affectation des fonctionnaires dans les outre-mer
Question de :
M. Jean-Philippe Nilor
Martinique (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 28 juin 2018
AFFECTATION DES FONCTIONNAIRES DANS LES OUTRE-MER
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, Audrey, une enseignante vacataire martiniquaise de vingt-cinq ans, vient d'obtenir son CAPES – certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du secondaire. Elle est par ailleurs responsable d'un grand ballet regroupant une centaine d'enfants à qui elle dispense bénévolement des cours de soutien scolaire. Elle a pourtant reçu l'injonction de quitter son académie d'origine pour rejoindre Versailles à la rentrée prochaine – et certainement pas pour y mener une vie de château ! C'est malheureusement ce que vivent chaque année nos lauréats des concours : pour eux, la quête d'une titularisation se transforme en un déracinement vécu comme une sanction, qui les affecte sur les plans financier, familial et humain.
Vous me répondrez qu'il s'agit de concours nationaux et qu'une mission a été confiée à ce sujet au président de la délégation aux outre-mer. Soit, mais quel paradoxe ! D'un côté, nos territoires subissent des suppressions de postes drastiques, aggravant les difficultés de nos élèves et imposant l'exil à nos lauréats.
M. Éric Straumann. Ce n'est pas le cas uniquement chez vous !
M. Jean-Philippe Nilor. De l'autre côté, nos académies accueillent chaque année bon nombre d'enseignants non originaires. Il est donc indispensable, à terme, d'adopter des dispositions dérogatoires et expérimentales, notamment afin de renforcer la prise en compte des intérêts matériels et moraux, et de donner la priorité au recrutement régional.
Au-delà des tragédies individuelles que j'ai évoquées, l'insularité, l'éloignement, le chômage endémique, le vieillissement démographique et surtout la perte sèche d'habitants – 4 500 par an rien que pour la Martinique – doivent être pris en compte. Outre les suppressions de postes et la liquidation des contrats aidés, nous n'en pouvons plus de voir nos pays se vider de leurs forces vives par vagues successives !
Monsieur le ministre, les syndicats, les enseignants, les parents et toute la communauté scolaire sont déjà mobilisés. Au nom d'Audrey et de tous les autres, je vous demande quelles mesures concrètes, équitables et immédiates vous entendez prendre pour mettre fin à cette saignée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe NG.)
Mme Caroline Fiat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Nilor, je suis très sensible à cette question très importante, d'autant que je connais les situations humaines que vous évoquez – ayant été, comme vous le savez, recteur outre-mer, je vois parfaitement de quoi vous parlez. Il faut considérer cette question à la fois sous l'angle de notre institution, qui est nationale, sous l'angle des intérêts des personnes concernées et sous l'angle de l'intérêt des élèves.
En premier lieu, je tiens à souligner qu'une attention particulière est portée aux territoires d’outre-mer dans la préparation de la rentrée. Vous avez eu raison de rappeler les problèmes démographiques bien réels que connaissent ces territoires. Je signale cependant que nous n'avons pas vraiment réduit le nombre de postes puisque la Martinique aura le taux d'encadrement le plus favorable de France à la rentrée prochaine. Nous portons donc vraiment une attention particulière aux territoires d’outre-mer.
En second lieu, du point de vue des personnels, le problème que vous évoquez a toujours existé car les concours sont nationaux. Comme vous le savez, nous prenons en compte, dans l'examen des vœux d'affectation, le centre des intérêts matériels et moraux des personnels concernés, en bonifiant le nombre de points qui leur sont attribués. J'ai demandé qu'une attention particulière soit portée à ce critère cette année, ce qui a permis de porter le taux de satisfaction des demandes à 77 % pour les territoires d’outre-mer, alors qu'il n'est que de 40 % à l'échelle nationale.
Nous devons continuer à prendre en compte la question, tout en respectant les grands principes de fonctionnement du service public. Le député Olivier Serva sera chargé d'une mission afin d'examiner comment nous pouvons progresser, non seulement dans l'intérêt des personnels mais aussi dans celui des élèves. Car les deux coïncident généralement : le bien-être des enseignants est aussi favorable aux élèves. Je resterai donc très attentif. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Jean-Philippe Nilor
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 juin 2018