Question au Gouvernement n° 1215 :
privatisations

15e Législature

Question de : M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 4 octobre 2018


PRIVATISATIONS

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour le groupe Socialistes et apparentés.

M. Boris Vallaud. Monsieur le Premier ministre, vous annoncez 10 milliards d'euros de privatisations au prétexte d'un soutien bien modeste à l'innovation de 250 millions d'euros. Ces privatisations sont une aberration économique et une erreur stratégique et nous voudrions vous en convaincre.

Une aberration économique, parce qu'ADP – Aéroports de Paris –, La Française des jeux et Engie ont rapporté 850 millions d'euros à l'État en 2017 et 1,4 milliard en 2016;  parce que le titre d'ADP a augmenté de 160 % au cours des cinq dernières années et que ses dividendes pourraient, à eux seuls, financer le Fonds pour l'innovation à l'horizon de cinq ans. Vous vendez des actifs qui rapportent 2,5 % pour rembourser une dette – que vous remboursez si peu –, alors que l'État emprunte à un taux inférieur à 1 % sur dix ans. Cette décision est une aberration économique, enfin, parce que, s'agissant d'ADP, vous allez devoir indemniser les actionnaires actuels à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros. Vous faites le choix du court terme et vous appauvrissez les Français en bradant leur patrimoine.

Vous faites également une erreur stratégique, s'agissant de La Française des jeux, parce que le jeu n'est pas une marchandise ordinaire. Il présente des risques d'addiction, de fraude, de blanchiment, dont un actionnaire privé, soucieux avant tout de rentabilité, ne se préoccupera jamais autant qu'un actionnaire public. Quant à ADP, il s'agit d'un service public national, aménageur, exploitant, développeur, au cœur des projets franciliens, avec CDG Express, la ligne 17 du métro du Grand Paris ou Coeur d'Orly. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

L'État ne pèsera plus sur la stratégie de l'entreprise, qui pourra choisir des investissements rémunérateurs dans le commerce, l'immobilier et à l'international, plutôt que dans le développement du transport aérien national, dont la rémunération est plus faible. Vous risquez, en outre, de porter gravement atteinte aux intérêts stratégiques d'Air France, dont Roissy est le hub européen. Voilà pourquoi il n'est quasiment aucun grand aéroport national qui ne soit propriété d'une collectivité publique. En privatisant ADP, monsieur le Premier ministre, c'est l'intérêt national qu'on atteint. Tirons ensemble les leçons des privatisations passées. Soyez le garant des intérêts stratégiques et financiers des Français. Monsieur le Premier ministre, renoncez à ces privatisations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Claude Goasguen. On n'a jamais autant privatisé que sous des gouvernements socialistes !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, vous parlez en expert…

M. Erwan Balanant. Ah oui !

M. Bruno Le Maire, ministre. …puisque le gouvernement qui a le plus privatisé au cours des vingt dernières années est un gouvernement socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Erwan Balanant. Et vous occupiez de hautes fonctions à l'Élysée, monsieur Vallaud !

M. Bruno Le Maire, ministre . Il avait privatisé pour 30 milliards d'euros et nous, nous privatisons pour 10 milliards d'euros : nous sommes « petit jeu » à côté de vous. (Mêmes mouvements.)

M. Patrick Hetzel. Vous êtes petit jeu tout court !

M. Bruno Le Maire, ministre. Mais je voudrais vous rassurer sur un certain nombre de points. Pourquoi faisons-nous ces privatisations ? Parce que nous voulons investir dans l'avenir et que nous pensons que le rôle de l'État, ce n'est pas, comme vous le dites, de toucher des dividendes et de se comporter comme un rentier, mais de prévoir l'avenir de nos enfants en finançant les innovations de rupture et les investissements dans les nouvelles technologies dont nous aurons besoin demain pour garantir notre souveraineté technologique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Ces privatisations, nous allons les faire en protégeant les intérêts de l'État et en protégeant les intérêts des citoyens.

M. David Habib. Comme pour les autoroutes !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends parfaitement votre question sur les erreurs qui ont pu être commises dans le passé. Il y aura une régulation plus stricte de la part de l'État sur ADP, comme sur l'addiction aux jeux, après les cessions d'actifs qu'avant celles-ci. Les Français seront davantage protégés.

Enfin, je veux vous dire que toutes ces décisions obéissent à une vision que nous défendons avec le Premier ministre et le Président de la République…

M. Pierre Cordier. Une vision libérale !

M. Bruno Le Maire, ministre. … de la place respective de l'État et des entreprises dans la société française. Le projet de loi PACTE, dont nous allons poursuivre l'examen dans quelques instants, nous permet justement de préciser le rôle respectif de chacun. Les entreprises sont là pour créer de la prospérité et des emplois pour les Français;  l'État, lui, est là pour assurer la protection des Français, les services publics et l'investissement dans les technologies les plus sensibles, mais certainement pas pour toucher des dividendes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Boris Vallaud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Finances publiques

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 octobre 2018

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