Question au Gouvernement n° 1373 :
financement du surcoût des OPEX

15e Législature

Question de : M. François Cornut-Gentille
Haute-Marne (2e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 14 novembre 2018


FINANCEMENT DU SURCOÛT DES OPEX

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le groupe Les Républicains.

M. François Cornut-Gentille. En ce lendemain de commémorations du 11 novembre, je m'adresse à vous solennellement, monsieur le Premier ministre, à propos du budget des armées. Hier soir, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2018, des dispositions mettant un terme au financement interministériel des opérations extérieures – OPEX – ont été adoptées.

M. Marc Le Fur. C'est très grave !

M. François Cornut-Gentille. Cette décision bafoue les engagements pris par le Président de la République et répétés, il y a peu encore, par votre ministre des armées. Elle bafoue aussi la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 que votre majorité a adoptée il y a moins de six mois.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François Cornut-Gentille. Ainsi, plusieurs centaines de millions vont manquer aux armées.

M. Jean-Luc Reitzer et M. Éric Straumann . Incroyable !

M. François Cornut-Gentille. Toutefois, l'enjeu n'est pas seulement budgétaire. C'est la crédibilité de la parole de l'exécutif qui est en cause. Affectant de ne pas voir le problème, votre ministre des armées, ainsi que celui du budget, se réfugient dans des arguties techniques ou de vaines polémiques.

Un député du groupe LaREM . C'est vous qui polémiquez !

M. François Cornut-Gentille. Nonobstant, au sein de tous les groupes politiques, et jusque dans votre majorité, l'émotion est grande. Je me tourne donc vers vous, monsieur le Premier ministre, car la Constitution vous confère une responsabilité particulière en matière de défense.

Assumez-vous cette décision inique dictée par Bercy ? Dans ce cas, comment l'expliquez-vous aux militaires ? Ou bien considérez-vous qu'il s'agit d'une erreur ? Et alors, comment comptez-vous la corriger ? Les militaires qui risquent leur vie au nom de la France ont moins besoin d'hommages que du respect de la parole donnée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir. – Mme Jeanine Dubié applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez avec gravité – laquelle sied au sujet – à propos du financement de nos armées prévu par la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, adoptée par le Parlement l'année dernière. Vous avez raison d'indiquer que celle-ci prévoit une augmentation annuelle des crédits affectés à nos armées dont le montant est compris entre 1,6 et 1,7 milliard d'euros.

M. Jean-Luc Reitzer. Que vous déduisez ensuite !

M. Guy Teissier. C'est du bonneteau !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il s'agit d'un effort considérable – le bon spécialiste des questions de défense que vous êtes mesure parfaitement ce que cela signifie. Chaque année, la nation consacrera entre 1,6 et 1,7 milliard d'euros supplémentaires à la défense, alors même que nous viserons plutôt, dans de nombreux autres champs de l'action publique, une maîtrise des dépenses, voire leur diminution.

M. Éric Straumann. Pas dans tous les cabinets ministériels !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Cet effort considérable a été décidé par le Président de la République et adopté par la majorité, pour une raison simple : nous vivons dans un monde extrêmement dangereux où la France doit pouvoir défendre ses intérêts et sa population. Nous nous sommes donné pour objectif d'atteindre un niveau de dépenses de défense équivalent à 2 % du PIB à l'horizon 2025, ce qui exige de maintenir cet effort année après année.

M. Pierre Cordier. Nous ne sommes pas les États-Unis !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Outre cette augmentation annuelle décidée l'an dernier, inscrite – cela n'a pas pu vous échapper – dans le projet de loi de finances pour 2019, nous avons décidé de nous livrer à un exercice utile – me semble-t-il, mais je suis certain que vous partagez ce point de vue – de sincérité budgétaire.

M. Éric Woerth. Comme en 2007 !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous le savez, la gestion du ministère des armées – comme d'autres – a très longtemps été caractérisée par des estimations de provisions budgétaires insincères, notamment en matière d'OPEX. Cet état de fait a été dénoncé par toutes les oppositions. Cette gestion était également caractérisée par un taux de gel initial des dépenses compris entre 8 % et 12 % du montant global du budget.

M. Éric Woerth. Pas en 2007 !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . On affichait un chiffre, mais les provisions budgétaires prévues pour ce chiffre global n'étaient pas sincères et on bloquait entre 8 % et 12 % du montant total de la dépense en vue de le récupérer au terme de l'exécution budgétaire.

M. Guy Teissier. Pas exactement !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . La Cour des comptes, à plusieurs reprises, ainsi que les commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat, ont eu l'occasion de s'émouvoir – à juste titre – de ces pratiques. Nous avons décidé de rompre avec celles-ci en procédant à une nouvelle estimation des dépenses induites par les OPEX, en les augmentant afin de parvenir à un budget sincère, et en fixant à 3 % du budget le montant des sommes gelées.

Qu'avons-nous constaté à l'approche du terme de l'exécution du budget pour 2018 ? Que le montant des OPEX à financer pouvait parfaitement, en raison de la sincérité du budget initial et de la bonne gestion de Mme la ministre des armées, être pris en charge par le ministère des armées. J'en veux pour preuve que, même en dégelant la réserve de 3 % du montant initial, il restera encore de l'argent à engager au terme de l'exercice budgétaire.

M. François Cornut-Gentille. Permettez-moi d'en douter, monsieur le Premier ministre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . La solidarité interministérielle que vous appelez de vos vœux en matière de financement du surcoût des OPEX…

M. Guy Teissier. Bien sûr !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …est un mécanisme qui était utilisé lorsque le ministère des armées ne parvenait pas à prendre en charge celui-ci, car les sommes étaient mal budgétées et le budget mal exécuté. Désormais, il est parfaitement possible d'imputer au budget des armées le surcoût des OPEX …

M. Guy Teissier. Elles sont impossibles à prévoir !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …sans le mobiliser pour autant afin qu'il prenne en charge d'autres dépenses relevant de la solidarité interministérielle. Voilà ce que nous avons décidé, monsieur Cornut-Gentille, afin que pas un euro ne manque au budget de la défense.

Je conclurai – car vous avez posé votre question avec une grande solennité – en évoquant le souvenir – que vous partagez sans doute – de budgets qui prenaient moins en compte la dangerosité du monde et la nécessité de préparer nos armées que le nôtre. J'aurais aimé qu'en d'autres temps on constate la nécessité d'augmenter leur budget.

M. Éric Straumann. Surtout vous !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'aurais aimé qu'en d'autres temps, sur tous les bancs, nous nous soyons mobilisés au moins autant pour défendre ce qui ne l'a pas été alors. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Plusieurs députés du groupe LR . Vous y siégiez !

M. Éric Straumann. On ne vous a pas beaucoup entendu à l'époque !

Données clés

Auteur : M. François Cornut-Gentille

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 novembre 2018

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