauf dérogation accordée à des fins scientifiques ou dans le but de reconstitution de stock ou de leur mise en élevage : la pêche, la capture, la détention, la découpe, le transport, la commercialisation, l'exposition à la vente, la vente, l'achat et l'exportation (y compris les articles de bijouterie), la découpe d'ailerons, la perturbation intentionnelle et le nourrissage des élasmobranches. À la Réunion, les attaques récurrentes de requins sur l'homme ont conduit les autorités locales à prendre, en guise de catharsis, des arrêtés autorisant la destruction des squales. Ces textes ont été portés devant le juge administratif par des associations de protection de l'environnement qui ont obtenu la suspension partielle de deux d'entre eux en raison de la mise en cause de l'intégrité de la Réserve naturelle nationale marine de La Réunion dans laquelle les prélèvements étaient autorisés.

Données clés

Auteur : Mme Typhanie Degois

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Mer

Ministère répondant : Mer

Dates :
Question publiée le 15 mars 2022
Réponse publiée le 3 mai 2022

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