Question au Gouvernement n° 1311 :
lutte contre toutes les formes de violences

15e Législature

Question de : M. Patrick Mignola
Savoie (4e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 31 octobre 2018


LUTTE CONTRE TOUTES LES FORMES DE VIOLENCES

M. le président. La parole est à M. Patrick Mignola, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

M. Patrick Mignola. Monsieur le Premier ministre, samedi, à Pittsburgh, onze personnes ont été assassinées parce qu'elles étaient juives. Notre compassion va aux familles des victimes et notre devoir est de rappeler que la haine des juifs est la récurrence abjecte de l'histoire. L'« antisémitisme ordinaire » multiséculaire, pour reprendre les mots de Robert Badinter, prospère aux États-Unis mais également dans notre pays, à la fac de médecine de Paris, sur les réseaux sociaux et à travers des agressions physiques en constante augmentation.

Tout comme le tueur de Pittsburgh avait déversé sa haine sur internet, y avait banalisé ses mots, y avait même annoncé ses meurtres, chez nous les sites de Dieudonné ou de Soral crachent librement leur négationnisme au visage de la République. Physiquement ou sur internet, à cette violence antisémite qui nie ce que nous sommes, s'ajoute la violence homophobe, qui s'en prend à la différence, s'ajoute la violence scolaire, qui s'en prend à ce qui nous élève, s'ajoutent les violences urbaines, qui limitent notre sécurité d'aller et venir. Qu'elle soit orale, écrite, physique ou numérique, c'est la même violence qui attaque notre démocratie de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

La démocratie est un bloc, qui repose sur des valeurs sociétales, un État de droit pour les protéger et une force publique pour les faire respecter. Si l'on s'en prend à tout ce que nous sommes, à tout ce qui est différent, à tout ce qui peut nous élever, alors nous devons avoir la démocratie offensive, la démocratie de combat, résistante, résiliente. Monsieur le Premier ministre, quels moyens concrets pouvons-nous mobiliser ensemble pour enrayer la haine sur les réseaux sociaux, qui envahit ensuite nos rues, pour reconquérir enfin notre République, dans les esprits, dans le socle familial, à l'école et sur tous nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Mignola, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre élection à la tête du groupe MODEM (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) et d'émettre le souhait qu'avec celui-ci, nous puissions continuer à travailler dans les meilleures conditions, comme cela a été le cas depuis le début de la législature.

Vous m'interrogez, monsieur le président, sur les actes criminels antisémites qui se sont déroulés à Pittsburgh, aux États-Unis, causant la mort de onze personnes, assassinées dans un lieu de prière parce qu'elles étaient juives. Je veux dire, exactement comme vous, la tristesse, la consternation et aussi l'indignation que suscitent ces actes criminels. Vous avez souligné que l'antisémitisme est partout et toujours un indicateur terrible du délitement de nos sociétés, des menaces pesant sur la démocratie et sur la façon dont nous avons choisi de vivre en commun. Je partage votre avis et, comme vous, j'exprime une forme d'inquiétude.

Cette inquiétude est immédiatement tempérée par une très grande détermination car la pire des choses serait de se résigner, de ne pas voir, de ne pas dire, de ne pas reconnaître et de penser que l'on ne peut rien faire. Or, en vérité, je pense qu'on peut faire beaucoup, qu'on peut ne rien laisser passer, qu'il s'agisse d'actes criminels, de violences verbales, de violences anonymes comme il en existe tant sur les réseaux sociaux ou encore d'incitations parfois perfides à la haine antisémite ou à la haine raciale, quelle que soit d'ailleurs la cible de cette haine.

Ne rien laisser passer doit s'accompagner d'une volonté très intense de protéger. Je salue la décision prise par le ministre de l'intérieur, dès qu'a été connue l'attaque de Pittsburgh, d'augmenter le niveau de protection accordée aux lieux de culte en France, afin d'éviter qu'après ce crime, d'autres ne soient commis sur le territoire national.

Outre la protection, nous devons éduquer, informer et, d'une certaine façon, avoir foi envers l'intelligence et la liberté humaine : dire, répéter, montrer combien les comportements et les actes antisémites sont inacceptables ; dire combien notre démocratie s'honore à chaque fois qu'elle lutte contre les actes de haine, qu'ils soient racistes ou homophobes, quelles que soient les convictions de la personne visée, ce qu'elle est, ce qu'elle croit, ce qu'elle choisit d'être.

C'est un combat pour la démocratie et, en englobant tous ces thèmes, monsieur le président, vous avez exprimé le sentiment que votre inquiétude était celle d'un démocrate et d'un républicain – j'insiste sur les deux – face à des remises en cause de notre démocratie. Oui, notre démocratie est fragile, et elle l'a toujours été ; les temps triomphants où l'on espérait que la démocratie finirait par s'imposer parce qu'elle était tellement supérieure à tous les autres modes d'organisation sont révolus, et cette époque n'est jamais venue.

Nous devons défendre la démocratie, nous le devons tous les jours. Il y a ceux qui la défendent par profession, qui y croient et font beaucoup pour elle : les forces de l'ordre, les magistrats et les professeurs, qui ont un rôle éminent à jouer. Et puis, au-delà, il y a les citoyens ! La démocratie n'est jamais plus fragile que quand nos concitoyens n'y croient plus, quand ils souhaitent eux-mêmes y renoncer. Notre rôle d'hommes et de femmes, mesdames et messieurs les députés, c'est de veiller à ce que la lumière de la démocratie continue à briller dans l'esprit de chacun de nos concitoyens et de faire en sorte que chacun de nos concitoyens estime qu'il est lui-même le premier et le principal rempart contre les attaques qu'on peut lui porter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir, sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et LT.)

Données clés

Auteur : M. Patrick Mignola

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 octobre 2018

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