Reconnaissance de l'épuisement professionnel en tant que maladie professionnelle
Publication de la réponse au Journal Officiel du 26 mars 2019, page 2801
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la reconnaissance de l'épuisement professionnel en tant que maladie professionnelle. En 1959, le psychiatre Claude Veil a introduit dans le champ médical la notion d'épuisement professionnel. Le syndrome d'épuisement professionnel, ou burn out, est apparu dans les années 1970 suite aux travaux du psychiatre et psychothérapeute Herbert Freudenberger. Sa définition initiale décrivait l'état d'épuisement physique et psychologique des professionnels de santé confrontés à des surcharges de travail et à une souffrance consécutives à un investissement professionnel intense. Il est indéniable que la causalité entre le milieu professionnel et la maladie psychique est complexe à établir au regard de la multiplicité de ses dimensions, juridique, économique, sociale et médicale. Le burn out est effectivement la conséquence de combinaisons de plusieurs facteurs, la dégradation des conditions de travail étant un déclencheur majeur. Cependant, force est de constater que la réaction face à cette situation diverge d'un individu à l'autre. La financiarisation et la mondialisation ont une grande part de responsabilités dans l'évolution des milieux professionnels avec pour conséquence des pressions incessantes sur les différents corps de métier. Si les premiers patients affectés chronologiquement recensés furent les professionnels de santé, aucun secteur n'est aujourd'hui épargné. Les fonctionnaires, les salariés du privé, cadres ou employés, les professions libérales, artisans, commerçants ou agriculteurs sont susceptibles de faire un burn out. Nonobstant l'article L. 4121-1 du code du travail qui prévoit la responsabilité de l'employeur en cas de souffrance pour un salarié ou agent public dûe à une organisation délétère du travail, il est très difficile, voire impossible de prouver la causalité. La maladie professionnelle doit être la conséquence directe des activités professionnelles habituelles. De plus, la maladie, pour être reconnue comme professionnelle, doit être répertoriée dans un des tableaux de maladies professionnelles ou être identifiée comme telle par le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles. Or les pathologies psychiques sont très peu reconnues par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Selon plusieurs avis médicaux, cette absence de reconnaissance crée un frein supplémentaire à la guérison, accentuant la dégradation psychique des personnes. Cependant, le nombre de personnes touchées par ce syndrome ne cesse de croître. Plus de 3 % des hommes actifs et plus de 1 % des femmes actives seraient touchés par un épuisement professionnel. Les effets impactent durablement la vie des personnes touchées, pouvant aller jusqu'à une fin de vie prématurée. Aussi, en parallèle des actions de prévention dont les résultats concrets, autres que des effets d'annonces ou de dédouanement, sont toujours attendus, l'épuisement professionnel doit dans un premier temps être reconnu comme une maladie, afin que cette pathologie puisse être prise en compte à sa juste hauteur. Dans un deuxième temps, cette maladie doit également figurer dans les tableaux recensant les différentes maladies professionnelles. Il lui demande quelles sont les mesures prévues afin que l'épuisement professionnel soit enfin reconnu comme maladie professionnelle.
Réponse publiée le 26 mars 2019
Les pathologies psychiques tel le syndrome d'épuisement professionnel ou burn out peuvent être reconnues d'origine professionnelle bien qu'elles ne soient pas inscrites dans les tableaux. Afin d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles, la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 a en effet instauré, en complément du système de tableaux, une procédure de reconnaissance fondée sur une expertise individuelle par des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), composés de médecins. Cette procédure intervient notamment lorsqu'il est établi qu'une maladie, non désignée dans un tableau, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % (article L. 461-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale). L'article 27 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a consacré cette voie de reconnaissance individuelle pour les pathologies psychiques. En outre, un renforcement de l'expertise médicale des CRRMP a été mis en place par le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 pour permettre le recours à des médecins psychiatres. Une reconnaissance des pathologies psychiques dans le cadre du système des tableaux de maladies professionnelles apparaît inadaptée, compte tenu de l'inadéquation des critères fixés par le législateur pour permettre une prise en charge dans le cadre de la présomption d'origine. Le rapport relatif au syndrome d'épuisement professionnel ou burn out de l'Académie nationale de médecine du 23 février 2016 fait en effet le constat que le burn out correspond actuellement à une réalité mal définie et que les nosographies médicales ne le mentionnent pas. En outre, la fixation du délai de prise en charge – correspondant au délai maximal entre la cessation d'exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie - serait également complexe à déterminer car extrêmement variable d'un individu à un autre. Enfin, aucune liste des travaux susceptibles de provoquer l'affection ne pourrait être fixée. En effet, tout salarié, quels que soient son secteur professionnel d'activité, ses fonctions ou les travaux qu'il accomplit, est susceptible d'être un jour victime d'une affection psychique. Dans le même sens, la mission parlementaire d'information relative au « syndrome d'épuisement professionnel (ou burn out) », qui a rendu son rapport le 15 février 2017, estime qu'il n'est actuellement pas possible d'élaborer un tableau de maladie professionnelle, compte tenu à la fois de l'absence de définition médicale et de la multiplicité des professions concernées. Face à ce constat, la haute autorité de santé (HAS) a été saisie, en avril 2016, afin que soient élaborées des recommandations de bonnes pratiques pour les professionnels de santé, et en particulier les médecins du travail et les médecins généralistes. La HAS a ainsi publié sur son site, le 22 mai 2017, une « fiche mémo » à destination des médecins portant sur la définition du syndrome d'épuisement professionnel, son repérage, sa prise en charge et l'accompagnement des patients lors de leur retour au travail. Par ailleurs, depuis plusieurs années, de nombreuses actions ont été menées par les pouvoirs publics, en lien avec les partenaires sociaux dans le cadre du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), pour faciliter la reconnaissance des pathologies psychiques. L'ensemble de ces mesures a permis d'améliorer la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles. Ces pathologies sont devenues les pathologies « hors tableau » les plus fréquemment reconnues par les CRRMP. 1 710 demandes de reconnaissance ont été examinées par les CRRMP en 2017, soit une augmentation de 42% par rapport à 2016. Plus de la moitié d'entre elles a donné lieu à un avis favorable. Le nombre de reconnaissance du caractère professionnel de maladies psychiques est passé de moins d'une centaine en 2011 et 2012 à 239 en 2013, 339 en 2014, 440 en 2015, 624 en 2016 et 903 en 2017. Par ailleurs, plus de 10 000 affections psychiques ont été reconnues en 2017 au titre des accidents du travail. Au-delà des avancées mentionnées en termes de réparation, la priorité absolue du Gouvernement reste le renforcement de la prévention. A cet égard, des actions sont menées depuis plusieurs années, tant par le ministère du travail que par l'Assurance maladie. Le plan santé au travail 3 (PST3) pour 2016-2020 identifie la prévention des risques psychosociaux comme un objectif prioritaire et prévoit à ce titre des actions spécifiques sur le sujet, telles que des campagnes de communication, des outils à destination des PME/TPE ou encore le développement d'une offre de service régionale et nationale commune aux différents acteurs.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 11 mars 2019
Dates :
Question publiée le 8 août 2017
Réponse publiée le 26 mars 2019