Question au Gouvernement n° 1354 :
avenir des interprètes afghans de l'armée française

15e Législature

Question de : Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 7 novembre 2018


AVENIR DES INTERPRÈTES AFGHANS DE L'ARMÉE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse à M. le Ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Qader Daoudzaï, ancien interprète de l'armée française, a été tué dans une attaque suicide le 20 octobre dernier, dans un bureau de vote à Kaboul. Cet attentat ne le visait pas personnellement, mais Qader Daoudzaï était depuis longtemps menacé par les talibans pour avoir travaillé pour l'armée française. Comme l'ont rappelé les journalistes Claude Askolovitch et Quentin Müller, l'armée française, sans interprètes, serait sourde et muette : ce sont eux qui vont les premiers dans les villages pour négocier, eux qui sont présents lors des interrogatoires, eux qui sont les plus exposés dans leur propre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe MODEM.) En 2015, Qader Daoudzaï avait déjà fait état des menaces dont il faisait l'objet dans sa demande de visa pour la France, visa qui lui avait été refusé comme pour 152 autres personnes faisant partie des personnels civils de recrutement local.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est une honte !

Mme Frédérique Dumas. Il s'apprêtait à en demander de nouveau un dans le cadre de la troisième procédure dite de « relocalisation », récemment ouverte. Le sénateur Jacques Le Nay a interpellé le ministre à ce sujet, mais la réponse n'était malheureusement pas audible. La sénatrice Nathalie Goulet vient de lancer une pétition pour accueillir sa famille, qui a déjà recueilli près de 60 000 signatures.

Dans le cadre de la relocalisation, l'administration a d'ores et déjà fixé un quota arbitraire de quatre-vingt-dix interprètes. Ces derniers n'ont que trois semaines pour déposer leur demande, sans qu'aucune publicité n'ait été faite.

M. Jean-Christophe Lagarde. Honteux !

M. Maurice Leroy. Lamentable !

Mme Frédérique Dumas. Alors qu'en 2012 et en 2015, le Gouvernement avait pris en charge le coût des voyages, cette fois-ci, ceux qui seront sélectionnés devront payer les billets d'avion pour eux-mêmes et pour leur famille,…

M. Maurice Leroy. Vous rendez-vous compte ?

Mme Frédérique Dumas. …alors que la plupart d'entre eux se cachent et ne peuvent pas prendre le risque de travailler !

L'honneur de la France serait que le Gouvernement prenne contact avec eux, un par un, et leur donne les moyens de venir en France, s'ils le souhaitent. Ils seraient ainsi protégés, comme nous nous y étions engagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Charles de Courson. Très bien !

Mme Frédérique Dumas. Ce n'est pas la première fois que nous abandonnons ceux qui nous ont aidés ! Certains se battent sur le terrain et assurent notre sécurité contre Daech, tels les Kurdes en Irak. Et tout le monde a en tête, bien sûr, le sort des harkis, ou ce qui s'est passé au Rwanda.

Le Gouvernement va-t-il redonner confiance en la France en respectant sa parole vis-à-vis de tous ceux qui, un jour, l'ont aidée ? Même anonymes, ils ne doivent pas être oubliés. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir, sur de nombreux bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes Soc, LT et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la députée, à travers le cas de Qader Daoudzaï, vous évoquez la situation des personnels civils de recrutement local, dont une majorité d'interprètes, qui ont œuvré au profit des forces françaises déployées en Afghanistan de 2001 à 2014. Leur nombre est estimé à 800. Deux campagnes d'accueil successives ont été organisées, entre 2012 et 2014, puis en 2015, conduisant à l'accueil sur le territoire français de 176 de ces personnels, soit 550 personnes si l'on inclut les familles.

Mais depuis, vous le savez, les conditions sécuritaires ont beaucoup évolué dans ce pays. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité, pour des motifs humanitaires, que les personnes précédemment déboutées voient leur demande de visa réexaminée par le ministère de l'intérieur, sous réserve de la prise en considération des risques d'atteinte à la sécurité nationale et à l'ordre public.

Une mission dédiée, pilotée par le ministère des affaires étrangères, sera donc envoyée dans les prochains jours pour examiner leur cas sur zone. Cette mission bénéficiera de l'appui du ministère des armées et du ministère de l'intérieur, mais aussi du concours de l'Association des anciens interprètes afghans de l'armée française, pour communiquer avec les intéressés et éventuellement accompagner sur le territoire français les personnes dont l'examen de la situation aura donné lieu à un avis favorable. Elles bénéficieront d'un visa gratuit et seront prises en charge par les services du délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés.

Les interprètes engagés aux côtés de nos forces – qui, je rappelle, venaient elles-mêmes en appui du gouvernement afghan – ont pris des risques. Cela justifie que leur demande ainsi que celle de leur famille soient traitées avec humanité et sérieux. C'est le cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous le leur devons !

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Dumas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 novembre 2018

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