Question au Gouvernement n° 1335 :
élection de M. Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil

15e Législature

Question de : M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 1er novembre 2018


ÉLECTION DE M. JAIR BOLSONARO À LA PRÉSIDENCE DU BRÉSIL

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dimanche soir dernier, Jair Bolsonaro a été élu président du Brésil À compter du 1er janvier prochain, un néofasciste va donc présider aux destinées de la sixième puissance mondiale et de ses 210 millions d'habitants. « Cette tragédie électorale nous oblige », selon les termes d'un communiqué de presse de La République en marche, termes que l'on aurait aimé retrouver dans la réaction de notre président de la République. Mais il est vrai que la France est le quatrième investisseur au Brésil : il ne faudrait pas froisser notre allié, de peur de fragiliser nos intérêts économiques, comme c'est par ailleurs le cas en Arabie Saoudite, ou en Syrie.

Il n'est pas question ici de remettre en cause le choix démocratique des électeurs brésiliens, ni de s'ingérer dans les affaires d'une nation souveraine. Pour autant, nous avons une pensée pour les femmes, pour les noirs, pour les personnes LGBT, pour les autochtones, et pour toutes les minorités qui vivront désormais dans l'angoisse des menaces proférées par leur nouveau président.

Passée une phase émotionnelle, il faudra nous interroger. Nous interroger d'abord sur l'implication des multinationales dans le financement de la campagne du candidat de l'extrême droite. Il faudra nous interroger ensuite sur les conséquences géopolitiques de l'arrivée au pouvoir d'un nostalgique de la dictature militaire, alors que les droites extrêmes tentent de renverser des gouvernements en Bolivie, au Salvador et au Nicaragua.

Nous devrons nous interroger enfin sur l'avenir de l'accord de Paris, envers lequel Jair Bolsonaro ne cache pas son désamour. Nous sommes d'autant plus inquiets qu'il projette également de supprimer le ministère de l'environnement, d'alléger la réglementation relative aux études d'impact environnemental, et de mailler la forêt amazonienne de grands barrages, de mines géantes et d'exploitations agricoles qui menacent l'intégrité du poumon de la planète.

Chers collègues, cette élection n'est pas une simple question de politique intérieure brésilienne. Elle nous concerne tous, car notre destinée commune est en jeu. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer quant à la volonté et à la capacité du Gouvernement à assumer ses responsabilités en termes de maintien d'un dialogue constructif sur la scène internationale, notamment en matière de lutte contre les causes anthropiques du réchauffement climatique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC. – M. Loïc Prud'homme applaudit aussi.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Gabriel Serville, le peuple brésilien a choisi son nouveau président, M. Bolsonaro, avec un résultat clair que nous ne contestons pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. C'est la démocratie !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . J'ai d'ailleurs constaté que vous-même, vous ne le contestez pas. Cette élection a lieu dans le cadre d'une crise économique, sociale et politique maillée de violences, mais elle a lieu. Nous respectons donc la souveraineté de ce choix.

S'agissant de M. Bolsonaro et de ses choix, nous jugerons sur les actes. Au cours de la campagne, il avait annoncé qu'il ne respecterait pas l'accord de Paris, or il vient d'annoncer qu'il pourrait moduler sa position. Il avait également annoncé qu'il remettrait en cause la Constitution, il vient de dire le contraire. Donc nous constaterons les actes de ce nouveau président en nous fondant sur ses positions et ses actions effectives. Comme l'a annoncé le Président de la République, nous serons particulièrement vigilants sur le respect des valeurs, sur le respect du droit, sur le pluralisme, sur la liberté de l'information qui ne doit pas être manipulée.

Vous l'avez dit, monsieur le député, le Brésil est un grand pays avec lequel la France entretient depuis très longtemps une relation privilégiée dans de nombreux domaines, économiques, industriels et également culturels, mais aussi autour de valeurs communes que nous partageons depuis longtemps. C'est dans le respect de ces valeurs que la France souhaite poursuivre sa coopération avec le Brésil dans le domaine de la paix, dans le domaine de la sécurité et, comme vous l'avez souligné, dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, qui passe par la préservation de l'accord de Paris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Gabriel Serville

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er novembre 2018

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