Question au Gouvernement n° 1049 :
avenir de la Nouvelle-Calédonie

15e Législature

Question de : M. Philippe Gomès
Nouvelle-Calédonie (2e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 27 juin 2018


AVENIR DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomès, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Philippe Gomès. Monsieur le Premier ministre, le 26 juin 1988, quelques semaines après le terrible drame d’Ouvéa, Michel Rocard, Premier ministre, déclarait : « Je veux dire [à mes compatriotes de Nouvelle-Calédonie] : reprenez espoir, une page nouvelle va pouvoir s’inscrire, non par les armes, mais par le dialogue et la tolérance, par le travail et la volonté ». Il ajoutait : « Ceux qui vous ont représentés à Paris ont fait preuve de courage et de responsabilité. Sans rien abandonner, ils ont su donner et pardonner. »

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les députés, en ce trentième anniversaire de la signature des accords de Matignon, je tiens à rendre un hommage solennel aux trois hommes d’État qui ont su réconcilier la Nouvelle-Calédonie avec elle-même et avec la France : Michel Rocard, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.)

Le 4 novembre prochain, le peuple calédonien a rendez-vous avec son histoire. Il devra décider s’il reste au sein de la République ou s’il accède à l’indépendance.

Pour ma part, je considère, comme une large majorité de Calédoniens de toutes ethnies, que l’avenir de notre pays doit continuer à s’écrire au sein du vaste espace de liberté que lui a offert la Constitution, protégé par le grand récif de la République française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) Dans cette perspective, à l’instar du chemin tracé par nos grands anciens, le dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes doit demeurer la clé de voûte du maintien de la paix et de la construction du vivre-ensemble dans notre pays.

Ma question, monsieur le Premier ministre, est donc la suivante : comment entendez-vous poursuivre le dialogue que vous avez engagé entre indépendantistes et non-indépendantistes pour affirmer solennellement le patrimoine commun des Calédoniens, indépendamment de leur opposition sur l’avenir institutionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, il y a trente ans, en effet, confrontés à une situation dramatique, ainsi qu’à des tensions anciennes qui étaient portées à leur terme et avaient abouti à cette explosion, deux hommes, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont pu se retrouver grâce à un effort réalisé à l’invitation de Michel Rocard. Ces trois hommes, tous les trois ensemble, et tous ceux qui les accompagnaient – car, au fond, ces trois figures sont des incarnations –, tous ceux qui ont participé à cette négociation et à cette redéfinition de la façon dont des Français, des Kanaks, des indépendantistes et des non-indépendantistes allaient travailler ensemble, tous ceux-là ont été à la hauteur de l’histoire, tous ceux-là ont été absolument remarquables. Je veux, monsieur le député, me joindre à vous pour dire à la fois ma reconnaissance et celle de la France, et l’admiration que nous portons à ces trois figures historiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.)

Il y a, à l’évidence – et j’ai déjà eu l’occasion de rappeler, au début de cette séance de questions, que j’étais hier en Chine –, un art de la guerre, mais il y a aussi un art de la paix. Or, l’art de la paix mis en œuvre par ces trois grandes figures historiques, et poursuivi depuis lors, repose sur une méthode : le dialogue – ininterrompu, exigeant, direct, un dialogue qui accepte l’idée qu’on ne soit pas toujours d’accord, mais qui se fonde sur l’idée que nous ne devons pas en rompre le fil, car si nous le rompions, nous perdrions l’essentiel.

La méthode envisagée par Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, et qui a été mise en œuvre depuis trente ans, est fondamentalement construite sur cette nécessité du dialogue, de petits pas. On dénigre parfois le compromis, mais en vérité, monsieur le député, comme vous le savez parfaitement, c’est parce que chacun sait qu’il détient certes une part de vérité, mais aussi qu’il ne peut construire qu’avec l’autre, que nous avons tout intérêt à faire des compromis, lesquels ne sont pas de petits compromis, de petits abandons, mais la construction commune, en Nouvelle-Calédonie, d’un nouveau modèle de société. Ce qui est en jeu, en effet, au moins autant que les questions liées à l’indépendance ou à la non-indépendance, c’est la question de la construction de la société néo-calédonienne.

Dialogue, donc, et des valeurs communes qui existent, qui sont partagées et qui font que, sur cette île lointaine et magnifique, des hommes et des femmes venus d’horizons radicalement différents et vivant des cultures radicalement différentes veulent vivre ensemble – ce qui est la définition d’un peuple.

Monsieur le député, depuis trente ans, le chemin est un beau chemin. Il n’est pas toujours facile, c’est vrai, mais c’est un beau chemin, un chemin partagé.

Le 4 novembre, les Néo-Calédoniens vont devoir prendre une décision et, à l’évidence, à mesure que nous approcherons de cette date, les tensions, les inquiétudes – les incompréhensions, peut-être – se multiplieront et nous verrons une forme d’angoisse apparaître. Nous le savons. Chacun y est prêt, d’une certaine façon.

Il faut que la question soit posée – elle était prévue dans les accords – et qu’elle soit tranchée, mais il faut aussi que, derrière cette question mécaniquement binaire du « oui » ou du « non », nous ayons tous conscience de l’intérêt de la méthode, des valeurs partagées et, au fond, de cet héritage commun, de cette coutume – ou, plus exactement, de cet usage devenu coutume – du travail en commun, dans le dialogue, avec l’envie de construire la paix.

C’est une très grande responsabilité qui est devant le peuple de Nouvelle-Calédonie, car ce qui est fait aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie n’a jamais été fait sur aucun territoire français et n’est pas réalisé ailleurs. C’est quelque chose d’unique, d’admirable. À nous tous, monsieur le député, d’être à la hauteur de nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

M. Philippe Gosselin. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Philippe Gomès

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 juin 2018

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