Question au Gouvernement n° 1113 :
affaire Benalla

15e Législature

Question de : M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 25 juillet 2018


AFFAIRE BENALLA

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.)

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, en vertu de l'article 20 de notre Constitution, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement ». Il vous aura pourtant fallu cinq jours pour daigner répondre à nos interpellations sur l'affaire Macron-Benalla.

Ce refus est-il le fruit de votre décision personnelle, ce qui en dirait long sur la considération que vous portez à notre assemblée, ou est-ce le Président de la République lui-même qui vous a formellement interdit de venir devant la représentation nationale ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Votre attitude, monsieur le Premier ministre, témoigne d'un manque de lucidité au regard des informations que les Français ont apprises sur cette affaire Macron-Benalla. Comment est-il possible qu'un « barbouze », payé par l’Élysée, ait obtenu une autorisation de port d'arme, une voiture avec gyrophare et un logement de fonction (Murmures sur quelques bancs du groupe LaREM), qu'il ait accès à la salle de commandement de la préfecture de police, à l'hémicycle de l'Assemblée nationale…

M. Maxime Minot. Eh oui !

M. Christian Jacob. …et qu'il ait été habilité secret défense ? Comment se fait-il que cet individu soit encore chargé de la réorganisation des services de sécurité du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

M. Philippe Berta. Ce n'est pas vrai !

M. Christian Jacob. Il est clair, monsieur le Premier ministre, qu'une police parallèle s'est construite au cœur de l’Élysée.

M. François Cormier-Bouligeon. Ça s'appelait le SAC et c'était sous de Gaulle !

M. Christian Jacob. Vous savez pertinemment qu'elle n'a pu se construire qu'avec la complicité et l'aval du Président de la République lui-même et la connivence de votre gouvernement. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Monsieur le Premier ministre, les Français se posent une seule question : pourquoi M. Benalla est-il à ce point protégé et privilégié par M. Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi certains députés non inscrits.)

Enfin, compte tenu du silence du Président de la République, je vous demande solennellement si, oui ou non, cet individu est en situation d'exercer des pressions sur le Président de la République française. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi certains députés non inscrits. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous m'avez interrogé, monsieur le président Jacob, sur une question qui, depuis quelques jours, suscite commentaires, énervement, interrogations. (« Indignation ! » sur les bancs du groupe LR.)

Mme Marie-Christine Dalloz. À juste titre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je suis heureux de pouvoir vous répondre.

M. Christian Jacob. Il fallait le faire avant !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je le ferai dans le calme, comme toujours, et je suis certain que, comme toujours, vous m'écouterez dans le calme aussi. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Thibault Bazin. Et vous continuez le mépris !

M. Michel Herbillon. Ce n'est vraiment pas le ton qui convient, monsieur le Premier ministre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je veux vous dire que, dans notre République, nul n'est au-dessus de la loi. Vous en êtes convaincu, j'en suis sûr, et je partage cette conviction. Mercredi soir, des images ont été révélées…

M. Thibault Bazin. L'Élysée savait avant !

M. Olivier Faure. Elles sont connues depuis le 2 mai !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …et portées à la connaissance du public, permettant d'identifier un chargé de mission qui exerce des fonctions à l’Élysée.

En moins d'une semaine (« Deux mois ! » sur les bancs du groupe LR), une enquête a été commandée par le ministre d’État, ministre de l'intérieur, à l'inspection générale de la police nationale – IGPN. Une enquête préliminaire, puis une information judiciaire ont été ouvertes par le procureur de Paris. (« Deux mois ! » sur les bancs du groupe LR.) Elles ont donné lieu à des gardes à vue et à cinq mises en examen, ainsi qu'à l'audition, notamment, du directeur de cabinet de M. le Président de la République.

M. Pierre Cordier. Pas grâce à vous !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Deux commissions d'enquête, une à l'Assemblée nationale et une autre au Sénat, ont été créées, et leurs auditions ont débuté.

M. Christian Jacob. Grâce à nos pressions !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Tout cela, monsieur le président Jacob, a été réalisé en moins d'une semaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – « Deux mois ! » sur les bancs du groupe LR.)

Compte tenu de votre expérience, qui est réelle, monsieur le président Jacob, je pense que vous savez que cette réaction administrative, judiciaire et parlementaire, dans son intensité et dans sa célérité, est rare. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.)

M. Éric Straumann. Cela fait deux mois que vous saviez !

M. Patrick Hetzel. Vous êtes hors sol !

M. Thibault Bazin. L'autosatisfaction continue !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Votre question porte sur des faits que, jeudi dernier, devant le Sénat, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement, j'ai déjà qualifiés de choquants et d'inacceptables.

M. Éric Straumann. Nous sommes d'accord !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Lorsque ces faits choquants et inacceptables ont été connus (« Le 2 mai ! » sur les bancs du groupe LR), le 2 mai, le directeur de cabinet du Président de la République a pris une décision de mise à pied. Cette décision, qui a été rendue effective, il l'a prise le 3 ou le 4 mai, c'est-à-dire immédiatement après avoir eu connaissance de l'information dont nous parlons.

M. Olivier Faure. Et l'article 40 du code de procédure pénale ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je conçois, monsieur le président Jacob, que l'on puisse, peut-être, s'interroger – comme vous semblez le faire – sur l'éventuelle proportionnalité de la décision qui a été prise. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Olivier Faure. Et l'article 40 ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Mais la célérité de la décision n'est pas contestable, et la sanction a été prise. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Guillaume Garot. Et même pas appliquée !

M. David Habib. Et l'article 40 ?

M. Fabien Di Filippo. C'est de la dissimulation !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Enfin, monsieur le président Jacob, vous suggérez que, d'une façon ou d'une autre, des pressions seraient exercées. Là encore, je veux vous dire les choses très clairement : une dérive individuelle (Exclamations sur les bancs du groupe LR), de la part de ce chargé de mission, ne fait pas une affaire d’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Les « copinages malsains » évoqués hier en commission d'enquête par le préfet de police ne font pas une affaire d’État.

Vous voulez la vérité, vous voulez la lumière : l'ensemble des procédures engagées permettront de connaître précisément l'enchaînement des faits et d'établir, le cas échéant, les responsabilités individuelles.

M. Thibault Bazin. Y compris présidentielles ? C'est un système !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Mais, pour ce faire, monsieur le président Jacob, il faut une forme de sérénité ; il faut éviter toutes les confusions. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) L'Assemblée nationale n'est pas un tribunal ; les députés ne sont ni procureurs ni juges. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Et lorsque parfois – rarement –, je les entends vociférer, je me dis qu'il est bon, pour la justice, que cette confusion ne s'installe pas. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.)

Autrement dit, monsieur le président Jacob, nul n'est au-dessus de la loi.

M. Patrick Hetzel. Vous menacez les parlementaires, maintenant ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . L'ensemble des pouvoirs – législatif, parlementaire, administratif – ont pris les décisions qui s'imposaient. La lumière sera donc faite et les conséquences seront tirées.

M. Thibault Bazin. Y compris pour Jupiter ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Le Président de la République a indiqué qu'il avait chargé le secrétaire général de l’Élysée de lui faire des propositions de réorganisation ; et si, après avoir rendu ses conclusions, l'IGPN formule elle aussi des propositions, je prendrai moi-même les mesures qui s'imposent pour éviter que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent.

M. Philippe Gosselin. Ça, c'est pour l'avenir !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. De cela, monsieur le président Jacob, je rendrai compte à l'Assemblée nationale. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement. – Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi certains députés non inscrits.)

Données clés

Auteur : M. Christian Jacob

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juillet 2018

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