Question au Gouvernement n° 1266 :
perquisitions visant La France Insoumise

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 18 octobre 2018


PERQUISITIONS VISANT LA FRANCE INSOUMISE

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour le groupe La France insoumise.

M. Alexis Corbière. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui, hier matin encore, était ministre de l'intérieur. Nous ne réclamons aucune faveur.

M. Bruno Millienne. Ah bon ?

M. Erwan Balanant. Si !

M. Alexis Corbière. Nous voulons la justice. Hier, le mouvement La France insoumise a été traité comme s'il était une association de malfaiteurs. Contre nous, une centaine de fonctionnaires de police a été mobilisée, pour mener une quinzaine de perquisitions.

M. Bruno Millienne. Une centaine ? Vous n'exagérez pas un peu ?

M. Erwan Balanant. Peut-être connaît-on vos pratiques !

M. le président. Chers collègues, seul M. Corbière a la parole.

M. Alexis Corbière. Dix heures de perquisition : pourquoi ? Des données personnelles, des photos de vacances et des agendas saisis : pourquoi ? Au nom de quelle urgence ? Qui a décidé qu'un dispositif si disproportionné soit déployé ?

Mme Agnès Thill. La justice !

M. Alexis Corbière. Aucune organisation politique – aucune ! – n'a eu a subir cela,…

M. Ludovic Pajot. Si, la nôtre !

M. Alexis Corbière. …moins encore dans le cadre d'une simple enquête préliminaire, qui – je tiens à le rappeler – n'est pas diligentée par un juge d'instruction indépendant, mais par un procureur placé sous l'autorité du ministre de la justice.

Pourquoi ? Nos comptes de campagne ? Depuis le 8 juin 2018, nous en avons demandé un réexamen exhaustif – sans réponse. Les assistants au Parlement européen ? En trois ans, pourquoi ne pas les avoir convoqués afin de vérifier la réalité de leur travail ?

M. Erwan Balanant. Ça va venir !

M. Alexis Corbière. Après des heures de perquisition dans nos locaux, aucun procès-verbal n'a été présenté à la signature de nos responsables. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Mme Agnès Thill. Et quoi encore ?

M. Alexis Corbière. Qui peut accepter que l'on saisisse des fichiers de sympathisants et de militants hors de tout cadre légal ? Nous réclamons justice. C'est une question de principe, pour tous – y compris pour vous !

Nous constatons que le procureur de Paris n'a même pas envisagé d'ouvrir une enquête préliminaire sur les comptes de campagne de La République en marche. Ni les locaux de cette formation, ni le domicile personnel de son président – actuel ministre de l'intérieur – n'ont été perquisitionnés. Et je ne rappellerai pas la vraie-fausse perquisition du domicile de M. Benalla.

Monsieur le Premier ministre, est-ce l'État de droit que celui-là ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Faucillon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, hier à la même heure, le président du groupe parlementaire dont vous êtes membre, M. Mélenchon, m'interrogeait sur les mêmes faits, en posant une question allant, au fond, dans le même sens que la vôtre. Je lui répondais avec un grand calme, me semble-t-il, et beaucoup de précision, indiquant combien j'étais personnellement, politiquement et fonctionnellement – en tant que chef de gouvernement – attaché à l'indépendance de la justice.

Vous m'interrogez aujourd'hui en me posant fondamentalement la même question – sur un ton calme, je vous en donne acte. Il se trouve que, depuis hier, j'ai vu des images dont je dois dire, monsieur le député, qu'elles m'ont choqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.)

M. Erwan Balanant. Nous aussi !

M. Jean-Luc Mélenchon et Mme Caroline Fiat . Et nous donc !

M. Bruno Millienne. Honteux !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je ne me départis jamais d'une certaine forme de mesure lorsque je m'exprime, mais je peux comprendre, peut-être, que les mots, dans le feu de l'action, dépassent la pensée – même si, lorsqu'on est un responsable politique, il est toujours préférable de se maîtriser en toutes circonstances. Mais je peux le comprendre.

M. Jean-Luc Mélenchon. Venez me chercher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Mme Claire O'Petit. Et ça veut être Président de la République !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . En tout état de cause, les images que j'ai vues étaient d'une très grande violence à l'égard de fonctionnaires de police exerçant leur mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Bruno Millienne. Assumez !

M. Erwan Balanant. Vous êtes la honte de cet hémicycle !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Elles étaient d'une très grande violence à l'égard de procédures ne relevant pas du Gouvernement. Je ne pense pas, monsieur le député, que nous ayons quoi que ce soit à gagner à mettre en cause l'indépendance de la justice.

Plusieurs députés du groupe LR . Et Benalla ?

M. le président. S'il vous plaît, chers collègues.

M. Edouard Philippe, Premier ministre . S'agissant des procédures qui pourraient être engagées ou qui ont pu l'être par le passé, j'ai le souvenir – contrairement à ce que vous avez indiqué – que des procédures ont déjà été mises en œuvre contre des formations politiques. J'en ai un souvenir assez net, croyez-moi, et je pense que beaucoup de gens, sur les bancs de cette assemblée, s'en souviennent aussi.

Des perquisitions dans des locaux de formations politiques, c'est déjà arrivé ! Des mises en cause de personnalités ayant ou ayant eu un rôle politique, c'est déjà arrivé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Cela n'est jamais agréable, mais j'observe, monsieur le député, que tous ceux qui ont été mis en cause, et qui parfois – je le reconnais – ont vu leur honneur mis en cause, tous ceux-là, me semble-t-il, ont systématiquement conservé à l'égard des forces de police comme de l'institution judiciaire un très grand calme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, dont quelques membres se lèvent.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Le Président de la République a appelé à la soupe !

M. Bruno Millienne. Populistes !

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 octobre 2018

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