Question écrite n° 731 :
Non-respect du droit dans l'accueil des réfugiés

15e Législature
Question signalée le 23 octobre 2017

Question de : M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise

M. Éric Coquerel alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le traitement dramatique des demandeurs d'asile dans la vallée de la Roya. Plusieurs acteurs, comme le Collectif Roya solidaire ou Amnesty International, soulignent en effet les situations de non-respect du droit par plusieurs services de police, vidéos à l'appui. Parmi ces nombreuses opérations illégales, remontent des contrôles au faciès, des détentions illégales, des expulsions sans évaluation de la demande d'asile, ou encore le non-respect du jour franc nécessaire à l'établissement d'un recours prévu par l'article L. 213-3 du CESEDA (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Le rapport d'Amnesty International du 10 février 2017, « Des contrôles aux confins des droits », confirme que ces situations ne sont pas exceptionnelles et que de nombreuses procédures sont irrégulières. Pire, plusieurs témoignages concordants font état de mineurs expulsés sans même qu'il n'y ait eu de procédure de vérification de la minorité des personnes concernées. Il s'agit d'un fait moralement et juridiquement grave qui contrevient à la directive européenne « retour », transposée dans le droit français dans le décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011. Le renvoi en Italie d'enfants est également dénoncé par l'UNICEF-France. L'association exprime « une forte inquiétude à propos des mineurs non accompagnés (MNA) qui traversent la frontière particulièrement exposés aux risques de violences, d'exploitation et de traite sur leur parcours et sont renvoyés en Italie par la police des frontières au même titre que les adultes. Sans que leur statut d'enfant à protéger soit pris en considération ». Il souhaite savoir comment le Gouvernement compte procéder afin de respecter la loi et le droit d'asile dans la vallée de la Roya. Plus globalement, il insiste sur le fait que la seule prise en charge policière et administrative de la question ne permettra pas de résorber des migrations provoquées par la déstabilisation de régions entières par des opérations militaires ou des causes économiques. Opérations dans lesquelles la France joue un rôle évident. Enfin, puisque de nombreuses initiatives citoyennes, portées notamment à destination des jeunes mineurs, font honneur au devoir d'humanité et à la devise républicaine de fraternité, il lui demande si le Gouvernement envisage de mettre fin à ce qui est appelé communément le « délit de solidarité », ainsi qu'à l'acharnement que connaissent de nombreux militants associatifs. Ou, a minima, une réécriture du CESEDA de manière à mieux protéger les activités bénévoles et associatives du « délit de solidarité » qui a frappé en août 2017 le militant Cédric Herrou.

Réponse publiée le 15 janvier 2019

Le département des Alpes-Maritimes est soumis depuis 2015 à d'importants flux migratoires en provenance d'Italie. En raison de la situation migratoire à laquelle notre pays est confronté et du niveau élevé de la menace terroriste, il a été décidé, le 13 novembre 2015, de rétablir le contrôle aux frontières intérieures. Ce rétablissement, prolongé depuis lors, est aujourd'hui entré en vigueur jusqu'au 30 avril 2019. Les raisons pour lesquelles une décision de non-admission est prise à l'encontre d'un ressortissant étranger se présentant à la frontière peuvent être plurielles. Il s'agit surtout du défaut de passeport ou de visa d'entrée ou d'une menace pour l'ordre public. Comme le dispose l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), tout refus d'entrée en France fait l'objet d'une décision écrite et motivée, notifiée à l'intéressé, et comprenant ses droits. L'effectivité des droits et libertés, essentielle, est ainsi respectée. Les étrangers souhaitant contester des décisions de non-admission ou des obligations de quitter le territoire français ont la possibilité d'introduire des recours devant les juridictions compétentes. L'intervention des forces de l'ordre est ainsi parfaitement respectueuse du droit. Par ailleurs, s'agissant du jour franc mentionné à l'article L. 213-3 du CESEDA, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux étrangers qui arrivent en France par voie aérienne, maritime ou ferroviaire. Les personnes arrivant par la voie terrestre ne peuvent donc se prévaloir desdites dispositions du CESEDA. En tout état de cause, tout étranger déjà présent sur le territoire français peut demander l'asile auprès d'une plate-forme d'accueil de demandeurs d'asile. La demande d'asile enregistrée dans le département des Alpes-Maritimes a du reste augmenté de 45 % entre 2016 et 2017. En outre, s'agissant des personnes appréhendées lors des contrôles réalisés à la frontière, les forces de l'ordre apprécient tout d'abord leur état de vulnérabilité. Ainsi, même si leur admission en France est refusée, les services de l'Etat conduisent les plus vulnérables à l'hôpital (femmes enceintes ou mineurs de très jeune âge et seuls). Aussi, dans les Hautes-Alpes, les secours emmènent régulièrement des étrangers à l'hôpital de Briançon lorsque leur état de santé l'impose. Sur la question plus particulière des mineurs non accompagnés, les services de l'Etat remettent ceux-ci aux services du conseil départemental des Alpes-Maritimes qui prennent en charge les personnes alléguant de leur minorité, qui entrent dans le dispositif de mise à l'abri dans l'attente d'une évaluation ou sont placées sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance. En 2017, sur l'ensemble du territoire, 54 000 personnes ont ainsi fait l'objet d'une telle évaluation, dont 17 000 ont été évaluées mineures, un chiffre qui a triplé depuis 2014. En somme, partout sur le territoire, il est demandé aux services de l'Etat et aux forces de l'ordre d'agir avec discernement. Par sa décision du 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a estimé qu'en réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour de l'étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Tirant les conséquences de cette décision, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a réformé ces dispositions inscrites à l'article L. 622-4 du CESEDA. Désormais, l'aide au séjour irrégulier ou celle à la circulation d'un étranger ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales lorsqu'elles sont réalisées dans un but exclusivement humanitaire en vertu du principe de valeur constitutionnelle de fraternité. En revanche, en application du premier alinéa de l'article L. 622-1 du CESEDA, le fait d'aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France reste puni de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4 du même code. Fidèle aux orientations arrêtées par le Président de la République, ce nouveau régime juridique poursuit deux objectifs : faire échec aux stratégies consistant à faciliter l'entrée, la circulation et le séjour des étrangers en situation irrégulière et exclure des poursuites les actions d'aides proportionnées et désintéressées dans un but exclusivement humanitaire.

Données clés

Auteur : M. Éric Coquerel

Type de question : Question écrite

Rubrique : Réfugiés et apatrides

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 23 octobre 2017

Dates :
Question publiée le 15 août 2017
Réponse publiée le 15 janvier 2019

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