perquisitions visant La France Insoumise
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2018
PERQUISITIONS VISANT LA FRANCE INSOUMISE
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour le groupe La France insoumise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe FI. – Mouvements divers.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe FI s'associe au message de la représentation nationale de solidarité avec la population de l'Aude, durement meurtrie. Il exprime sa compassion à ceux qui sont aujourd'hui dans le deuil et, depuis ce micro, cette tribune, j'appelle mes amis « insoumis »…
M. Bruno Millienne. Et pas les autres ?
M. Jean-Luc Mélenchon. …de toute la région à se porter à la rescousse, pour aider ceux qui sont dans le désarroi. (Rumeurs ironiques sur les bancs du groupe LaREM.) La nature nous laisse semblables, la loi nous fait égaux et, bien sûr, la loi de l'entraide ici et l'ordre politique à cet instant.
Comme vous l'avez sans doute appris, ce matin, le procureur de circonstance que vous avez nommé après un entretien d'embauche, ayant autorisation de perquisitionner depuis vendredi dernier, a choisi de le faire ce matin à sept heures et j'ai ouvert ma porte à des gens qui tapaient précipitamment. Ils étaient armés et vêtus de gilets pare-balles car on ne sait jamais, avec moi, ce qui peut se produire. (Bruits.) Cette perquisition a été réalisée sans aucun motif d'urgence comme ce peut être le cas lorsqu'il faut faire éclater la vérité.
Car la plainte initiale date d'il y a un an, déposée par quelqu'un qui a dit elle-même que c'était une plaisanterie pour complaire à Mme Le Pen – qui ne lui avait d'ailleurs rien demandé. Or, un an et demi après, on fait une perquisition chez moi, au siège du parti, au siège du mouvement et chez neuf personnes !
M. Denis Masséglia. Ça suffit ! Laissez la justice travailler !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne me plains pas d'être perquisitionné, je me plains de cette mise en scène et du résultat concret auquel nous arrivons. (Bruits.)
La deuxième plainte concerne les comptes de la campagne pour l'élection présidentielle. C'est un véritable traquenard, ce M. Logerot, que vous avez augmenté de 57 %, ayant transformé la commission des comptes de campagne en un moyen de dénoncer les gens et de les clouer au pilori. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Voilà ce que j'ai à vous dire. Où est l'État de droit ? Je suis président d'un groupe parlementaire d'opposition et mon chef de cabinet a subi une perquisition pendant sept heures. Vous avez tous mes rendez-vous depuis deux ans, vous avez aspiré tous les fichiers du mouvement La France insoumise et tous ceux du parti de gauche sans nous ayons signé un seul procès-verbal. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Collègues, êtes-vous devenus déraisonnables ? Voyez-vous ce que cela veut dire ? Vous sentez-vous solidaires de procédés pareils ? (Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous en êtes à hurler, maintenant… Mais vous ne vous rendez plus compte ! (Applaudissements sur les bancs des groupe FI et LR ainsi que parmi les députés non-inscrits.) Ce n'est plus de la justice,...
M. Pierre Henriet. Vive l'indépendance de l'autorité judiciaire !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...ce n'est plus de la police. Voici ma question : pour quels motifs infamants prétendez-vous nous poursuivre ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Michel Castellani applaudit – Bruit –M. Jean-Luc Melenchon poursuit son intervention dans un grand brouhaha après que le micro lui a été coupé)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Mélenchon, je perçois dans votre question une émotion et une colère que je crois pouvoir comprendre. Il s'agit de l'émotion et de la colère d'un citoyen – en l'occurrence un responsable politique – de bonne foi, car je crois à votre bonne foi par construction et peut-être même, aussi, par conviction, citoyen qui se trouve confronté à une procédure judiciaire.
Vous n'êtes pas le premier, monsieur le président Mélenchon,…
M. Alexis Corbière. Et l'affaire Benalla ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …à éprouver cette émotion et à ressentir cette colère, confronté de bonne foi, j'y insiste, à une procédure judiciaire et vous le savez. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Marie-Christine Dalloz. Réplique prévisible.
M. Marc Le Fur. Et Benalla ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Et j'entends souligner, monsieur le président Mélenchon, avec le plus grand calme, qu'il y a, dans votre question, quelque inexactitude et un désaccord fondamental. Une inexactitude, d'abord, dont je crois que vous la reconnaîtrez bien volontiers : la perquisition réalisée ce matin n'a pas été demandée par un procureur que j'aurais « nommé après un entretien préalable ». Le procureur de Paris a été nommé bien avant que je sois moi-même nommé Premier ministre et vous le savez parfaitement. Un désaccord profond, ensuite : il m'appartient, parce que je suis Premier ministre, parce que je suis respectueux de la loi et du texte constitutionnel, de faire prévaloir en toutes circonstances l'indépendance de la justice (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), indépendance grâce à laquelle il n'y a aucune instruction individuelle donnée au procureur.
Mme Danièle Obono. C'est vous qui dirigez le Parquet !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Les décisions du procureur – en l'occurrence celle dont il est ici question – sont soumises au contrôle d'un juge des libertés et de la détention qui est un magistrat du siège et qui est bien sûr parfaitement indépendant.
Il ne m'appartient pas, monsieur le président Mélenchon, il n'appartient d'ailleurs en vérité à aucun d'entre nous de remettre en cause le texte constitutionnel et le principe fondamental de l'indépendance de la justice. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.) Si vous voulez porter le débat sur l'indépendance de la justice sur le terrain politique, convenons-en, ce sera un débat politique. Mais dans l'accomplissement des procédures judiciaires… (« Et Benalla ? » sur les bancs du groupe FI) Je le dis, mesdames et messieurs les députés, avec le plus grand calme : dans l'accomplissement des procédures judiciaires, la justice est évidemment indépendante et il nous appartient de faire prévaloir ce principe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 2018