Question au Gouvernement n° 1337 :
fiscalité verte

15e Législature

Question de : M. Bertrand Pancher
Meuse (1re circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 1er novembre 2018


FISCALITÉ VERTE

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Libertés et territoires.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens nous interpellent en permanence sur la hausse des prix du carburant et des taxes. (« Oh ! »sur les bancs du groupe LaREM.) Nous, le groupe Libertés et territoires, soutenons la fiscalité verte parce que nous sommes responsables. Si on ne donne pas un prix au carbone, l'on ne réussira jamais à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, et nous pleurerons, mais trop tard, des larmes de crocodiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Bruno Millienne. Très juste !

M. Bertrand Pancher. Après l'accord pour le climat en 2015, la France, qui devait montrer l'exemple, ne respecte aucun de ses engagements.

Pourtant, de la taxe carbone à la taxe générale sur les activités polluantes, de la redevance pour pollutions diffuses au prélèvement sur les agences de l'eau, la fiscalité verte a progressé de 8 milliards ces deux dernières années alors que le budget du ministère de l'écologie n'a, lui, augmenté que d'un milliard ! Le compte n'y est pas.

Ces 7 milliards doivent servir à répondre à la crise climatique. En réinjectant massivement cette somme dans les territoires pour des actions vertueuses sur le plan environnemental, nous pourrions, par exemple, augmenter les crédits d'impôts afin de rénover 700 000 logements anciens par an et lutter contre les passoires énergétiques, développer les énergies renouvelables, favoriser les énergies du futur et l'économie circulaire, doubler le fonds chaleur, émailler notre territoire d'unités de méthanisation, mais aussi accélérer les programmes de mobilité urbaine et d'infrastructures propres et doubler le montant des aides pour acquérir des véhicules non polluants et à faible consommation.

M. Paul Molac. Très bien !

M. Bertrand Pancher. Avec cette manne financière décentralisée et gérée par les acteurs concernés, nous pourrions à la fois limiter largement nos factures énergétiques, lutter contre la précarité, favoriser l'innovation technologique, créer des centaines de milliers d'emplois non délocalisables et redonner espoir à nos territoires.

Monsieur le Premier ministre, qu'attendez-vous donc pour faire tout cela et, comme gage de votre bonne foi, affecter toutes ces hausses de fiscalité au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » afin que Bercy ne se serve pas en permanence du produit de cette fiscalité vertueuse pour remplir les poches sans fond de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Laurent Furst. Ce n'est pas Bercy mais le Gouvernement dans son entier !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Pancher, il y a quelques semaines, l'actualité était marquée par l'émotion suscitée par le cri d'alarme lancé par Nicolas Hulot, qui déclarait que la situation ne s'améliorait pas s'agissant des transformations climatiques à l'échelle de la planète et que nous devions impérativement et collectivement nous ressaisir. Il y a quelques jours, l'actualité suscitait émotion, angoisse et colère, et était marquée par la préoccupation formulée par un très grand nombre de Français devant les transformations climatiques qui, mois après mois, année après année, marquent notre géographie, marquent notre vie. Ceux qui vivent à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy ou ailleurs aux Antilles ont vu les effets de cette transformation climatique lors d'événements d'une intensité jamais observée. Ceux qui vivent dans l'Aude ont vu des événements d'une intensité, là encore, jamais observée. Nous voyons la sécheresse, nous voyons le recul du trait de côte, et partageons tous ce constat que notre monde est en train de se transformer, et dans un sens qui n'est pas celui que nous souhaitons, mais dans un sens dangereux pour la nature, pour nous-mêmes, pour l'humanité.

M. Éric Straumann. Ce n'est pas la question !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Aujourd'hui, dans l'actualité, il y a aussi le constat que les mesures prises par le Gouvernement, notamment l'augmentation continue de la fiscalité sur le carbone et le pétrole, suscitent émotion, inquiétudes, colère parfois.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, de la colère !

M. Éric Diard. Et perte de pouvoir d'achat !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je l'entends parfaitement. Mais, monsieur Pancher, vous savez comme moi qu'on ne peut pas imaginer une seconde que la résolution des questions fondamentales que vous évoquez, c'est-à-dire des mesures à la hauteur des enjeux de la transition écologique et de la lutte contre la transformation du climat, pourrait se résumer à des incantations. La vérité, c'est que dans son programme présidentiel - comme, vous l'aurez certainement remarqué, beaucoup d'autres l'avaient fait dans le leur -, le Président de la République avait indiqué qu'il fallait une trajectoire carbone pour substituer progressivement la fiscalité qui pèse sur la pollution à la fiscalité qui pèse sur le travail. Et c'est préférable en raison des enjeux actuels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Voilà qui est facile à formuler, monsieur le député ; c'est beaucoup plus difficile à faire et à assumer. Il se trouve que ce gouvernement et cette majorité, conformément aux engagements pris, assument cette position. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ils l'assument parce qu'elle est indispensable. On ne pourra pas régler les problèmes que nous avons devant nous par de simples incantations. Dire qu'il faut une trajectoire carbone tout en se plaignant que le carbone – ou le pétrole – coûte plus cher est profondément incompatible : il n'y aura pas d'effet magique dans la lutte pour le climat. Je le dis clairement et je l'assume ! (Mêmes mouvements.) Et d'une certaine façon, monsieur Pancher, vous l'avez assumé vous aussi.

Évidemment, il faut accompagner nos concitoyens car la transition écologique n'est pas simple.

Mme Danièle Obono. Ce n'est pas une réponse !

M. Sébastien Huyghe. Vous ne proposez pas d'alternative !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous avez évoqué les moyens budgétaires mis à la disposition de nos concitoyens et de l'ensemble de l'économie pour accompagner la transition écologique. Contrairement à ce que vous dites, des moyens considérables sont affectés à la prise en compte de cette transition. Je n'en évoquerai qu'un, mais la discussion de la programmation pluriannuelle de l'énergie permettra d'envisager ce débat sous un autre angle et d'en avoir une vision plus globale : l'accompagnement budgétaire au développement des énergies renouvelables, qui est déjà important, va considérablement s'accroître dans les années qui viennent ; plus de 2 milliards par an vont y être consacrés.

M. Éric Straumann. Combien de CO2  pour aller en avion jusqu'à Tokyo, monsieur le Premier ministre ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Ce que je crains au moins autant que les remarques d'aujourd'hui sur l'augmentation des prix du pétrole, c'est que, dans quelques mois ou dans quelques années, on nous dise : « Pourquoi autant de moyens pour le développement de tel ou tel mode de production d'électricité alors que, dans d'autres domaines, les besoins sont criants ? » Là encore, nous assumerons, et nous allons faire en sorte d'accompagner cette transition.

M. Sébastien Huyghe. Baratin !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous le faisons déjà, et la prime à la conversion en est un des éléments. Nous avions envisagé le versement de 500 000 primes sur le quinquennat ; nous atteindrons ce chiffre très probablement dans le courant de l'année 2019. Nous pouvons donc viser probablement le double d'ici à 2022. Cet objectif sera donc atteint et même très largement dépassé, chacun doit s'en réjouir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Cyrille Isaac-Sibille. Très bien !

M. Éric Straumann. 1 % par an !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La prime versée pour le changement de chaudière n'a rien d'accessoire parce qu'elle permet à chacun de se libérer de la dépendance au fioul et de participer à cet effort de transformation et de lutte contre le dérèglement climatique. Nous allons ainsi accompagner à hauteur de 30 % les changements de chaudière. Bien sûr que cela restera un effort pour nos concitoyens, mais 30 %, ce n'est pas rien et cela traduit une vraie volonté. Et dans tous les domaines, monsieur Pancher, nous allons nous engager de la même façon, pour une raison très simple : chacun s'accorde à dire que le défi est devant nous, mais un jour prochain, nos enfants, nos petits-enfants, viendront nous voir pour nous demander ce que nous avons fait. Moi, je leur dirai que j'ai assumé des décisions difficiles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Bertrand Pancher

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er novembre 2018

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