Aide publique au développement dans le bassin de l'océan indien
Question de :
Mme Ericka Bareigts
Réunion (1re circonscription) - Nouvelle Gauche
Mme Ericka Bareigts attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la baisse de l'aide publique au développement (APD) annoncée le 11 juillet 2017 par le ministre de l'action et des comptes publics. L'île de La Réunion et Mayotte font partie d'un bassin océanique où les relations économiques, humaines et culturelles sont riches et importantes. Les relations de solidarité en font pleinement partie : la France se doit de soutenir et amplifier le développement de ses voisins que sont Madagascar, les Comores, le Mozambique ou le Kenya par exemple. Les flux migratoires particulièrement importants des Comores et Madagascar vers Mayotte trouvent d'ailleurs leur origine dans la situation de grande pauvreté dans laquelle se trouvent ces deux pays : il est nécessaire d'aider ces pays à se développer, à assurer des soins et une éducation à leurs populations. Elle lui demande de maintenir un haut niveau d'engagement en matière d'APD au sein du bassin de l'océan indien, ce qui correspond d'ailleurs à l'objectif de l'Agence française de développement (AFD) d'engager 50 % de ses sommes à l'étranger en Afrique.
Réponse publiée le 27 février 2018
La France attache une grande importance aux partenariats qu'elle entretient avec les pays de l'Océan indien. Ces pays sont nos voisins, à travers les territoires de Mayotte et de l'île de la Réunion. Cette attention se traduit dans les efforts d'aide publique au développement (APD) alloués à ces pays, avec une attention particulière portée aux pays les moins avancés. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 30 novembre 2016 a confirmé l'objectif de concentrer 75 % de l'effort financier de l'Etat en subventions et en prêts à l'Afrique et au Moyen-Orient. Il a confirmé aussi l'appartenance de Madagascar et des Comores à la nouvelle liste des 17 pays prioritaires de l'aide française, vers lesquels doivent se concentrer au minimum la moitié des subventions de l'Etat et les deux tiers de celles mises en œuvre par l'AFD. En second lieu, la France s'autorise une dérogation partielle à la "doctrine Lagarde" (alors que celle-ci interdit normalement d'allouer des prêts souverains aux pays considérés par le FMI comme à risque élevé ou modéré de surendettement, la France s'autorise à continuer à prêter à ses pays prioritaires même s'ils sont en risque de surendettement modéré. Les dérogations se font au cas par cas) en matière de politique soutenable de prêts. A titre d'exemple, Madagascar a bénéficié d'un effort particulier sur deux ans en matière d'APD, cette dernière étant passée de 49,16 millions d'euros en 2014 à 89,64 millions d'euros en 2015. L'APD bilatérale allouée au Mozambique a, en outre, plus que doublé entre 2013 (24.65 millions d'euros) et 2014 (54.26 millions d'euros), pour se stabiliser à 54,22 millions d'euros en 2015. Dans son action bilatérale avec ces pays, la France est également sensible au lien unissant migrations et développement. C'est le cas, en particulier avec les Comores où ont été mis en place plusieurs programmes de co-développement associant la diaspora comorienne. Cette dernière (environ 200 000 personnes en territoire métropolitain, soit près d'1/4 de la population comorienne), subvient d'une façon importante aux besoins primaires de la population par les transferts d'argent. Les migrants envoient une part importante de leur épargne pour un montant estimé à environ 150 millions d'euros en 2016 (FMI 2016). Représentant environ un quart du PIB du pays (26,9 % en 2016, FMI), ces envois d'argent placent l'Union des Comores au deuxième rang des pays bénéficiaires sur le continent africain. Ces flux ont le potentiel de contribuer fortement au développement local s'ils sont bien orientés. Deux programmes successifs de co-développement ont été mis en place afin de contribuer en partie à la réorientation de l'épargne des migrants vers des projets de développement local et de renforcer les capacités des associations de migrants comoriens (associations souvent faiblement qualifiées) à mettre en place des projets de développement à vocation productive, éducative ou sociale dans leurs villages d'origine. Ils ont également valorisé l'expertise de cadres de la diaspora, mobilisés dans le cadre de ces projets, au bénéfice d'une mise en œuvre améliorée. Le premier programme de co-développement avec l'Union des Comores, (PCUC, 2006-2010), doté de 2 millions d'euros, a permis de financer 48 projets structurants, dont les retombées ont bénéficié à près de 165 000 personnes, soit un quart de la population des Comores (amélioration de l'économie des familles touchées, contribution à la stabilisation des populations, en particulier des jeunes). Fort de ce succès, un nouveau "Programme franco-comorien de co-développement" (PFCC), a été lancé pour la période 2013-2016 d'un montant initial de 2 millions d'euros (1,73 millions d'euros effectivement engagés/décaissés). A ces programmes ont succédé un "Programme innovant pour la société civile et les coalitions d'acteurs" (PISCCA) ainsi qu'un projet d'appui à l'enseignement supérieur en sciences et technologies financé via le fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) pour un montant de 240.000 euros chacun sur la période 2018-2020. Le projet PISCCA permet d'apporter une réponse rapide et ciblée à des besoins dans des secteurs variés (économie, humain, environnement). En outre, il a été convenu lors du 5ème H.C.P, le 12 septembre 2017, que l'aide bilatérale serait approfondie de manière substantielle, plus visible et inclusive pour les populations. Il a été convenu de réunir d'ici la fin de l'année, une Commission mixte à Moroni, pour traiter ce point. Dans le cadre de l'APD transitant par le canal multilatéral, Madagascar, les Comores et le Mozambique bénéficient également d'une attention particulière du fait de leur appartenance à la catégorie des PMA. La France plaide dans les enceintes internationales pour que les PMA soient reconnus comme une catégorie prioritaire dans le cadre de la mise en œuvre du programme d'action d'Addis Abeba et de l'agenda 2030, avec une allocation prioritaire à leur endroit des moyens les plus concessionnels de l'APD. De manière générale, le Président de la République s'est engagé à allouer 0,55 % du RNB à l'APD d'ici 2022, ce qui devrait se traduire par une augmentation substantielle de l'aide sur la période 2019-2022. Le bassin de l'Océan indien bénéficiera naturellement de cette hausse générale du niveau d'APD.
Auteur : Mme Ericka Bareigts
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 5 septembre 2017
Réponse publiée le 27 février 2018