centenaire de la Première Guerre mondiale
Question de :
Mme Carole Bureau-Bonnard
Oise (6e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 8 novembre 2018
CENTENAIRE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
M. le président. La parole est à Mme Carole Bureau-Bonnard, pour le groupe La République en marche.
Mme Carole Bureau-Bonnard. Monsieur le Premier ministre, le 11 novembre 2018, nous commémorerons le centenaire de l'armistice dans toutes nos communes, ainsi qu'à Paris, sous l'Arc de Triomphe, en présence de plus de quatre-vingts chefs d'État.
Au cœur de ma circonscription, la sixième de l'Oise, la ville de Noyon et ses alentours n'étaient plus, au cours de cette guerre, qu'un champ de ruines, et Compiègne abrita la signature de l'armistice. Nos valeureux soldats ont été héroïques dans des conditions effroyables ; ils ont reconquis l'Oise au péril de leurs vies. Notre histoire regorge des exploits d'hommes, de femmes et d'enfants qui se sont engagés pour participer à l'effort de guerre. Le 11 novembre 1918, l'armistice fut signé dans la forêt de Rethondes, à Compiègne, entre les chefs d'état-major alliés et allemands. C'est à cette occasion que l'Oise est devenue le symbole mondial de la liberté, après quatre ans d'un conflit qui laissa l'Europe exsangue.
La mission du centenaire de la Première Guerre mondiale a proposé de nombreux témoignages, documents historiques, expositions, démonstrations et quantité de scènes émouvantes dans les territoires, devant un public intergénérationnel désireux de comprendre son histoire.
Actuellement, le chef de l'État réalise une itinérance mémorielle entre le Grand Est et les Hauts-de-France, auprès des populations et des territoires meurtris par le conflit, qui n'ont pas été épargnés depuis par les difficultés sociales et économiques, mais qui ont fait preuve d'énergie au quotidien pour rebondir et, surtout, se réinventer un avenir.
Ces cérémonies rendent hommage aux morts pour la France...
M. François Pupponi. Et à Pétain !
Mme Carole Bureau-Bonnard. ...et ont pour ambition de transmettre la mémoire aux jeunes générations, en rappelant notre attachement aux valeurs de la République et à cette Europe qui nous protège dans un monde en perpétuelle mutation où, trop souvent, les idées nationalistes et populistes se propagent.
M. Fabien Di Filippo. Et pétainistes !
Mme Carole Bureau-Bonnard. Monsieur le Premier ministre, la mission du centenaire se termine, mais le devoir de mémoire doit perdurer. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les politiques mémorielles envisagées pour ne jamais oublier ceux qui ont sacrifié leur vie afin que nous vivions libres et en paix ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, nous célébrerons dimanche le centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale à Paris, dans une atmosphère de gravité, de reconnaissance et de mémoire active. La célébration du centenaire de la Première Guerre mondiale...
Mme Marine Le Pen et M. Sébastien Chenu . De la victoire !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . ...a commencé il y a quatre ans. Pour regarder cet exercice mémoriel, il faudrait se pencher sur quatre années de travail et sur un effort collectif qui a tenté d'apporter à nos concitoyens une lecture complète de ce conflit, qui, il y a cent ans, a plongé l'Europe dans le chaos, a marqué notre pays comme rarement un conflit ne l'avait fait, a décimé des villages, a détruit des villes – vous en avez cité certaines – et a transformé dramatiquement et tragiquement notre pays.
Tous ceux qui ont contribué à cet exercice de mémoire ont été fortement frappés par le souvenir vivace que la Première Guerre mondiale a laissé dans les mémoires des Français. Nous ressentons une fierté commune de cette nation en armes,...
M. Claude Goasguen. Très bien ! Enfin !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. ...qui a souffert, qui a combattu et qui a gagné. Dans tous les villages et dans toutes les villes, nous avons vu, lors des célébrations annuelles du 11 novembre, une foule que nous ne voyons pas toujours pour d'autres cérémonies patriotiques. Des Français ont ressorti des lettres, des états de service de leurs parents, de leurs grands-parents ou de leurs arrière-grands-parents ; ils ont apporté dans la grande collecte une masse considérable d'informations. Les historiens voient dans la conservation pendant un siècle par les Français de cette masse d'informations quelque chose de fascinant, parce qu'elle montre que cet événement national a touché toute la France, quelles que soient les origines géographiques et les classes sociales.
Cet exercice de mémoire a été remarquablement organisé par la mission du centenaire et mis en œuvre par l'État, dont je veux saluer les agents qui ont participé à cet effort, et par les collectivités territoriales, qui ont conçu plusieurs milliers de projets pour faire participer les plus jeunes à cette entreprise de connaissance du passé.
Il ne faut jamais rien omettre du passé : ni ce qui est glorieux, ni ce qui est sombre ; ni ce qui est difficile, ni ce qui est admirable. Il ne faut pas tout mettre sur le même plan, mais il ne faut rien ignorer du passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
C'est cet exercice que nous avons fait collectivement pendant quatre ans. Il ne trouvera pas sa conclusion dimanche et devra durer. Je me souviens d'une expression – je vais peut-être vous faire sourire, madame la députée – utilisée par Régis Debray en 1989, à l'occasion de la célébration du bicentenaire de la Révolution française qu'il était chargé d'organiser : des débats étaient apparus – certains les appellent « polémiques », mais je préfère les prendre par le haut et les nommer « débats » – sur l'opportunité de célébrer tel ou tel événement, alors que des tragédies et des massacres avaient eu lieu dans le cadre de la Révolution. Ces débats avaient prospéré en 1989 et Régis Debray, avec un brin d'humour et une forme de philosophie, avait dit : « Je crois que nous aurons un tricentenaire très réussi. »
Il est difficile de regarder l'entière complexité du passé en face, madame la députée, surtout lorsqu'il s'agit d'un conflit. Difficile de penser aussi bien, sans les mettre nécessairement sur le même plan, aux victorieux qui ont combattu et qui ont fait preuve d'un courage et d'une abnégation immenses qu'aux fusillés pour l'exemple. Difficile de penser en même temps à ceux qui étaient au front et à ceux qui étaient à l'arrière, aux glorieux et à ceux qui, ensuite, ne se sont pas montrés à la hauteur des enjeux de l'histoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes SOC et FI.)
M. François Pupponi. Ah non !
M. Éric Straumann. Pas la peine de remercier Pétain !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je sais bien que c'est un exercice difficile et paradoxal, mais permettez-moi de vous dire, madame la députée, qu'il est indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)
M. Fabien Di Filippo. Hô Chi Minh et Pétain : belles références !
Auteur : Mme Carole Bureau-Bonnard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Cérémonies publiques et fêtes légales
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 novembre 2018