déclaration du Président de la République devant le congrès du Parlement
Question de :
Mme Virginie Duby-Muller
Haute-Savoie (4e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 juillet 2018
DÉCLARATION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEVANT LE CONGRÈS DU PARLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le Premier ministre, hier, par esprit républicain, j'étais présente à Versailles. Si l'article 18 de notre Constitution autorise le Président de la République à prendre la parole devant le Congrès, l'esprit du texte réserve clairement cette intervention aux circonstances graves et particulières.
M. Charles de la Verpillière et M. Marc Le Fur . Très bien !
Mme Virginie Duby-Muller. Pourtant, hier, nous avons assisté à un exercice bavard : un Président de la République qui réalise son bilan de compétences devant sa majorité, sommée d'applaudir à chaque paragraphe,… (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, NG, FI et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno Millienne. Ce que vous dites est honteux ! Taisez-vous donc !
Mme Virginie Duby-Muller. …et tâche de rassembler ses forces et de remonter dans les sondages en taclant « en même temps » François Hollande sur la taxe à 75 % – alors même qu'il était son secrétaire général adjoint à l'Élysée à l'époque – et en comparant les plateformes de débarquements pour les migrants à des « déportations » dans des « camps ». Cette comparaison est indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Plusieurs députés du groupe LR . Honteux !
Mme Virginie Duby-Muller. Hier, nous attendions des annonces concrètes, et nous avons été déçus. Le Président de la République a osé parler d'« engagements tenus » alors même que la liste de ses renoncements ne cesse de s'allonger.
Qu'en est-il du plan pauvreté, repoussé au mois de septembre pour cause de match de foot ? (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Le plan dépendance ? Repoussé en 2019 pour des concertations, tandis que nos EHPAD se meurent.
La réduction de la dépense publique ? Repoussée à la fin de l'année, car le rapport du Comité d'action publique 2022 – dit « CAP 22 » – vous dérange, alors même que nous sommes le seul pays de la zone euro dont la dette publique continue d'augmenter. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Erwan Balanant. C'est sûr qu'avec vous, elle n'a pas augmenté !
Mme Virginie Duby-Muller. La laïcité ? Circulez, il n'y a rien à voir. C'est finalement un discours-fleuve pour masquer ce que le Président ne fait pas. À près de 300 000 euros le Congrès, ça fait cher la mise en scène.
M. Bruno Millienne. Quelle est la question ?
Mme Virginie Duby-Muller. En convoquant ainsi le Congrès chaque année, Emmanuel Macron continue d'accessoiriser votre fonction, monsieur le Premier ministre. Vous êtes pourtant l'interlocuteur naturel et constitutionnel du Parlement.
Monsieur le Premier ministre, devrons-nous subir chaque année le même exercice narcissique du Président de la République, alors même que nos concitoyens perdent patience et que leur pouvoir d'achat recule ?
Par-delà les incantations, quand allez-vous enfin prendre en compte les préoccupations des Français ? Quand descendrez-vous de Jupiter pour revenir sur Terre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe NG.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, vous m'interrogez sur le discours prononcé par le Président de la République hier à Versailles, devant le Parlement rassemblé en Congrès, en application des dispositions de l'article 18 de la Constitution.
M. Erwan Balanant. Dont la droite est à l'origine !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous semblez vous étonner et vous offusquer du fait que le Président de la République fasse usage d'un pouvoir constitutionnel, qui d'ailleurs lui a été ouvert par une révision constitutionnelle votée en 2008, comme vous le savez. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier, M. Olivier Marleix et M. Aurélien Pradié . Ce n'est pas l'esprit de la disposition !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Monsieur le président, j'attends le retour au calme.
M. Christian Jacob. Souffrez que l'on vous interrompe, monsieur le Premier ministre !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Monsieur Jacob, nous vous avons entendu hier éructer à la tribune. Souffrez que je réponde tranquillement aujourd'hui. Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous êtes souvent d'une très grande nervosité – vous montez dans les tours, comme on dit. Moi, je tâche de répondre calmement. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Christian Jacob. Vous êtes responsable devant nous ! Baissez d'un ton !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues. Seul M. le Premier ministre a la parole.
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je suis très calme, d'un calme absolu.
M. Thibault Bazin. Monsieur le président, le Premier ministre arrive en retard et se permet de dire n'importe quoi ! Il est normal que nous réagissions !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, s'il vous plaît. Si on devait interrompre les interventions à tout moment, imaginez ce qui serait advenu de celle de Mme Duby-Muller. Si un peu plus de 300 députés avaient tenté de couvrir sa voix, vous auriez été les premiers à protester. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
M. le président. Nous sommes ici pour écouter les questions et les réponses, ce à quoi je veillerai personnellement. Il en ira de même tout à l'heure pour d'autres députés, représentant d'autres sensibilités politiques.
M. Éric Diard. C'est nul!
M. Patrick Hetzel. Scandaleux ! Vous êtes là pour défendre le Parlement, monsieur le président !
M. Maxime Minot. C'est honteux !
M. Fabien Di Filippo. Le président est toujours aussi impartial !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je disais donc, madame la députée,… (Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe LR.)
M. Aurélien Pradié. Scandaleux ! Proprement scandaleux !
M. le président. Monsieur Pradié, vos vociférations n'y changeront rien. Je continuerai à veiller à ce que tous les députés puissent poser leurs questions dans cet hémicycle. Le pluralisme du débat politique en dépend. La parole est à M. le Premier ministre, pour répondre à Mme Duby-Muller.
M. Fabien Di Filippo. Ça suffit ! Il y en a marre que vous museliez l'opposition ! Vous êtes censé être impartial !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je disais donc, madame la députée, que le Président de la République, hier, dans son discours, a fixé le cap qui sera suivi par le Gouvernement.
M. Laurent Furst. Pas sur l'immigration ni les sur déficits !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Les mesures évoquées, ainsi que la cohérence dessinée et le calendrier fixé, tout cela sera mis en œuvre par le Gouvernement au cours des mois et des années à venir. Telle est la logique de nos institutions.
Tel est aussi le sens des propos tenus hier par le Président de la République, qui n'a annoncé ni tournant, ni pause, ni accélération, mais au contraire une vraie cohérence avec ce qui a été engagé et avec les engagements de campagne qu'il a pris, ainsi qu'une vraie volonté, pour la majorité parlementaire et pour le Gouvernement, d'atteindre les objectifs qu'il a fixés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
J'ai cru comprendre, dans votre question – mais je reconnais que le brouhaha l'a rendue difficilement compréhensible par moi,…
Mme Émilie Bonnivard. La faute à votre majorité !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . …et vous n'y pouvez rien (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR) – que l'exercice consistant, pour le Président de la République, à s'exprimer devant le Congrès, conformément aux dispositions de l'article 18 de la Constitution, vous semblait contestable,…
Mme Virginie Duby-Muller. Non !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Dans ce cas, j'ai mal compris et je me réjouis que, comme moi, vous considériez que la possibilité évoquée par le Président de la République de dialoguer le plus directement possible avec les parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat puisse être mise à sa disposition.
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas l'esprit de l'article 18 !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Le Président de la République respecte scrupuleusement la Constitution en quittant l'hémicycle à l'issue de son discours.
M. Fabien Di Filippo. Il vous pique votre boulot !
M. Pierre Cordier. Vous ne servez plus à rien !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous savez comme moi que la Constitution ne permet pas au Président de la République d'y demeurer et de répondre aux parlementaires qui s'expriment après lui, notamment les présidents des groupes parlementaires.
M. Thibault Bazin. Heureusement !
M. Pierre Cordier. À quoi sert le Premier ministre ?
M. Pierre-Henri Dumont. Le discours de politique générale, c'est le Premier ministre !
M. Fabien Di Filippo. Vous serez bientôt au chômage technique !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'ai cru comprendre, madame la députée, que cette possibilité, évoquée hier par le Président de la République, suscitait des interrogations, notamment parmi les membres du groupe auquel vous appartenez. Le président Jacob, hier, au Congrès, a évoqué ce sujet.
Permettez-moi de dire, madame la députée, sans aucun esprit de provocation, que j'ai parfois du mal à comprendre la logique qui prévaut parmi vous.
M. Christian Jacob. Cela ne nous a pas échappé !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'observe, madame la députée, vous qui êtes vice-présidente du groupe Les Républicains,…
M. Pierre Cordier. Dont vous étiez membre ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est vrai.
J'observe, disais-je, qu'hier, un autre vice-président du groupe Les Républicains a déposé un amendement au projet de loi de révision constitutionnelle tendant à permettre au Président de la République de répondre aux parlementaires qui s'expriment après lui au Congrès.
M. Jean-Paul Lecoq. C'est une faute !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Cet amendement, déposé par M. Abad, a curieusement été retiré juste avant d'être débattu, peut-être parce qu'il n'était pas totalement conforme ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – « Dites-le à M. Ferrand ! » sur les bancs du groupe LR.) J'en déduis, madame la députée, que les vice-présidents de votre groupe considèrent que le sujet est ouvert, ce dont je les remercie.
M. Thibault Bazin. Les attaques ad hominem, c'est scandaleux !
Auteur : Mme Virginie Duby-Muller
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juillet 2018