limitation de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires
Question de :
Mme Emmanuelle Anthoine
Drôme (4e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 27 juin 2018
LIMITATION DE LA VITESSE MAXIMALE AUTORISÉE SUR LES ROUTES SECONDAIRES
M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour le groupe Les Républicains.
Mme Emmanuelle Anthoine. Monsieur le Premier ministre, le 9 janvier dernier, vous avez pris la décision d'abaisser la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires. (Exclamations sur divers bancs.) Depuis, les Français ne décolèrent pas. Un récent sondage a montré que les trois quarts d'entre eux sont profondément opposés à cette mesure, imposée, selon leurs termes, « sans discernement »…
M. Jean-Louis Bourlanges. Avec discernement !
Mme Emmanuelle Anthoine. …par « la France d'en haut ». Et nous ne pouvons que les comprendre. C'est d'ailleurs ce que s'est efforcé de faire votre ministre en charge de la sécurité routière, qui a exprimé publiquement ses doutes. Alors, monsieur le Premier ministre, puisque vous ne faites pas confiance aux territoires, de grâce, écoutez votre ministre !
Une fois de plus, vous méprisez l'intelligence du terrain – une faute d'autant plus grave que ce sont les acteurs locaux qui sont les mieux à même de conduire la lutte contre la mortalité routière. Ils savent, par expérience, qu'il vaut mieux cibler les tronçons accidentogènes, entretenir et sécuriser les routes, faire de la prévention, plutôt que de changer tous les deux ans les panneaux de signalisation suite à l'expérimentation que vous allez mener.
Inspirons-nous du modèle suédois, qui part de l'analyse du terrain pour adapter la vitesse à chaque route et n'hésite pas à relever la limitation de vitesse si cela peut sauver des vies.
Avec le groupe Les Républicains, nous avons présenté une proposition de loi redonnant la main aux acteurs de terrain. Or votre majorité l'a rejetée, sans même que le débat ait lieu. Vous avez confisqué ce débat. C'est inadmissible ! Vous faites donc encore le choix d'imposer cette mesure qui pénalisera chaque jour, dès dimanche prochain, non seulement les habitants des territoires ruraux,…
M. Fabien Di Filippo. C'est honteux !
Mme Emmanuelle Anthoine. …mais aussi l'ensemble des Français, qui paieront la facture.
M. Pierre Cordier. Eh oui !
Mme Emmanuelle Anthoine. Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin faire confiance au terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes NG et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Daniel Fasquelle. Le Premier ministre n'assume pas !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Madame la députée, j'ai été maire pendant seize ans…
M. Christian Hutin. Maire socialiste !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . …et, de mon expérience d'élu, je peux vous dire que l'épreuve la plus difficile à laquelle j'ai jamais été confronté est celle d'aller toquer à la porte, au petit matin, pour annoncer (Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits)…
M. André Chassaigne. C'est trop facile !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . J'imagine que ceux qui crient et huent n'ont jamais été confrontés à cela (Exclamations sur les bancs du groupe LR, sur quelques bancs des groupes NG et GDR, ainsi que parmi les députés non inscrits),…
M. Aurélien Pradié. Votre cynisme est insupportable !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . …mais c'est effectivement le fait de devoir annoncer à des parents la mort de leur enfant.
Ce que je sais, et ce que vous savez aussi, madame la députée, c'est que, dans 80 % des accidents, la vitesse est soit la cause, soit un facteur aggravant. On peut effectivement suivre la courbe des sondages et ne pas assumer cette mesure parce qu'elle est impopulaire, mais le Gouvernement fait le choix inverse : il assume cette mesure impopulaire si elle permet de sauver une vie – une vie chaque jour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo. Quelle démagogie !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . Voilà l'objectif que nous voulons atteindre : sauver une vie chaque jour grâce à l'abaissement de la vitesse.
M. Fabien Di Filippo. Pourquoi pas 70 km/h, alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . Voilà l'enjeu, madame la députée. Il s'agit non pas de satisfaire une opinion publique, mais de prendre une décision et de la mettre en œuvre.
M. Fabien Di Filippo. Vous n'avez qu'à entretenir les routes !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . Cette disposition est complétée par dix-sept autres mesures qui permettront justement de sauver chaque jour une vie – au fond, de protéger chaque jour plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de personnes du handicap ou des conséquences graves d'un accident grave.
M. Aurélien Pradié. Vous êtes d'un cynisme !
M. Vincent Descoeur. Et les accidents domestiques, alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . C'est cela qui doit nous rassembler. Il s'agit non pas de suivre l'opinion publique, mais d'avoir le courage qu'a eu Jacques Chirac, notamment, quand il a fait de la lutte contre l'insécurité routière une grande cause nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier. Tiens donc ! Chirac est votre référence, maintenant !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État . À ce moment-là, madame la députée, l'opinion publique ne l'a pas suivi, mais celles et ceux qui siègent sur vos bancs savent le nombre de vies que nous devons à son courage politique.
Je vous invite donc, madame la députée, à ne pas suivre la courbe des sondages, comme vous nous l'avez proposé, et à assumer le courage politique d'une décision qui, chaque jour, sauvera une vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
M. André Chassaigne. Votre courage politique est à géométrie variable !
Auteur : Mme Emmanuelle Anthoine
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Relations avec le Parlement
Ministère répondant : Relations avec le Parlement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 juin 2018