Question au Gouvernement n° 1285 :
lutte contre la fraude fiscale

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2018


LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour le groupe La France insoumise.

Mme Danièle Obono. Cette question s'adresse à M. le Premier ministre, même si, étant donné le peu d'autorité qu'il a démontré avoir sur ses précédents gouvernements (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), il serait certainement plus rapide de nous adresser directement au banquier en chef de la startup Macron. Mais il l'a dit, c'est lui le « seul responsable ». Et précisément, il s'agit d'un domaine qu'il connaît très, très bien.

Je veux parler du dernier scandale de fraude fiscale impliquant les plus grandes banques européennes : le scandale des CumEx Files.

Les CumEx Files, ce sont 55 milliards d'euros sur quinze ans volés aux États et peuples européens – 3 milliards par an pour la France. C'est l'association crapuleuse de banques, d'avocats fiscalistes et d'entreprises du CAC 40 français, du DAX allemand et du London Stock Exchange. Les trois principales banques françaises, BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale, seraient concernées. Les mêmes qui se gavent d'aggios sur les petits découverts ont des bureaux entiers dédiés à faire évader l'argent !

C'est l'exemple même que pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales, il faut plus que les grandes déclarations d'intention dont vous êtes coutumier. Il faut, face aux délinquants en cols blancs, une volonté politique de fer, qui se dote de moyens fiscaux et policiers suffisants, ce dont, en la matière, vous manquez cruellement.

Jugez donc ! Au cours des derniers mois, nous vous avons proposé des mesures fortes pour lutter contre ce fléau – renforcement de l'abus de droit fiscal, sanctions dissuasives pour les complices de fraude, redéfinition des accords avec les paradis fiscaux, encadrement strict du secret des affaires qui leur permet de tout dissimuler, augmentation des moyens d'investigation et d'action des agents des comptes publics. Rejetées, rejetées, rejetées par votre majorité ! Vous avez préféré faire adopter des textes sans consistance, vidés d'outils contraignants.

Et vous préférez poursuivre la casse du service public fiscal, censé lutter contre ces fraudes. Entre 2018 et 2019, il y aura 2 313 postes en moins dans le ministère de l'action et des comptes publics ; 3 100 emplois ont été supprimés dans les seuls services de contrôle depuis 2010. Les syndicats insistent sur leurs difficultés à détecter les fraudes.

M. Bruno Millienne. Respirez !

Mme Danièle Obono. Ma question, monsieur le Premier ministre, est la suivante : lors des prochains examens législatifs, allez-vous demander à votre majorité de réétudier plus sérieusement nos propositions et d'augmenter le nombre de nouveaux postes d'agents chargés de combattre cette délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Madame la députée, je suis très étonné car, si votre question, devant vos collègues et la télévision, mérite assurément la démagogie avec laquelle vous la posez, dans l'hémicycle, vous n'avez pas adopté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, qui nous permettra justement, demain, de pénaliser les intermédiaires financiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Bruno Millienne. C'est honteux !

Mme Danièle Obono. Ce sont de grands mots !

M. Gérald Darmanin, ministre . C'est un grand regret que vous devez avoir désormais, compte tenu de ce que propose le texte qu'a présenté le Gouvernement. Jusqu'à présent, nous n'avions pas la possibilité de poursuivre ceux qui étaient des intermédiaires financiers, y compris, pourquoi pas, comme le dit le journal Le Monde, de grandes banques françaises.

Mme Danièle Obono. Vous avez refusé toutes nos propositions !

M. Gérald Darmanin, ministre . Mais nous n'avions pas attendu les révélations du journal Le Monde. Sachez que, parmi les entreprises qui ont pu être citées, certaines ont déjà connu des contrôles fiscaux, qui ont mis à mal ces montages. Des pénalités de 80 % ont été appliquées par l'administration dont j'ai la charge.

Mme Danièle Obono. Trois milliards d'euros, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre . La seule différence, c'est que nous pourrions considérer qu'il vaut mieux un travail dans l'ombre et efficace qu'une démonstration qui, malheureusement, s'arrête aux mots, que vous évoquez un peu trop souvent dans les médias.

M. Ugo Bernalicis. Rien du tout !

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la députée, permettez-moi d'ajouter que, pour l'essentiel, le scandale que vous évoquez ne touche pas les entreprises françaises.

Mme Danièle Obono. Bien sûr que si !

M. Gérald Darmanin, ministre. Il existe peut-être pour 3 milliards d'euros de fraude, ce qu'évoquent les journalistes, que je remercie de leurs investigations. Les vérifications sont en train d'être faites.

Mme Danièle Obono. Et ce n'est que maintenant que vous êtes au courant !

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la députée, je sais que vous appartenez à un parti robespierrien, mais écoutez au moins, avant de condamner ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Mme Danièle Obono. Des mots !

M. Bruno Millienne. Il est où, Mélenchon ?

M. Gérald Darmanin, ministre . Je peux vous assurer que si un intermédiaire financier, qui plus est une grande banque française, a commis de tels actes, elle sera poursuivie et condamnée, grâce à la loi votée par la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Action et comptes publics

Ministère répondant : Action et comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2018

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