politique fiscale
Question de :
Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2018
POLITIQUE FISCALE
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, il y a un mois, je vous rappelais les mots prononcés par François Mitterrand en 1988 : il disait qu'il n'y a pas de cohésion, là où il y a exclusion. Or, depuis votre arrivée aux responsabilités, vos politiques créent de l'exclusion.
Il y a ceux que vous appauvrissez. Je pense notamment aux 14 millions de retraités. Pour 8 millions d'entre eux, la hausse de la CSG et la non-indexation des retraites entraîneront une perte de pouvoir d'achat équivalent à un demi-mois de retraite. Avec la hausse des taxes énergétiques, vous appauvrissez également 15 millions de salariés du privé et du public, qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler.
Et, en même temps, il y a ceux que vous enrichissez. Vous augmentez la rente du 1 % des Français les plus aisés, avec la suppression de l'ISF. Votre majorité a par ailleurs tenté, vendredi soir, de faire un nouveau cadeau fiscal aux traders étrangers qui gagnent un million d'euros par an, et il a fallu l'union de toute l'opposition pour forcer votre majorité à reculer.
En créant ainsi de l'exclusion, vous êtes en train d'abîmer la cohésion de notre pays, puisque vous faites deux grands perdants : le pouvoir d'achat et la transition énergétique. Le mouvement des gilets jaunes en est la traduction. Nous déplorons qu'il y ait eu des blessés et qu'une manifestante ait trouvé la mort samedi. Nous déplorons aussi que votre politique exacerbe les tensions sociales, notamment à La Réunion, où un couvre-feu a dû être instauré.
M. Erwan Balanant. Et votre irresponsabilité ? Assumez un peu !
Mme Valérie Rabault. Face aux centaines de milliers de Français qui vous interpellent sur leurs fins de mois difficile, votre seule réponse est l'inflexibilité. Or cette inflexibilité est incompatible avec notre démocratie. Aussi, nous vous demandons de ne pas opposer ordre public et ordre social. Nous vous redemandons également un gel immédiat des hausses des taxes prévues en 2019, un geste immédiat pour compenser vos hausses de fiscalité et un Grenelle du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez sur l'évolution du pouvoir d'achat des Français, sur la capacité du Gouvernement à conduire des réformes et sur l'attitude qu'il convient d'avoir lorsqu'on dirige un pays et qu'un certain nombre des politiques que l'on s'est engagé à mener au moment des élections présidentielles et législatives suscite des questionnements, des désaccords, voire des contestations, ce qui est naturel et sain dans une démocratie.
Je me permets de vous faire observer que j'ai beaucoup appris au cours des années précédentes.
M. Pierre Cordier. Pourtant, vous n'étiez pas beaucoup là !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. J'ai beaucoup appris, car je me souviens parfaitement de ce qu'il était convenu d'appeler, à l'époque, non pas les gilets jaunes mais les bonnets rouges. Je me souviens qu'à l'époque, madame la présidente, la majorité dont vous étiez un membre éminent, confrontée à une difficulté sociale qui venait directement se heurter à des engagements pris par cette même majorité, avait choisi de ne pas aller au bout. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Guillaume Garot. C'était avant !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous aviez choisi de reculer et, en reculant, vous aviez choisi de ne pas remplacer les dispositifs qui devaient financer la transition écologique, laquelle est aujourd'hui à notre charge, à la charge du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Ce jour-là, j'ai considéré que vous ne rendiez pas service à notre pays – je m'adresse à vous parce que c'est vous qui m'interrogez, mais je sais que vous n'êtes pas la principale responsable de cette décision, même si vous l'avez soutenue.
M. Pierre Cordier. Combien y a-t-il de socialistes dans La République en marche ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'estime que la décision qui a été prise ce jour-là n'a pas été une bonne chose pour le pays. Je vous le dis comme je le pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) L'objectif de cette majorité est effectivement tout autre, puisqu'elle consiste à tenir les engagements qui ont été pris devant les Français au moment de l'élection présidentielle, puis au moment de l'élection législative.
Mme Geneviève Levy. Pas tous !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous qui êtes attachée au débat démocratique, vous pourriez reconnaître que tenir les engagements qui ont été pris devant les Français relève justement d'une volonté de prendre au sérieux à la fois le débat démocratique et les Français eux-mêmes.
Oui, madame la présidente, nous allons faire ce à quoi nous nous sommes engagés. Nous allons progressivement et résolument faire basculer la fiscalité qui pesait sur le travail vers une fiscalité qui pèsera un peu plus sur les carburants et sur le carbone. C'est une chose à laquelle nous nous sommes engagés. C'est une chose que nous assumons et que nous savons nécessaire, mais qui, pour être acceptée, doit être accompagnée. C'est la raison pour laquelle, dès l'année dernière, un certain nombre d'instruments ont été créés pour accompagner les Français dans cette transition. C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, j'ai annoncé des mesures qui permettent de renforcer l'efficacité de ces instruments, d'en élargir l'assiette, d'en renforcer l'intensité.
M. Sébastien Jumel. Ce ne sont que des miettes !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est la raison pour laquelle, enfin, à chaque fois que des politiques publiques seront présentées à l'Assemblée nationale et au Sénat, qu'il s'agisse de la loi d'orientation sur les mobilités ou de la programmation pluriannuelle de l'énergie, nous allons développer ces instruments d'accompagnement.
Madame la présidente, nous voulons revaloriser le travail et nous voulons prendre au sérieux la transition écologique. Voilà notre axe, voilà la politique que nous proposons aux Français et voilà la politique que nous allons appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Valérie Rabault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2018