Question au Gouvernement n° 1416 :
décentralisation

15e Législature

Question de : M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2018


DÉCENTRALISATION

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Libertés et territoires.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vient de reconnaître avec lucidité qu'il avait échoué à réconcilier ce qu'il appelle la « base » et le « sommet ».

M. Fabien Di Filippo. Il s'est trompé en tout !

M. Philippe Vigier. Il est maintenant urgent de passer de la parole aux actes, en tendant la main aux maires, qui sont, sur le terrain, au quotidien, les artisans infatigables de la République.

M. Fabien Di Filippo. Il les méprise !

M. Philippe Vigier. Alors que s'ouvre aujourd'hui même leur congrès, devant lequel Emmanuel Macron ne viendra pas alors qu'il s'y était engagé, les maires sont désemparés au point de songer souvent à abandonner la gestion de la commune à laquelle ils ont tant donné. Le désengagement de l'État les a laissés en première ligne pour protéger nos concitoyens face aux crises sociale, économique, écologique et identitaire qui frappent leur territoire. Ils sont également en première ligne face aux fermetures de services publics, aux difficultés d'accès au logement, aux soins, aux transports, à la téléphonie mobile et au numérique. Ils doivent se battre chaque jour pour leur territoire, contre des décisions qui sont prises de Paris, par Paris et pour Paris.

Monsieur le Premier ministre, les maires font la force de la France. Ils veulent de la considération, ils veulent des moyens pour libérer l'énergie et le potentiel de leurs territoires. Vous êtes, monsieur le Premier ministre, aux responsabilités : il vous appartient donc de leur apporter une réponse forte. Pour le groupe Libertés et territoires, cette réponse ne peut passer que par un nouvel élan de décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

Aussi ma question sera simple : êtes-vous prêt à en finir avec une centralisation qui s'est accentuée depuis dix-huit mois ? Êtes-vous prêt à permettre aux territoires de s'adapter à leurs spécificités, notamment en facilitant l'expérimentation locale ? Êtes-vous prêt enfin à leur accorder une plus grande autonomie fiscale et à permettre plus de solidarité territoriale ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, en cette première journée du congrès des maires…

M. Éric Straumann. Pourquoi le Président n'y va-t-il pas ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …vous vous êtes livré à un véritable plaidoyer en faveur des maires de France et je souscris à presque tout ce que vous avez dit tellement j'éprouve moi aussi de l'admiration, de l'amitié…

M. Pierre Cordier. Il faudrait le montrer !

M. le président. Monsieur Cordier !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …à l'égard des maires de France, qui savent élever le débat quand c'est nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme Émilie Bonnivard. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'approuve donc quasiment tout ce que vous avez dit du rôle particulier que les maires jouent dans la vie de notre pays.

Vous évoquez les difficultés du métier de maire. Vous avez évidemment raison, elles sont réelles, elles sont considérables. Parmi celles-ci, vous avez évoqué les difficultés récurrentes que les maires rencontreraient dans leurs relations avec l'État et avec lui seul. Vous qui connaissez la vie locale autant que je la connais, reconnaissez avec moi qu'il peut arriver que dans l'exercice de leur mandat, dans la réalisation de leurs projets, les maires se heurtent au moins autant, et parfois un peu plus, monsieur le président Vigier, à d'autres collectivités territoriales, départements, régions, communes qui ne partagent pas leurs projets.

M. Fabien Di Filippo. Diversion !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Cela peut arriver…

M. Éric Straumann. C'est beaucoup plus rare !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et tous ceux qui pensent que ça n'arrive jamais ont une vision particulièrement tronquée de la réalité de la vie locale. Vous le savez, je le sais. Cela ne veut pas dire que leurs relations ne sont pas difficiles parfois mais l'honnêteté et le sens de la nuance imposent de reconnaître que la vie locale ne se résume pas à la relation conflictuelle entre les maires et l'État.

Vous évoquez, monsieur le président Vigier, la nécessité d'une nouvelle vague de décentralisation. Là-dessus je veux dire les choses le plus clairement possible. Dès la prise de fonctions du Gouvernement, nous avons indiqué, exactement dans la ligne de ce qui avait été proposé par le Président de la République, que nous ne procéderions pas à une refondation complète des collectivités territoriales, que nous ne réaliserions pas un nouveau big bang, que nous ne comptions pas faire voter une nouvelle loi NOTRe, qu'il fallait laisser aux collectivités territoriales le soin de digérer les transformations entraînées par la réforme des grandes régions qui a posé tellement de problèmes. Nous savons tous en effet quelles difficultés la précédente majorité a suscitées en augmentant de façon très directive le périmètre des intercommunalités. Parfois cela se passe très bien mais parfois c'est un peu plus compliqué pour les communes de se retrouver dans de grandes intercommunalités. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.) Je ne vois pas pourquoi mes propos suscitent un tel agacement : c'est un fait, tous les maires le disent. Parfois cela se passe bien, parfois cela se passe moins bien. On voit bien qu'il y a là un sujet.

Nous ne voulons pas d'un nouveau big bang ; nous voulons corriger ce qui peut l'être, adapter ce qui doit l'être, en travaillant avec les collectivités territoriales à des solutions adaptées, du « sur-mesure » comme nous l'avons fait pour l'Alsace.

Et puis, monsieur le président Vigier, puisque vous appelez de vos vœux, non pas une autonomie des collectivités territoriales mais une capacité d'adaptation, la faculté de définir des règles particulières, nul doute qu'impressionné par la proposition d'un droit à la différenciation qui vous sera soumise en janvier dans le cadre du projet de révision constitutionnelle, vous voterez en sa faveur. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Vigier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2018

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