diversité dans le débat démocratique
Question de :
Mme Ericka Bareigts
Réunion (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 13 septembre 2018
DIVERSITÉ DANS LE DÉBAT DÉMOCRATIQUE
Mme la présidente. La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Mme Ericka Bareigts. Madame la présidente, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre, la France est faite d'hommes et de femmes ; la France est faite de métropoles et de territoires ruraux ; la France est continentale et océanique ; la France est une et diverse.
L'hémicycle de cette assemblée a retenti de débats contradictoires, dont l'issue a profondément transformé la société française. Les aspirations profondes du peuple de France ont été portées de la rue à cet hémicycle par la diversité de la représentation nationale, ouvrant aux Françaises et aux Français des horizons que d'aucuns pensaient inimaginables. C'est le débat, c'est-à-dire la rencontre, parfois la confrontation rugueuse de la diversité des points de vue dans cet hémicycle, qui a fondé notre France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.)
Or, chacune et chacun sent que, depuis une année maintenant, le débat s'éteint et l'expression démocratique suffoque dans ce lieu qui en fut le berceau. Le débat devenu aphone, c'est la diversité de notre pays qui est devenue muette. La France des territoires ruraux, ultramarins ou périphériques est réduite au silence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.)
Aujourd'hui, des pans entiers de la population française – les retraités, les chômeurs, les familles pauvres, les personnes en situation de handicap – souffrent de votre politique et observent, démunis, le recul des services publics, le renoncement à la question environnementale, l'affaiblissement de leur pouvoir d'achat. Alors, l'espoir disparaît et l'extrémisme grandit. Mais il n'y a pas à s'étonner : quand le soleil de la démocratie est bas sur l'horizon, même les petites menaces projettent de grandes ombres. C'est au sein de cette assemblée que les grands espoirs sont nés ; c'est au sein de cette assemblée que le débat éteint fera naître le pire.
L'Assemblée nationale doit refléter cette France diverse, qui avance, qui n'a pas peur. C'est cela que je porterai, tout à l'heure, par ma candidature à la présidence de l'Assemblée nationale, au nom du groupe des députés socialistes et apparentés, seul groupe présidé par une femme dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialistes et apparentés.)
Je suis une femme, Réunionnaise. Je suis de Madagascar, d'Asie, d'Inde, de Corse et même du Béarn. Comme chacun, je suis un bout de France. Monsieur le Premier ministre, quand comprendrez-vous les attentes de nos concitoyens pour plus de justice, plus d'égalité et plus de fraternité? (Applaudissements sur les bancs des groupes Socialistes et apparentés et GDR.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, plus qu'une question, c'est une déclaration de candidature que vous venez de formuler. Vous l'avez formulée de façon évidemment talentueuse mais je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre, n'étant pas membre du corps électoral qui désignera, dans quelques minutes, le président de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je me permettrais de faire deux remarques en réponse à votre intervention. La première, c'est que vous évoquez la diversité française ; vous revendiquez la diversité française. J'ai à l'esprit cette phrase toute simple qui marque l'introduction de ce libre formidable de Fernand Braudel, L'identité de la France : « La France est diversité ». Vous avez raison, madame la députée : la France est diversité, historique, géographique, sociologique, politique, culturelle. Elle est fondamentalement diverse. Cela ne l'empêche pas, dans la bouche de Fernand Braudel, ou plus exactement sous sa plume, d'avoir une identité très forte. Cette identité très forte est profondément marquée par le débat démocratique – nous sommes ici dans le cœur du débat démocratique.
Deuxième remarque, vous avez, madame la députée, fait une description quasi crépusculaire du débat politique en France, comme s'il était interdit, comme s'il n'était plus vif, comme s'il n'était plus structuré autour d'oppositions intellectuelles et politiques extrêmement fermes. Mais pardon, madame la députée : pour être ici à chaque séance de questions au Gouvernement, je n'ai pas le sentiment que le débat soit absent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Je n'ai pas le sentiment que les forces qui, légitimement, choisissent de critiquer l'action du Gouvernement, soient empêchées de le faire – certainement pas dans cet hémicycle, et certainement pas dans la société française ! Contrairement à vous – peut-être est-ce une différence politique entre vous et moi, madame la députée –, je m'en réjouis ! Je n'ai jamais eu peur du débat : il est indispensable ! Mais je ne décris pas une France crépusculaire, une France où l'on aurait cessé de débattre, une France où le débat serait interdit.
Je pense au contraire que cette France existe, que ce débat politique est sain et que nous aurons l'occasion - ou, plus exactement, que vous aurez l'occasion -, dans quelques minutes, par un débat démocratique et par un vote démocratique, de désigner celui ou celle qui présidera à ces débats; et je suis sûr, madame la députée, que cette assemblée fera le bon choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Ericka Bareigts
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Partis et mouvements politiques
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 septembre 2018